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Passe-t-on à côté du problème en liant l’immigration à la crise du logement?

Des gens assis tiennent de petits drapeaux du Canada.

Le Canada compte maintenant plus de 2,5 millions de résidents permanents.

Photo : CBC / Stephen Lubig

Radio-Canada

Avec l’augmentation des loyers des logements et des prix des maisons, il est de plus en plus difficile de trouver un endroit abordable où vivre au Canada. Certains estiment que les taux d’immigration records au pays sont responsables de ce phénomène, mais des experts n’en sont pas si convaincus.

En effet, d’autres facteurs contribuent à accentuer la pression sur le marché de l’habitation : les taux d’intérêt élevés, l’augmentation des coûts de construction ainsi que les bureaucraties municipales qui peuvent ralentir ou bloquer les mises en chantier.

Néanmoins, pour réduire cette pression, l’idée de déterminer le nombre d’immigrants reçus chaque année au Canada en fonction du nombre de logements disponibles sur le marché a été évoquée.

Ce sont des mathématiques très simples. Si tu as plus de familles qui entrent que de maisons pour elles, ça va faire augmenter les prix des logements, a expliqué le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, lors d’une récente allocution à Winnipeg.

M. Poilievre donnait un aperçu de la manière dont il gérerait l’immigration si son parti était au pouvoir.

Nous devons aligner les chiffres de l’immigration avec ceux des logements construits, a-t-il expliqué. L’augmentation de l’immigration ne devrait pas dépasser le nombre de logements que nous ajoutons au parc immobilier.

Les libéraux ont eux aussi affirmé que le grand nombre de personnes qui entrent au pays aggrave la crise du logement.

Toutefois, des experts en habitation et des économistes soutiennent que le fait de limiter l’immigration ne fera pas diminuer les prix des logements.

Portrait différent

L’immigration au Canada a considérablement changé ces dernières années.

À l’automne 2022, le gouvernement libéral avait annoncé son intention d’augmenter la cible annuelle concernant l’immigration permanente. Cette cible, qui s'établissait à 405 000 en 2021, puis à 465 000 en 2022, est maintenant de 500 000 pour 2024. Ce nombre a presque doublé depuis 2014, lorsque le pays avait reçu 260 411 immigrants.

Cependant, les résidents permanents ne forment qu’une partie du portrait de l’immigration.

Statistique Canada a recensé une augmentation totale de la population canadienne de 1 158 705 personnes en date du 1er juillet 2023. Cela équivaut à une augmentation de 2,9 % en un an, soit la plus élevée enregistrée sur une période de 12 mois depuis 1957.

Le ministre Marc Miller en conférence de presse.

Le ministre fédéral de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marc Miller (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

Selon cette agence canadienne, 98 % de cette augmentation est due à l’immigration, alors que le reste représente l'augmentation naturelle [la différence entre les naissances et les décès].

Statistique Canada estimait qu’à la fin de l’année 2023, il y aurait 2 511 437 résidents non permanents au pays – y compris les étudiants étrangers et les travailleurs temporaires –, alors qu'à l'automne 2021, on en comptait 1 305 206.

Maisons c. ménages

Plusieurs experts de la question du logement affirment que le fait de déterminer les cibles d’immigration selon le nombre de maisons bâties ne rendra pas le logement plus abordable.

David Hulchanski, un professeur spécialisé en habitation et en développement communautaire à l’Université de Toronto, explique qu’il est important de distinguer les ménages et les maisons puisque les 40 millions de personnes au Canada ne vivent pas dans 40 millions de maisons.

En moyenne, les ménages canadiens sont constitués de 2,45 personnes, dit-il. Selon cette mesure, 500 000 immigrants au Canada auraient besoin de 204 000 maisons pour se loger.

Les données de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) parues cette semaine indiquent que la construction de logements au pays a diminué de 7 % comparativement à 2022. Néanmoins, M. Hulchanski souligne qu’il y a quand même eu 223 513 mises en chantier l’an dernier, soit un nombre suffisant pour accueillir les nouveaux résidents permanents.

Un immeuble en construction.

En moyenne, les ménages canadiens sont constitués de 2,45 personnes. Selon cette mesure, 500 000 immigrants au Canada auraient besoin de 204 000 maisons pour se loger.

Photo : Radio-Canada / Patrick Foucault

M. Hulchanski dit que le fait de lier l’immigration à la disponibilité des logements équivaut à postuler que tous les immigrants ont les mêmes besoins.

Les gens qui immigrent au Canada par le truchement du programme de réunification familiale sont plus susceptibles d’aller vivre avec les membres de leur famille que de chercher leur propre logement, remarque-t-il.

Certains immigrants viennent avec leur famille complète et vont vivre ensemble, alors que d’autres sont plus fortunés et peuvent se payer un logement à prix élevé, ajoute le professeur de l’Université de Toronto.

Le problème, lorsqu'on lie les immigrants à l'inventaire de logements, c’est qu’il y a une différence à établir entre les ménages et les immigrants, et il y a une grande disparité [entre les deux], dit M. Hulchanski.

Immigrants c. étudiants étrangers

David Hulchanski et d’autres experts de la question du logement voient tout de même un lien clair entre l’immigration non permanente et la disponibilité de logements.

L’augmentation récente du nombre de résidents non permanents, disent-ils, a eu un impact substantiel sur l’abordabilité des logements.

En 2011, par exemple, le nombre d’étudiants étrangers au pays approchait les 240 000. En 2023, le ministre de l’Immigration, Marc Miller, a indiqué que le Canada était en voie d’en accueillir 900 000.

On augmente la demande [en logements] de façon exponentielle, soutient Stephen Pomeroy, professeur et expert en habitation à l’Université McMaster.

Sean Fraser en point de presse devant des drapeaux du Canada.

Le ministre du Logement, Sean Fraser, a affirmé cette semaine que les programmes de travailleurs étrangers et d’étudiants étrangers aggravent la crise du logement.

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

Les étudiants et les travailleurs étrangers temporaires ne viennent pas ici pour acheter des maisons : ils louent. Alors il y a un impact considérable sur la demande dans le marché locatif.

M. Pomeroy estime que les cibles annuelles en immigration sont bien gérées mais que les gouvernements provinciaux et fédéral ont perdu le contrôle des programmes de résidents non permanents qui encadrent la venue d’étudiants et de travailleurs étrangers temporaires.

Il croit que le retrait de 700 000 étudiants étrangers du système réduirait les pressions sur le marché locatif à certains endroits, sans faire trop mal aux universités qui comptent sur les frais de scolarité élevés de ces étudiants.

Favoriser l’immigration

Ce qui est probablement arrivé depuis les années 1990, c’est que les entreprises au Canada et les groupes de lobbyistes se sont mis à voir l’immigration comme une très bonne chose, dit Christopher Worswick, président de la chaire d’économie de l'Université Carleton.

La Chambre de commerce du Canada estime d’ailleurs qu'il est préférable de construire plus de logements que de revoir à la baisse les cibles d’immigration.

Entre chercher à limiter la demande [en matière d'immigration] ou augmenter les inventaires pour atteindre le nombre de logements et de maisons dont nous avons besoin, je crois vraiment que l’accent doit être mis sur l’augmentation des stocks, affirme Pascal Chan, directeur de l'infrastructure et de la construction à la Chambre de commerce du Canada.

Pour sa part, David Hulchanski croit que pour faire baisser les prix des logements, le Canada doit aider les gens qui ont les revenus les plus bas. Pour ce faire, il suggère de faire passer la proportion de logements sociaux de 4 % à 16 % au Canada.

Établir l’immigration comme la source du problème et promettre de la réduire pour rétablir l'abordabilité est, selon lui, une autre façon d’éviter la vraie discussion sur la nécessité de procéder à des changements systémiques.

D'après un reportage de Peter Zimonjic, de CBC News

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