Neuroblaste

Confession

Je dois ventiler. Il faut que ça sorte. Ce n’est pas le mélodrame, malgré mes trois verres de chardonnay…

Je me suis peut-être laissé avoir par ma propre ambition. Est-ce que ça se peut, une soif de réussir qui fait tout basculer?

Ça fait quatre ans qu’on squatte les labos de l’université, la nuit. F a fait un double des clés nécessaires, des codes et tout le reste. N est aussi dans le coup.

Puis, F a perdu patience, il voulait aller plus loin. N aussi… Au début, je m’y suis opposée, mais ils ont fini par me convaincre.

On a fait des expérimentations sur un humain… Sans son consentement éclairé!

On finit par croire que la cause est juste et on bafoue les principes élémentaires de l’éthique scientifique. Pourquoi l’ai-je fait? Parce que je me suis mise à croire que c’était pour le mieux. Est-ce qu’une expérience illégale en vaut la peine? Et si c’est pour créer un remède miracle? Est-ce qu’un prisonnier peut être torturé pour sauver des milliers de gens? On s’est tellement écartés du but.

Je suis coupable, je suis n’importe quoi. Et le pire, c’est que je n’ai rien gagné encore. Je n’ai rien trouvé. À part un résultat que je ne cherchais pas. Même en trichant. Shit!

Plus j’me confesse, plus je me hais. J’ai parlé à F hier. Lui aussi il se hait. N aussi je suppose.

Bon, ça ne mène à rien tout ça…

J’éteins et je me verse un autre verre de vin. 

Avait-on le choix?

OK. Je m'en veux. Je leur en veux, je nous en veux, je me méprise, je les méprise, je nous méprise, je me/les/nous hais (X3)... Sauf qu'il y a une partie de moi qui reste convaincue d'avoir fait ce qu'il fallait.

Et c'est cette partie-là qui a envie de crier ce soir.

Si on avait tout fait by the book, ça aurait pris combien de temps avant qu'on la teste, notre idée? Cinq ans, 10 ans, 20 ans? Moi, je pense que ça ne serait pas arrivé de notre vivant.

Au mieux, on aurait pu espérer une publication officielle dans les pages de Nature. Au vraiment top mieux du mieux. Pour un papier qui aurait démontré quoi? Que peut-être que cette percée pourrait éventuellement potentiellement ouvrir la porte à un éventuel traitement potentiel contre la maladie d'Alzheimer, mais que de la souris à l'humain, il y a quand même encore de nombreuses étapes à franchir (ça, ce serait la conclusion de l'inévitable « nouvelle » publiée dans la presse généraliste en lien avec notre étude, signée par un journaliste n'ayant pas la moindre idée de ce qu'est une plaque amyloïde, genre).

Quand la paperasse à remplir juste pour avoir le droit d'envoyer une souris se promener dans un labyrinthe est plus imposante que mes déclarations de revenus des cinq dernières années – et j'exagère à peine –, je me dis que les essais cliniques « officiels » sont loin, très loin.

Madeleine était condamnée de toute façon. L'éthique aurait voulu qu'on la laisse dépérir tranquille. Mais notre délinquance aurait pu lui redonner ses souvenirs, ne serait-ce que quelques minutes, si tout avait marché comme prévu...

Je sais, je sais, j'essaie de me justifier. Ça me fait du bien. Presque.

Nature

Recherches scientifiques sur la maladie d’Alzheimer

Éthique de la recherche avec des êtres humains

Le monstre amyloïde

Aujourd'hui, je me sens bien de me sentir aussi mal. Parce qu'au moins, je sens. Je ressens. Et re-ressens. Ça oscille entre la honte totale et la semi-fierté. On ne reviendra pas là-dessus, mais, vraiment, j'apprécie toutes les pensées générées par mes neurones, même les plus insoutenables. Probablement à cause de ce que j'ai vu dans les yeux de Madeleine...

Le vide. Un trop-plein de vide. Comme si on pouvait voir, à travers ce regard absent, les plaques amyloïdes s'agglutiner dans le cerveau. Nous, les scientifiques, on essaie de démontrer comment ces plaques de merde protéique modifient la libération de tel ou tel neurotransmetteur, et on se trouve bien pertinents de réussir à expliquer tout ça.

Des fois, à grands coups d'inhibiteurs de l'acéthylcholinestérase, de gingko biloba, de nanoparticules d'or, de caféine ou d'ondes de téléphone cellulaire (!), on réussit à freiner un peu leur progression chez les rongeurs, et ça nous remplit de bonheur.

Certains ti-clins sans scrupules élaborent même leur propre cocktail et mènent leur propre essai clinique on the side, sur un seul (in)volontaire, au mépris de l'éthique, des normes et des procédures habituelles. (Note à moi-même si jamais un alzheimer précoce me le fait oublier : c'est nous, ça!)

Mais les plaques d'amyloshit finissent toujours par étouffer tour à tour les souvenirs, puis les pensées, puis les fonctions les plus primitives. Jusqu'à ce que les sons de petit animal blessé cèdent la place au silence le plus total. Et que le vide déborde de partout.

Wikipedia: Acetylcholinesterase inhibitor (en anglais)

Effects of Ginkgo biloba in dementia: systematic review and meta-analysis (en anglais)

Nano World: Gold nano vs. Alzheimer's (en anglais)

Caffeine reverses memory impairment in mice with alzheimer's symptoms (en anglais)

Cellphone radiation is good for Alzheimer's mice (en anglais)

Leçon de chimie

Alain, Alain, Alain... T'es tellement trop merveilleux que c'en est… vraiment irritant.

C'est drôle, parce que j'ai rêvé à toi pendant toute mon enfance. Mon beau prince charmant qui m'aurait amenée vivre dans son château somptueux, mon doux et tendre prince charmant, cheveux au vent, qui m'aurait enlacée très fort lors de nos promenades à dos de petite pouliche à crinière mauve.

C'était totalement toi. Et c'est encore toi.

Mais moi, je ne suis plus une princesse...

Il semblerait que l'attirance ait quelque chose à voir avec les phéromones. Des messagers chimiques qui existent chez les insectes, ça, c'est sûr, mais peut-être aussi chez l'humain. Il faut voir le bombyx mâle frétiller de bonheur lubrique aussitôt qu'il détecte les phéromones de la femelle bombyx pour comprendre tout le pouvoir d'attraction de ces molécules-là (c'est sûrement de là que vient l'expression « bombe » sexuelle).

Sauf que j'ai l'impression que si les phéromones existent bel et bien chez l'humain, il y en au moins deux sortes : des phéromones sexuelles tout ce qu'il y a de plus classique, mais aussi un genre de « phéromone spirituelle » qui donne envie (ou pas) de traîner au lit après les ébats.

Qui donne envie (ou pas) de rendre éternelle chaque seconde passée avec l'autre.

Qui donne envie (ou pas) de promenades à dos de petite pouliche.

J'adore tes phéromones sexuelles, Alain. Je les reçois 10 sur 10. Alors, elles existent sûrement, ces autres phéromones un peu moins sexuelles qui expliqueraient pourquoi je préfère trop souvent passer des heures à jouer avec des pipettes dans un labo glauque à côté de Félix plutôt que de me vautrer dans tes draps et tes bras...

Article du Howard Hughes Medical Institute : « Sniffing out social and sexual signals » (en anglais)

Article du Scientific American : « Armpit psychology: the science of body odor perception » (en anglais)

Article du Figaro : « Les humains émettent-ils des phéromones? »

Savants fous

Oh que ça ne va pas bien... oh que ça n'a rien à voir avec mes petits tourments de ressenti intérieur... oh que ça s'écrit à peine tant ça a l'air de ne pas se pouvoir...

Kidnappée. C'est comme ça qu'on appelle ça, je pense. Mon geôlier : le professeur Dayme! Trop surréaliste. Et avec tout ce qu'il m'a raconté, je saisis enfin pleinement le sens de l'expression « savant fou ».

Assez fou pour travailler depuis 20 ans pour une association secrète de criminels en sarrau.
Assez fou pour être complice du meurtre de son amant – ah oui, Neil était son amant, ce qui est déjà assez fou en soi...
Assez fou pour avoir contribué à ces recherches de malade qui permettent de fabriquer de faux moustiques qui transmettent un vrai virus...

Ce n'est pas la première fois que j'entends parler de « nano » robots , mais même dans mes pires cauchemars, je n'aurais pas imaginé qu'on puisse en faire un usage aussi ignoble (il faudrait mettre l'adjectif à la puissance 10 pour bien refléter ce que j'en pense)! Un moustique robotisé qui détruit les caillots sanguins, les tumeurs, les pierres au rein ou les parasites, d'accord. Pas une bibitte issue d'esprits tordus comme celle qui a fait mourir mon collègue, mon ami, dans des souffrances atroces!

J'ai maintenant très peur. Je repense à plusieurs des percées scientifiques de ces dernières années... Le professeur Dayme a l'air de n'être qu'un parmi tant d’autres éminents docteurs recrutés par « le Groupe » (il doit bien avoir un nom...) Quand on sait qu'un certain Craig Venter a créé de la vie de toutes pièces en laboratoire pas plus tard que l'an dernier, dans la vraie vie, et non pas dans ce monde parallèle de docteurs Frankenstein en puissance…

J'ai peur. Mais j'espère de tout cœur que cette peur n'est pas fondée.

Vidéo : Le VIROB, le micro robot du corps humain » (en anglais)

Article : « Creation of a bacterial cell controlled by a chemically synthesized genome » (en anglais)

Message à Vincent

Salut Vincent,

C’est très important que tu lises le ou les messages suivants attentivement. J’imagine que tu es aussi geek qu’à l’époque, alors je ne tomberai pas dans les détails. J’ai programmé mon ordinateur afin qu’il t’envoie certains fichiers seulement si je n’arrive pas à y entrer un mot de passe tous les deux jours. Alors si tu les reçois, c’est que je suis… enfin… tu comprends ce que ça veut dire.

Excuse-moi de te donner des nouvelles dans une période si compliquée de ma vie. Quoique ta nouvelle blonde va être contente, je ne vous dérangerai pas pour un bout.

Ce que j’ai à te dire n’a rien à voir avec mon cœur, ou plutôt tout à voir. Par où commencer? Il y a la mort de mon collègue Neil, nos recherches illégales, le professeur Dayme et un laboratoire secret au financement occulte… Il faudrait chercher dans cette direction pour l’enquête. Suivre l’argent ou suivre Dayme.

Nous, on faisait nos petites recherches tranquilles à l’abri des regards et, du jour au lendemain, une organisation pas très nette a voulu nous recruter! Pourquoi? Parce qu’on a trouvé un sérum qui peut contrôler le cerveau. Ce n’est pas tout à fait au point, mais il y a des résultats qui ne mentent pas. Ce n’est pas ce qu’on cherchait, je t’assure. Plutôt un effet secondaire…

Je me sens seule. C’est fou, j’ai travaillé avec Neil pendant quatre ans et je n’arrive pas à réaliser qu’il est mort. Shit!

Tu es le meilleur journaliste que je connaisse. Je sais que je te donne seulement des bouts incohérents d’information, mais j’en aurai davantage bientôt. Je ne sais plus à qui faire confiance.

L’effet secondaire

Allo Vincent,

Ça fait bizarre d'écrire en sachant que je ne serai jamais lue, à moins que tout ça finisse très mal... mais si c'est le cas, je ne serai plus là pour regretter d'en avoir trop dit, alors je vais essayer de ne pas trop m'autocensurer. Il faut que tu en saches le plus possible, pour pouvoir faire quelque chose si ça va trop loin (c’est-à-dire si tu me lis). Je compte sur tes talents de grand reporter. ;-)

Tu m'as toujours reproché d'être contrôlante... tu n'avais pas idée jusqu'où ça allait me mener. Comme je t'en ai vaguement parlé dans mon dernier message, j'ai participé sans le vouloir à la création d'une drogue qui permet de contrôler le cerveau. Et c'est pour ça que la mafia scientifique s'intéresse à moi et à mes collègues.

J'essaie de simplifier le plus possible sans être simpliste.

On travaillait depuis des années pour développer un médicament qui permettrait de repérer et de détruire les plaques amyloïdes qui s'accumulent dans le cerveau des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Par technologie recombinante (là, il va falloir « googler », je n'ai pas le temps de t'expliquer ce que c'est), on a réussi à obtenir les molécules voulues.

Le but, c'était que, à cause de leur forme, les molécules aient une affinité avec des récepteurs situés à la surface des cellules formant les plaques amyloïdes, leur permettant de s'y accrocher et de les priver de leur capacité à s'assembler les unes avec les autres.

Mais, comme tu le sais peut-être, tout médicament a des effets secondaires. Parce qu'il est impossible d'agir de façon ultra ciblée, uniquement sur les récepteurs que l'on souhaite. Perte d'appétit, perte de cheveux, perte de poids et maintenant perte du contrôle de soi! C'était assez spectaculaire chez la patiente à qui on a administré le traitement. Bref, ce qui devait contrer l'accumulation de plaques amyloïdes a réduit l'activité dans certaines régions du cerveau, comme le cortex cingulaire antérieur, lié entre autres à la prise de décisions, et les régions plus « primitives » ont pris le dessus.

J'aimerais t'en dire plus, mais je n'ai pas le temps. Je prends quand même quelques secondes pour te rassurer : on a un plan pour se sortir de là. Sans bafouer une deuxième fois l'éthique scientifique. Tu en sauras bientôt plus. Non, tu ne sauras jamais rien, du moins je l'espère... en tout cas, à bientôt si ça se passe mal, à jamais si ça se passe bien!

Labo de rêve cauchemardesque

Ah! Vincent!

Qui aurait cru que je serais aussi vite embarquée dans quelque chose d'encore plus clandestin que ce que je pensais être le comble de la clandestinité?

Vincent, ton rôle pourrait devenir assez important dans cette histoire. Je te donne l'information, à toi d'utiliser ton jugement pour en faire ce qu'il faut. Parce que tu n'as pas idée des dégueulasseries qui ont l'air de se tramer ici...

Tout se passe dans le sous-sol d'un manoir de la rue Penfield (par prudence, je vais t'encoder l'adresse dans un autre document que tu vas aussi recevoir si jamais on en arrive là). Il faut quand même leur faire une petite fleur : ils sont vraiment bien équipés! Leurs spectromètres de masse, leurs microscopes... même leurs machines à PCR sont totalement design!

L'équipement me fait saliver, mais le contexte est tout sauf salivant. Dans notre décor, on trouve des cerveaux dans le formol et des appareils de contention dont les dimensions confirment qu'on a dépassé depuis longtemps l'étape des tests sur les souris. J'ai même croisé des sans-abri qui, manifestement, ne sont pas ici pour quêter de l'argent…

On travaille fort à prolonger la durée d'action de notre « médicament », en essayant de ne pas être trop efficaces, pour gagner un peu de temps. Je me replonge dans la pharmacocinétique... Notre mission : ralentir la métabolisation pour une meilleure zombification...

Je ne sais pas si Google a fait de toi un spécialiste de la technologie recombinante, mais c'est encore là-dessus qu'on travaille. On veut modifier l'ADN de bactéries pour les transformer en usines à protéines (on peut vraiment leur faire produire toutes sortes de protéines comme l’EPO ou l'insuline, ou encore de longues chaînes d’alcool qui serviront peut-être un jour de biocarburants.)

Chaque fois qu'on modifie l’ADN des bactéries dans un bioréacteur – très attrayant bioréacteur par ailleurs –, on modifie la structure des protéines qu'elles produisent. Jusqu'à obtenir notre fameuse « amyloïdase » – ou arme de contrôle de la pensée – à durée d'action prolongée.

Zombifier des souris, je n'ai pas trop de problème avec ça. Mais le professeur Dayme vient de décider qu'il était temps d’expérimenter sur un humain... :(

Lucy in the sky with diamonds

Salut Vincent,

Je me demande encore à qui appartient le labo. C’est peut-être un truc à la MKULTRA…

Ça te dit quelque chose? De ce que je comprends, c’est un programme d’étude psychique de la CIA. Certains prisonniers américains de la guerre de Corée sont revenus en racontant que la Chine, l’URSS et la Corée du Nord utilisaient des techniques pour contrôler la pensée. C’est à ce moment que la guéguerre a commencé. Peux-tu croire que l’ancêtre du projet MKULTRA serait l’Opération Paperclip? Mais ça, j’y reviendrai.

Alors que le Bloc de l’Est utilisait des moyens plutôt ésotériques comme l’hypnose ou la télékinésie, la CIA expérimentait avec des drogues, surtout le LSD, afin de diriger l’esprit. As-tu vu le film The manchurian candidate? Le long-métrage suggère que les Américains ont réussi à développer une puce sous-cutanée pour contrôler les individus à distance. On raconte même que Mark Chapman, Lee Harvey Oswald et Ted Kaczynski (Unabomber) étaient des cobayes de tels programmes de contrôle.

J’ai de la difficulté à y croire, mais il existe tout de même certains faits indiscutables, comme le Dr Donald Ewen Cameron. Il a fait des études sur des patients à Montréal dans les années 50. Tout est documenté! C’est fou! Ce psychiatre américain a aidé à mettre sur pied le Département de psychiatrie de l’Université McGill et a été directeur de l’Allan Memorial Institute.

Selon le Dr Cameron, il est possible d’affliger une amnésie complète à un patient afin de le reprogrammer et de mieux le contrôler. L’argent de ses recherches pour MKULTRA provenait en majeure partie de la CIA. L’émission The fifth estate (CBC) sur le sujet, en 1984, nous a appris que non seulement le gouvernement canadien était au courant, mais qu’il aurait aussi participé au financement. Des années plus tard, certaines victimes ont reçu une compensation lors d’une entente à l’amiable avec le gouvernement du Canada.

Avant le procès de Nuremberg, l’OSS (ancienne CIA) aurait envoyé le Dr Cameron pour examiner Rudolf Hess afin de savoir s’il était apte psychologiquement à recevoir son procès. S’agissait-il du vrai Rudolf Hess? Les auteurs des livres The murder of Rudolf Hess et Journey into madness soupçonnent que non. Ils croient que le Rudolf Hess en captivité à cette époque était un imposteur. Le vrai aurait été assassiné pendant la guerre afin de taire son implication dans une négociation de paix avec la royauté britannique. L’auteur John Smikin, lui, prétend que le Dr Cameron a été dépêché en Europe afin d’aider la British Intelligence à « déprogrammer » Hess de ses gênantes informations qui embarrassaient la Couronne.

Savais-tu aussi que Naomi Klein, à travers son livre The shock doctrine, pense que la vraie recherche de MKULTRA n’était pas dirigée vers le contrôle du cerveau, mais plutôt vers la découverte de nouvelles techniques de torture?

Sans blague, c’est hallucinant toute cette histoire. Donne-moi le temps de faire d’autres recherches… je te reviens très bientôt.

Berlin, Plum Island, Grosse-Île

Allo Vincent,

Je suis tombée sur un gars qui est venu faire un tour au labo l’autre jour. Il semblait connaître tout le monde. Un certain Lloyd Mcphee. Ce gars-là a un CV de fou! Il disait qu’il était fier de notre travail et blablabla, et puis, en s’appuyant sur sa canne pour ne pas tomber, il s’est mis à me raconter plein de trucs de manière un peu sénile.

Il a été ami avec Erich Traub, un ancien scientifique sous la direction d’Himmler, le Reichsfürher-SS. Traub a été recruté par les États-Unis pour Paperclip. Cette opération mondiale menée par la CIA avait pour but d’empêcher l’URSS de mettre la main sur l’expertise scientifique nazie. Les Américains ont recruté des centaines de chercheurs allemands sous l’opération Paperclip. Ils voulaient Traub pour ses recherches sur la fièvre aphteuse, mais aussi pour ses avancées et connaissances en terme de guerre bactériologique.

Le vieux Lloyd Mcphee m’a dit qu’il a travaillé longtemps avec lui à Plum Island, un centre de recherche de maladies animales sur la côte est. Il affirme que les recherches de Traub sont la base de tout ce qui se fait à Plum Island depuis les années 40.

Quand Mcphee a su qu’on avait expérimenté sur la mère de Félix, il m’a regardé avec un sourire et a lancé : « Y a rien là! Un de mes amis, le Dr Leo Stanley, a déjà essayé de transplanter des testicules de prisonniers exécutés sur des détenus encore vivants à la prison San Quentin au début du siècle. » Je trouve qu’il a des amis pas mal intenses...

J’ai continué mes recherches sur les labos secrets. Je te suggère de fouiller du côté du HAARP, en Alaska. Selon certains, il s’agit d’une arme de destruction massive qui peut contrôler les tempêtes, les tsunamis, etc. Tu t’imagines le ravage que ça pourrait faire? Après le tremblement de terre en Haïti, Fox News a rapporté les dires d’Hugo Chavez, qui prétend que les Américains ont causé le désastre à l’aide d’une arme tectonique.

Et ça ne se passe pas qu’aux États-Unis! Savais-tu que le Canada a été le premier pays à produire massivement l’anthrax sous forme d’arme? À Grosse-Île, près de Montmagny! Avant qu’on y produise de l’anthrax, Grosse-Île servait de lieu de transition pour les immigrants irlandais du 19e siècle. On raconte que l’île serait depuis hantée par les milliers d’arrivants qui y sont morts du typhus ou du choléra.

J’ai beaucoup lu sur Plum Island. Ça me semble un peu n’importe quoi… Mais j’ai trouvé des textes qui allèguent que la maladie de Lyme viendrait de là. On raconte que des tiques infectées se seraient échappées de l’île. Autre fait étrange, la découverte du monstre de Montauk. Il est soupçonné être une mutation animale provenant des labos. Les autorités disent que c’est un raton laveur. Comme tu le sais, je viens d’un pays assez exotique, mais même au Vietnam, je n’ai jamais vu un raton qui ressemble à ça!

Grande nuit de pisse et autres délires anticholinergiques

Allo Vincent

« Die, Dayme, die... » C'est ce que je me répétais chaque fois qu'il venait épier ce que je faisais par-dessus mon épaule, chaque fois qu'il disait « We don't have time to take our time », chaque fois que je croisais son regard mi-furieux mi-piteux. Avec un accent vietnamien bien chantant, ça en jetait pas mal : « Dai dêm dái! » Et quand on comprend le vietnamien, ce mantra peut prendre une connotation poético-surréaliste un peu douteuse qui définirait pourtant à merveille certaines de nos nuits de travail dans le labo clandestin (da?i dêm dái = une grande nuit de pisse... et Dayme me « pissait » sérieusement off).

Mais voilà, c'est fait. Dayme est mort. Après s'être saoulé de cette scopolamine qui l'avait rendu si célèbre.

Ici aussi, Dayme était Dr Scopolamine. Rien à voir avec ses travaux sur son utilisation dans les traitements de la maladie de Parkinson, par contre. Il essayait de ressusciter une idée « total vintage » : utiliser la scopolamine comme ingrédient de base d'un sérum de vérité. J'en ai tellement entendu, des choses, sur cette molécule qui, le croirais-tu, a été isolée pour la première fois à partir d'une fleur magnifique : le datura (en 1881, si tu tiens vraiment à savoir)!

Drogue des zombies, potion hallucinatoire, dissolvant du libre arbitre... Qu'est-ce qui est vrai, qu'est-ce qui ne l'est pas? Je n'ai jamais expérimenté personnellement la chose. Ça nous avait brièvement effleuré l'esprit, à Félix et moi, un soir où on avait fait un peu trop d'heures supplémentaires dans le labo de Dayme, mais Dieu merci, on a « choké ». Tout ce que je peux t'en dire avec certitude, rigueur scientifique oblige, c'est qu'on parle d'un anticholinergique, qui agit donc comme un antagoniste spécifique de l'acétylcholine sur les récepteurs muscariniques périphériques et centraux... ;-)

Le pire dans tout ça, c'est qu’on va peut-être finalement s’en sortir grâce à Dayme. Avec la longue lettre qu'il nous a écrite avant de s'en aller pour de bon, il nous a laissé les coordonnées d'un certain Joey Stuyvesant. Faut aller voir ça de plus près.

Repose en paix, professeur. Moi, je choisis de me souvenir du meilleur.

Compléments d’information
Article et vidéo : Cerveau : la vérité si je mens
http://www.lexpress.fr/actualite/sciences/cerveau-la-verite-si-je-mens_744559.html

Suite du reportage sur le datura Colombian devil’s breath (en anglais)
http://www.vbs.tv/en-ca/watch/vbs-news/colombian-devil-s-breath-2-of-2

Document de la CIA : Truth drugs in interrogation (en anglais)
https://www.cia.gov/library/center-for-the-study-of-intelligence/kent-csi/vol5no2/html/v05i2a09p_0001.htm

Vérité et conséquences

Vincent,

D'habitude, aussitôt que je me trouve devant mon ordi, les mots sortent tout seuls. Ça coule, ça finit même souvent par déborder comme... comme... comme quelque chose qui coule et qui finit par déborder, mais je ne pourrais pas te dire quoi parce que c'est ça le problème. Ce soir, je ne les trouve pas, les mots, les métaphores. De toute façon, ils n'existent peut-être même pas ces mots-là, ceux qui pourraient décrire comment je me sens, petite boule d'émotions toute silencieuse qui essaie de tenir en un morceau pour ne pas éclater en un gros dégât émotif.

...

Pourquoi je te dis ça, là? Je ne sais pas. Peut-être l'urgence...

On a révisé cent fois notre protocole de fuite, il est temps de passer à l'expérimentation sur le terrain.

On a l'adresse d'un dude qui a sûrement plein de choses à nous apprendre.
On a le sérum de vérité.
On s'en va chercher la vérité.

Et je ne peux pas m'empêcher de me demander, moi, MA vérité, elle est où. Qu'est-ce qui serait sorti des tréfonds de mes neurones inhibés de petite Vietnamienne parfaite si on l'avait fait, notre trip de scopolamine, Félix et moi?

C'est qui, Aube?

L'enfant prodige trop disciplinée qui répète ses gammes deux heures par jour pendant que ses amies s'écrasent devant la reprise d'un soap poche ou la « procrastinaqueen » bordélique qui finit toujours par se retrouver dans son chaos (matériel ou mental)? L'aspirante bachelière incapable de sacrifier une souris trop mignonne ou la « wannabe » PhD, tueuse de souris en série, qui fait des tests sur un humain sans son consentement? Celle qui a enfin trouvé le gars qu’il lui faut, celle qui écrit ses états d'âme au gars qu’il lui fallait ou celle qui fantasme en secret sur le gars qu’il lui faudrait?

Toutes ces réponses. Aucune de ces réponses. Je ne sais pas. Je ne sais plus.

Des fois, j'ai l'impression d'être un gros mensonge. Ce qui serait un signe d'intelligence, selon le grand Boris Cyrulnik. Ça fait aussi de moi un véritable succès évolutif : on dit que le mensonge a aidé les primates les plus primitifs à survivre et à évoluer.

Et, comble de l'évolution, aujourd'hui, on peut même apprendre aux robots à mentir.

Gonflée à bloc

Beware, le monde!

Je te jure, Vincent, mon ego, tout ratatiné la dernière fois que je t'ai écrit, a repris du mieux... et c'est tant mieux. Parce que je vais jouer le rôle d'une héroïne de film d'action dans un grandeur nature plus grand que nature.

Il paraît qu'on se perçoit toujours légèrement supérieur à ce qu'on est vraiment. Je n'invente rien, c'est Julian Paul Keenan, de la Montclair State University, qui le dit. J'ai déjà assisté à une de ses conférences sur l’autovalorisation (self enhancement) qui m'avait presque donné le goût de traverser la frontière pour me joindre à son équipe.

En bref, le dude raconte que notre cerveau veut nous faciliter la vie dans un contexte social, mais que l'authenticité est le dernier de ses soucis. Le cerveau s'arrange donc pour nous inventer une version améliorée de nous-mêmes. Et on y croit!

C'est notre cortex médial préfrontal qui serait responsable de ce grand leurre. Quand Keenan zappe cette région du cerveau par stimulation magnétique transcrânienne, ses sujets ont une vision plus réaliste d'eux-mêmes. Privés de ces lunettes roses naturelles, ils se décrivent en des termes beaucoup moins flatteurs qu'avant qu'on perturbe la communication entre leurs neurones.

Bref, mon cortex médial préfrontal et moi, on est prêts à aller affronter Joey Stuyvesant. Je compte sur la peur pour le reste. Peur qui décuplera tout ce qu'Alain m'a appris du kung-fu en me donnant une bonne poussée d'adrénaline juste au moment de passer à l'action. Mais peut-on planifier à l'avance cette fameuse réaction de lutte ou de fuite (fight or flight) censée me donner une force surnaturelle? J'espère que oui. Qu'armée de mon autovalorisation, droguée à l'adrénaline, j'enverrai Stuyvesant au tapis dans le temps de le dire.

Est-ce que je me crois? Pas tant que ça, pour être parfaitement franche. Mais si une maman a déjà pu, sur une poussée d'adrénaline, combattre à mains nues un ours polaire qui menaçait son enfant, j'ai peut-être des chances de réussir à faire ce que j'ai à faire avec cet ours mal léché pour qu'on puisse passer à l'étape suivante.

Argentine

Plus ça avance et plus je me demande qui est derrière tout ça.

Imagine! Ça prend une organisation immense pour cacher des laboratoires un peu partout dans le monde et pour nous faire suivre jusqu’à New York ou Buenos Aires!

Je serais prête à parier qu’ils sont très actifs en Amérique du Sud. Je me demande si c’était une bonne idée d’envoyer Félix là-bas. Et si on se battait contre une organisation secrète comme l’ODESSA? Avec des ramifications sur les continents, même jusqu’au Vatican?

L’ODESSA était particulièrement présente en Argentine en raison de la protection offerte par le président Juan Perón. Gabriella, l’amie de Félix, habite en banlieue de Buenos Aires, tout près d’où habitait Josef Mengele, l’ange de la mort, avant de s’enfuir au Paraguay, et ensuite au Brésil. Certains prétendent qu’il y aurait fait des expériences génétiques et héréditaires, sa spécialité, ce qui expliquerait le phénomène étrange du taux de 10 % de naissance de jumeaux dans la petite municipalité brésilienne de Cândido Godói.

Tu vas me dire que je saute d’une conclusion à l’autre, tu me connais, mais as-tu déjà pensé que ça pourrait être la mafia qui veut posséder notre remède pour le revendre ou pour l’exploiter? Et si c’est le cas, ils peuvent nous retrouver n’importe où!

C’est bien connu, les Rizutto à Montréal avaient des liens serrés avec les caïds du Venezuela et de la Colombie. On a toujours envie de rire un peu des mafieux parce qu’on pense qu’ils sont des clichés avec leurs histoires de cosa nostra. Ils n’ont peut-être pas l’air aussi sophistiqué que les criminels en col blanc, mais savais-tu qu’en 1989, la fortune personnelle de Pablo Escobar était évaluée à 25 milliards de dollars? Le magazine Forbes l’a même classé le septième homme le plus riche au monde!

Avec ce genre d’argent, tu peux traquer et tuer n’importe qui, n’importe où. Même si le gros Escobar s’est fait descendre par les autorités colombiennes, il y avait certainement des gens très brillants derrière lui pour blanchir son argent. Des individus probablement encore libres comme l’air.

Vincent, si tu t’intéresses aux magouilles de la finance, je te suggère le documentaire Enron : smartest guys in the room ainsi que Inside job.

J’ai hâte que Félix revienne.

If you can make it there you can make it anywhere…

Vincent, sais-tu ce qu’ont en commun la litière de chat et une attaque nucléaire?

Je suis présentement dans un petit café avec mon portable dans le West Village, pas très loin du Chelsea Market. La serveuse a un fort accent new-yorkais et me demande : « Do you want some côoowaffee, dear? »

Dans le métro pour me rendre ici, il y avait des affiches du NYPD assez inquiétantes. Stay Alert. Be Aware. Speak Up. Call. Ça m’a marqué, je me sens particulièrement en danger ces temps-ci. L’organisation qui nous suit et nous menace a des espions partout. Je ne fais confiance à personne, même pas à la police.

Il y a des gens comme Alex Jones qui disent que les attaques terroristes du 11 septembre 2011 étaient une opération false flag, notamment pour verser l’argent des citoyens dans les poches du complexe militaro-industriel. Depuis, les firmes privées de surveillance qui font affaires avec le Homeland Security se sont multipliées et sont maintenant une industrie de plusieurs milliards de dollars, selon le livre The shock doctrine.

Est-ce que toute cette surveillance peut vraiment empêcher une autre attaque?

Dans le documentaire Countdown to zero, on prétend qu’il est assez facile de construire une dirty bomb si on a quelques ingénieurs spécialisés et accès à de l’uranium enrichi, ce qui, semblerait-il, court les rues du marché noir des armes de l’ancienne Union soviétique. Comme il y a plein d’éléments de la vie de tous les jours qui dégagent une certaine forme de radioactivité, il est très difficile de détecter et de définir une alerte « suspecte ». La litière agglutinante pour chats contient de l’argile bentonite [5, 6]. Cette substance a des concentrations relativement élevées d’uranium, de thorium et de potassium.

La meilleure façon de cacher une bombe atomique pour la faire pénétrer dans une grande métropole serait donc de la cacher dans un camion de litière pour minous. Ça fait peur.

Savais-tu que Montréal est une des villes en Amérique du Nord qui compte le plus de chats errants?

Dyatlov, en Russie

J’ai eu de la difficulté à dormir toute la semaine. Je m’inquiète trop. J’ai essayé une technique de méditation qu’Alain m’avait déjà montrée et j’ai fini par m’endormir pour une couple d’heures… remplies de cauchemars.

Dans mes rêves, la même jeune fille vient me parler. Je viens de réaliser qu’il s’agit de Luydmila, une des victimes de l’étrange tragédie du col de Dyatlov, dans les monts Oural en Russie. C’est une vieille histoire qu’on m’avait racontée lors d’un échange étudiant quand j’étais plus jeune.

Un groupe de 10 skieurs sont partis en expédition et un seul d’entre eux est revenu vivant. Certains campeurs sont morts d’hypothermie, mais d’autres ont eu le crâne fracassé si fort que la police pense qu’il est impossible pour un humain de causer une telle blessure. Il est aussi mentionné dans l’enquête que les vêtements des victimes démontraient un fort taux de radioactivité. La jeune Luydmila a été retrouvée sans langue…

Quand j’étais étudiante, j’arrivais à lire toute la nuit puis à aller à mes cours le matin. Je n’y arrive plus. Le manque de sommeil me stresse et me rend irritable. Tu sais bien, Vincent, que la privation de sommeil est une technique d’interrogation très efficace utilisée par plusieurs services de renseignement qui combattent le terrorisme. La privation de sommeil n’est PAS une technique de torture selon le Département de la justice américaine, comme j’ai pu le constater sur le site du New York Times (Obama a par contre banni plusieurs de ces techniques en 2009).

J’étais surprise de voir que la torture par l’eau était aussi dans la liste. C’est dérangeant, mais moins brutal qu’à l’époque de l’Inquisition en Espagne!

Si tu veux dormir cette nuit, je te conseille de ne pas lire ce dernier lien sur la torture que je viens de t’envoyer, c’est pire qu’une boisson énergisante…

Reportage de 60 minutes sur Chrisopher Hitchens (en anglais)

Vidéo de Vanity Fair : Watch Christopher Hitchens get waterboarded (en anglais)

Bilderberg

Salut Vincent,

Je viens de commander une pizza. Je t’écris en attendant qu’elle arrive. Tout est plus gros et compliqué que je ne le pensais.

Voici ce que je sais. Bilderberg est le nom donné à un groupe d’environ 110 à 140 personnes riches et puissantes qui se rencontrent chaque année. Des haut placés de la finance, des médias, des sciences et technologie et de la politique. Plusieurs représentants des familles royales de partout dans le monde y sont aussi invités. Le nom du groupe vient de la première conférence tenue à l’hôtel Bilderberg aux Pays-Bas, dans les années 50.

J’ai découvert à New York qu’il y a un groupuscule à l’intérieur même du groupe Bilderberg qui veut s’approprier notre sérum. Je n’ai pas davantage d’infos pour l’instant, mais ça m’inquiète.

Daniel Estulin est un auteur canadien qui traque le groupe Bilderberg. Il prétend même avoir été victime d’intimidation lors du passage de la conférence en Ontario, en 2006. Je n’ai pas de difficulté à le croire. Je te suggère de regarder la liste des participants à ces assemblées. C’est épeurant de voir autant de gens aussi puissants tous réunis dans la même salle. Même si la liste des individus présents est dévoilée, les discussions, débats et autres restent confidentiels. Il est difficile d’approcher les lieux des conférences puisque les endroits sont toujours bien surveillés par la police, l’armée et même des firmes privées de sécurité.

Dans son émission Conspiracy theory à truTV, Jesse Ventura, l’ancien gouverneur, ex-lutteur et Navy Seal, prétend que le groupe Bilderberg désire la réduction drastique de la population mondiale. Je ne suis pas trop certaine des sources de ces accusations, mais certains prétendent qu’ils pourraient utiliser la contamination de l’eau, de la nourriture et des médicaments pour arriver à leurs fins.

Savais-tu que même la fluorisation de l’eau est controversée? Je te laisse sur le lien du site Les Nouvelles Internationales où l’on raconte que le fluor serait un agent chimique secrètement utilisé pour rendre la population plus soumise et passive. Tout ça m’a enlevé l’appétit… et la soif.

À bientôt.

Complots pour le contrôle du monde

Y’a-t-il vraiment quelqu’un qui contrôle la planète?

Parfois, c’est difficile de faire la différence entre la fiction et la réalité. Te souviens-tu, Vincent, de l’émission The X-Files qu’on aimait tant? Les « méchants » dans cette série totalement kafkaïenne étaient membres d’une organisation qui contrôlait le gouvernement américain. Ils s’appelaient The syndicate. Il y avait aussi un élément semblable plus récemment dans Prison break nommé The company.

La domination du monde semble être un sujet qui fascine l’être humain. Hitler l’avait bien compris en reprenant le texte frauduleux des Protocoles des Sages de Sion pour sa propagande antisémite. Le texte avait été écrit au début du 20e siècle en Russie pour faire croire au tsar qu’il existait un complot (Hitler l’appellera plus tard le « complot juif ») concocté par le conseil des sages sionistes pour s’emparer de la planète.

Pour organiser une domination internationale, il faut des gens avec beaucoup de pouvoir.

Dans les années 50, on raconte qu’un groupe se serait formé autour d’Antoine Pinay, alors président du Conseil des ministres en France. Connue sous le nom de Pinay circle, aussi appelée Le Cercle, l’organisation compterait parmi ses membres d’importants hommes d’affaires et des politiciens comme Henry Kissinger et David Rockerfeller. Certains sites web accusent le groupe de tirer les ficelles dans l’ombre et d’avoir même ordonné l’assassinat de la princesse Diana parce qu’elle faisait perdre trop d’argent aux compagnies d’armement avec son combat pour enrayer les mines antipersonnel.

Même si les infos entourant Le Cercle demeurent dans le domaine de la fabulation, il a été démontré que les actions de Kissinger n’ont pas toujours été si nobles, entre autres lors de la participation de la CIA dans le coup d’État d’Augusto Pinochet au Chili. Je te laisse sur un extrait de conversation entre Nixon et Kissinger peu après le putsch chilien de 1973.

Nixon: Nothing new of any importance or is there?
Kissinger: Nothing of very great consequence. The Chilean thing is getting consolidated and of course the newspapers are bleeding because a pro-Communist government has been overthrown.
Nixon: Isn't that something. Isn't that something.
Kissinger: I mean instead of celebrating – in the Eisenhower period we would be heroes.
Nixon: Well we didn't – as you know – our hand doesn't show on this one though.
Kissinger: We didn't do it. I mean we helped them. [garbled] created the conditions as great as possible.
Nixon: That is right. And that is the way it is going to be played.

P.-S. Si tu t’intéresses à la guerre froide, Vincent, je te conseille le documentaire The fog of war dans lequel Robert McNamara nous raconte son époque en tant que secrétaire de la Défense américaine et parle de sa vision sur la guerre du Vietnam.

E. coli et autres plaisirs

Vincent, je perds peut-être des points en t’avouant ça, mais j’ai vomi dans l’avion en me rendant en Europe. Je ne sais pas si c’est le stress, la fatigue, la bouffe ou un mélange des trois. On m’a servi un genre de poulet cordon bleu, vraiment pas cordon bleu…

Je repensais dernièrement aux accusations de certains sites web contre Bilderberg. On peut y lire que le groupe chercherait à réduire la population mondiale en empoisonnant les sources de nourriture de la planète. Quand on y songe, ce ne serait pas si compliqué.

Fouille un peu. Tu découvriras que les compagnies qui détiennent tout ce qui se vend dans une épicerie ne se comptent que sur les doigts d’une main. En 1988, la Philip Morris Companies Inc. (originalement un fabricant de cigarettes) achetait Kraft, qui est plus tard devenue Kraft Foods. À partir de 2008 et jusqu’à tout récemment, c’est la Berksire Hathaway Inc. (Warren Buffet) qui détenait la majorité des parts de Kraft Foods. C’est ça qu’on appelle la synergie?

L’être humain n’est plus en contact avec la source de ce qu’il mange. La production en chaîne de nos aliments crée plusieurs problèmes. Chaque jour, on rapporte des milliers de cas d’empoisonnement alimentaire dans le monde.

Il y a quelques années, les Américains ont passé le « cheeseburger bill ». Cette loi empêche les gens de poursuivre et de rendre les restos ou compagnies d’alimentation responsables de leur obésité. Ça te montre à quel point les géants de l’alimentation ont le bras long… Comme tu le sais, je reviens tout juste de New York. Là-bas, l’affichage du nombre de calories des repas dans les chaînes de restauration est obligatoire. Ce n’est pas mauvais, surtout avec les dernières tendances d’ajouter du bacon et du fromage partout…

Je te laisse lire ce texte au titre très à propos : Bacon as a weapon of mass destruction. Il explique les dangers de la hausse de consommation de bacon pour la santé et l’environnement.

Pour ma part, je vais aller me prendre un espresso pour bien commencer la journée et ne t’inquiète pas, je ne te parlerai pas de l’origine des grains de café la prochaine fois que je t’écris, quoique…

Complément d’information : Le documentaire Food Inc.

Les méandres de la mémoire

On a retrouvé Félix. Mais lui, il est encore perdu. Je ne sais pas ce qu'ils lui ont fait... Ça n'a pas de bon sens, Vincent, ils sont vraiment forts. C’est à se demander pourquoi ils avaient besoin de nous.

Après la conscience, c'est sans doute la mémoire qui génère le plus de points d'interrogation quand vient le temps de comprendre le fonctionnement du cerveau. Ça semblait pourtant tellement simple quand j'étais enfant, dans les beaux livres favorisant le développement que m'offraient mes parents pour faire de moi un bon petit chien savant... (Bon d’accord, ce n'était pas si terrible que ça. Je dérape un peu.)

Dans un de ces livres, donc, je me souviens trop bien de ce beau gros cerveau rose fluo avec, en surimpression, des commodes à tiroirs où on emmagasinait les informations, dans différentes zones cérébrales. À chaque souvenir son petit tiroir bien à lui.

Si seulement c'était si simple...

Mémoire sensorielle, mémoire à court terme, mémoire à long terme, mémoire procédurale, épisodique, sémantique... Et là, je suis encore loin des ramifications moléculaires de la fabrication de souvenirs.

Quand Karim Nader, professeur agrégé de l’Université McGill, a publié ses travaux qui démontraient qu'on peut effacer les souvenirs traumatisants, ou au moins atténuer leur charge émotive, je n'en revenais pas... En gros, et là je te vulgarise ça très grossièrement, on peut réduire chaque souvenir à une sécrétion de protéines. La beauté presque indécente d'un lever de soleil à Percé, l'odeur de la tourtière de ma mère, sa colère le jour où j'ai voulu faire exploser ses produits de belle peau dans mon labo improvisé, ma première peine d'amour (toi aussi, tu t'en souviens peut-être ;-)), ma première brosse, ma première publication dans une revue spécialisée, etc. Tous ces souvenirs-là sont incrustés dans ma mémoire à long terme parce qu'à un moment donné, les extrémités de mes neurones ont sécrété des protéines afin de les consolider.

Mais ce que Karim Nader a découvert, c'est qu'on peut, pendant un court laps de temps, manipuler un souvenir en bloquant la formation de ces « protéines de consolidation ». Et ça pourrait s'avérer très utile chez les victimes de stress post-traumatique. Ça serait tellement simple si on pouvait tripoter les protéines de la même façon (ou plutôt de façon inverse), pour faire renaître des souvenirs effacés...

Encore une fois : si seulement c'était si simple...

Compléments d'information :

Article : « Tête à tête avec le neuroscientifique Karim Nader »

Article « How human memory work » (en anglais)

Article « Brain researchers open door to editing memory » (en anglais)

Apocalypse now et hier et demain

Je pense qu’Alain est un peu jaloux du fait que je me sois retirée avec Félix en Gaspésie. C’est vrai que je suis difficile à suivre. Alain est un homme, un vrai, il va comprendre. Je vais peut-être interrompre mes entrées pour un moment aussi. J’ai moins peur. Je me sens en confiance ici. Et je veux consacrer mes efforts à aider Félix.

Je suis heureuse et sereine dans les terres de mon grand-père adoptif. Je sens une aura protectrice autour de moi. Je n’ai peur ni des tsunamis, ni des tremblements de terre, ni des compagnies secrètes qui nous traquent. Au jour le jour, je suis OK. Mais je t’avouerai qu’avec tout ce que j’ai découvert dernièrement, je ne suis pas trop optimiste pour l’avenir.

Et je ne suis pas la seule! La NASA a publié une page web sur la fin du monde en 2012 parce qu’elle recevait trop de questions d’individus inquiets. Certains racontent que la fin du monde n’est pas seulement qu’une question de calendrier maya. Plusieurs oracles à travers les époques ont supposément prévu un grand changement pendant le 21e siècle.

La théorie du Time Wave Zero de Terrence McKenna effraye aussi. Ce dernier soutient que le temps arrivera à sa fin le 21 décembre 2012, et que notre vision temporelle de l’univers changera à tout jamais.

D’autres groupes prétendent que toute la controverse entourant 2012 a été créée par les artisans d’un futur New World Order pour détourner l’attention de leur accession au pouvoir mondial. Je ne sais pas si j’ai envie de croire à un complot par-dessus un autre complot. J’estime que certaines croyances sont assurément dangereuses et entravent la raison.

Je te suggère cette vidéo de Richard Dawkins qui s’en prend au nouvel âge. Pour lui, ce qui ne peut être prouvé scientifiquement n’a pas de valeur. Il encourage le racisme et les groupes extrémistes du monde entier.

Je dois partir maintenant, Félix m’attend. Oui, c’est la fin de ma correspondance pour un moment avec toi, Vincent. Oui, un jour ce sera la fin du monde comme on le connaît et on n’y pourra rien. Il ne faut juste pas oublier que le mot « fin » est aussi et toujours synonyme de « nouveau début ».