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Adaptation pour Internet : CAROLINE PAULHUS

MEURTRES EN SÉRIE À VANCOUVER
Émission du 1er novembre 2002

journaliste : FRÉDÉRIC ZALAC
réalisateur :
MARTIN CADOTTE

En 45 secondes, Sarah deVries, une prostituée de Vancouver disparaît mystérieusement. Elle n'a jamais été revue depuis, tout comme plusieurs autres prostituées. Refusant de croire à la thèse du tueur en série, la police a d'abord fermé les yeux. Pendant ce temps, la liste des disparues s'est allongée atteignant une bonne soixantaine de prostituées. Devant l'ampleur des événements, trois ans plus tard, la GRC et la police de Vancouver ont joint leurs forces et ont accepté de reconsidérer la première thèse. Ce qu'ils ont découvert jusqu'à présent pourrait bien être la pire histoire d'horreur du Canada. Ils ont procédé à l'arrestation d'un éleveur porcin, Robert Pickton, qu'ils accusent du meurtre d'une quinzaine de ces disparues dont l'ADN a été retrouvée sur la ferme. Les autorités auraient-elles enfin mis la main sur le plus grand tueur en série de l'histoire canadienne?

Sarah deVries a grandi dans une famille aisée, mais sa vie n'a pas été facile. Adoptée et de race noire, Sarah a connu une enfance tourmentée dans un quartier blanc de Vancouver. Victime de racisme et d'humiliation, elle quitte l'école dès l'adolescence et s'installe au centre-ville. En l'espace de quelques années, elle descend aux portes de l'enfer. Sarah se retrouve dans le pire quartier de Vancouver, le Downtown Eastside, où languissent des milliers de toxicomanes dans la pauvreté la plus abjecte. Elle n'échappera pas à cette vie qui l'entoure et deviendra à son tour prostituée et dépendante de l'héroïne et de la cocaïne.

Le 14 avril 1998 à 4h30 du matin, Sarah se rend au coin des rues Princess et Hastings avec Sylvia, une autre prostituée. Sylvia monte à bord d'une voiture se dirigeant vers l'est. Elle ne fait que le tour du pâté de maisons et, 45 secondes plus tard, Sarah était disparue.

Maggie deVries, soeur de Sarah

Après une semaine sans nouvelles, Wayne Leng, un ami de Sarah, alerte sa sœur Maggie deVries. Elle compose aussitôt le 9-1-1 pour signaler la disparition. « Je savais qu'il était arrivé quelque chose. Je n'imaginais pas qu'elle était morte mais je savais que c'était sérieux parce que ça n'arrivait jamais.» Devant le peu d'empressement des policiers, les proches de Sarah lancent leurs recherches. En posant des affiches d'un bout à l'autre de la ville ils ont la surprise de découvrir que de nombreuses autres prostituées sont portées disparues. C'est à ce moment que la thèse d'un meurtrier en série s'installe sur toutes les lèvres. Seules les autorités policières ne s'intéressent pas à cette piste, jugeant que le style de vie de ces femmes faisait en sorte qu'elles avaient peut-être tout simplement déménagé.

Un an plus tard, le 28 avril 1999, Maggie deVries revient à la charge et se rend à la réunion de la Commission de police de Vancouver pour leur demander d'admettre la thèse du tueur en série. La proposition est rejetée. Mais si les autorités policières réfutent la thèse, à l'intérieur du service de police, le son de cloche est différent.

« Je voulais faire une analyse scientifique et objective en regardant les données disponibles. Il y avait une grappe de disparitions significative dès 1996. Le nombre était très élevé. Pourquoi n'y avait-il pas de corps? Pourquoi ça n'arrivait qu'aux femmes? La meilleure explication - la seule explication - c'était un meurtrier en série. »
Kim Rossmo, policier canadien, spécialiste des meurtres en série. Il était à l'emploi de la police de Vancouver à cette époque et il a travaillé récemment comme consultant dans le dossier du tireur embusqué de Washington.

En septembre 1998, Kim Rossmo propose la création d'un comité pour vérifier l'hypothèse du tueur en série. Il rédige même un communiqué pour en informer la population mais des guerres intestines font alors rage au sein de la police. Ce qui aura comme conséquence que le communiqué ne sera jamais émis et le comité sera démantelé après sa première réunion.

En 1999, Maggie deVries fait la même demande. Sa requête est rejetée, mais la Commission accepte d'octroyer une récompense de 100 000 dollars.

Le 12 mai 1999, Sarah aurait eu 30 ans. La famille deVries convie les proches des autres femmes disparues - dont plusieurs autochtones - à une cérémonie commémorative dans le Downtown Eastside. Des prostituées, comme Sereena Abotsway, s'y rendent en hommage à Sarah deVries. D'ailleurs, un an et demi plus tard, c'est Sereena qui disparaîtra.

En juillet 1999, au moment où les policiers décident de lancer officiellement un avis de recherche, le nombre des disparues dépasse la trentaine. Malgré cette annonce, les autorités policières refusent d'admettre qu'il y a une activité criminelle derrière ces disparitions.

Les preuves commencent à être étudiées. C'est un enregistrement reçu par Wayne qui mènera les policiers sur la piste de Robert Willie Pickton, un éleveur de porcs. Ce dernier vivait avec son frère sur une ferme de Port Coquitlam, en banlieue de Vancouver. Déjà, en 1997, il avait été accusé pour avoir attaqué une prostituée avec un couteau mais des accusations qui avaient finalement été suspendues.

À l'automne 2001, la GRC et la police de Vancouver ont finalement unis leurs forces en créant un groupe conjoint d'intervention. C'est exactement ce que Maggie deVries avait réclamé deux ans et demi auparavant. Entre-temps ce temps, la liste s'était allongée à plus de 60 femmes.

Pourquoi cette enquête a été si longue? « La réalité politique, c'est que si ces femmes avaient été des Blanches de l'Ouest de Vancouver, la réaction aurait été fort différente. Et je mets quiconque au défi de me dire le contraire… sans mentir! » critique Kim Rossmo.

En février 2002, cinq mois seulement après la création du groupe d'intervention, la police perquisitionne la ferme de Port Coquitlam. Robert Pickton est accusé du meurtre de deux des disparues : Mona Wilson et Sereena Abotsway, l'amie de Sarah. La propriété des Pickton sera alors passée au peigne fin pour identifier des restes humains. Policiers, archéologues, techniciens de laboratoire… près d'une centaine de personnes participent à l'enquête qui n'est toujours pas terminée.

Pendant ce temps, les familles des disparues de Vancouver attendent encore dans l'incertitude. La famille de Sarah s'est rendue à la ferme. De l'ADN de Sarah a été trouvée sur un objet mais ce n'est pas suffisant pour porter des accusations.

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POUR VISIONNER
LE REPORTAGE

première partie
deuxième partie

images : CLAUDE BOURGEOIS ET GEORGES LASZUK
son :
montage : DENIS GRENIER


LE PROCÈS DE ROBERT WILLIE PICKTON

Robert Pickton s'est fait arrêter à la fin février alors que des recherches policières avaient commencé sur sa ferme. Il a été appelé quelques jours plus tard pour répondre à deux chefs d'accusation de meurtre avec préméditation. Le 2 avril, la Couronne a déposé à Vancouver trois nouvelles accusations de meurtre contre lui.

Une semaine plus tard, les fouilles dans la ferme de Pickton ont permis de découvrir des restes humains. « Ces restes font l'objet d'une autopsie et d'analyses de laboratoire », a précisé Scott Driemel, de la police de Vancouver, lors d'une conférence de presse. Il n'a pas précisé en quoi consistaient ces restes. La veille, un sixième chef d'inculpation pour meurtre était déposé contre Robert Pickton par la cour provinciale.

À la mi-septembre, quatre nouvelles accusations sont portées contre lui. Trois semaines plus tard, d'autres accusations viennent s'additionner à celles déjà déposées. À cette heure, Robert Pickton est accusé de 15 meurtres.

Coup de théâtre le 15 octobre, l'avocat de Robert Pickton, Me Peter Ritchie, décide de se retirer du dossier. Robert Pickton n'a plus les moyens de payer sa défense, et n'ayant pas droit à l'aide juridique, il a offert de donner tous ses avoirs à l'État qui financerait ensuite sa défense. Mais le gouvernement provincial tarde à donner sa réponse, et l'avocat, soutenant qu'il ne peut plus attendre, a décidé de tirer sa révérence. Si le gouvernement provincial n'accepte pas la demande de l'avocat, Robert Pickton devra, de toute évidence, se présenter seul, sans avocat, à l'enquête préliminaire prévue pour le 4 novembre 2002.

Robert Pickton a été mis en accusation pour les meurtres de:

Sereena Abotsway,
Heather Bottomley,
Heather Chinnock,
Jennifer Furminger,
Inga Hall,
Helen Hallmark,
Tanya Holyk,
Sherry Irving,
Andrea Joesbury,
Patricia Johnson,
Jacqueline McDonell,
Georgina Papin,
Diane Rock,
Mona Wilson
et Breanda Wolfe.

 

L'émission Zone Libre est diffusée sur les ondes de Radio-Canada le vendredi à 21 h et présentée en rediffusion sur les ondes de RDI le samedi à 23 h, le dimanche à 20 h ainsi que le lundi à 1 h.