Sarah
deVries a grandi dans une famille aisée, mais sa vie n'a pas été
facile. Adoptée et de race noire, Sarah a connu une enfance tourmentée
dans un quartier blanc de Vancouver. Victime de racisme et d'humiliation,
elle quitte l'école dès l'adolescence et s'installe au centre-ville.
En l'espace de quelques années, elle descend aux portes de l'enfer.
Sarah se retrouve dans le pire quartier de Vancouver, le Downtown
Eastside, où languissent des milliers de toxicomanes dans la
pauvreté la plus abjecte. Elle n'échappera pas à cette vie qui l'entoure
et deviendra à son tour prostituée et dépendante de l'héroïne et
de la cocaïne.
Le
14 avril 1998 à 4h30 du matin, Sarah se rend au coin des
rues Princess et Hastings avec Sylvia, une autre prostituée. Sylvia
monte à bord d'une voiture se dirigeant vers l'est. Elle ne fait
que le tour du pâté de maisons et, 45 secondes plus tard, Sarah
était disparue.
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Maggie
deVries, soeur de Sarah
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Après
une semaine sans nouvelles, Wayne Leng, un ami de Sarah, alerte
sa sœur Maggie deVries. Elle compose aussitôt le 9-1-1 pour signaler
la disparition. « Je savais qu'il était arrivé quelque
chose. Je n'imaginais pas qu'elle était morte mais je savais que
c'était sérieux parce que ça n'arrivait jamais.» Devant
le peu d'empressement des policiers, les proches de Sarah lancent
leurs recherches. En posant des affiches d'un bout à l'autre de
la ville ils ont la surprise de découvrir que de nombreuses autres
prostituées sont portées disparues. C'est à ce moment que la thèse
d'un meurtrier en série s'installe sur toutes les lèvres. Seules
les autorités policières ne s'intéressent pas à cette piste, jugeant
que le style de vie de ces femmes faisait en sorte qu'elles avaient
peut-être tout simplement déménagé.
Un
an plus tard, le 28 avril 1999, Maggie deVries revient à
la charge et se rend à la réunion de la Commission de police de
Vancouver pour leur demander d'admettre la thèse du tueur en série.
La proposition est rejetée. Mais si les autorités policières réfutent
la thèse, à l'intérieur du service de police, le son de cloche est
différent.
«
Je voulais faire une analyse scientifique et objective
en regardant les données disponibles. Il y avait une grappe
de disparitions significative dès 1996. Le nombre était très
élevé. Pourquoi n'y avait-il pas de corps? Pourquoi ça n'arrivait
qu'aux femmes? La meilleure explication - la seule explication
- c'était un meurtrier en série. »
Kim
Rossmo, policier canadien, spécialiste des meurtres en série.
Il était à l'emploi de la police de Vancouver à cette époque
et il a travaillé récemment comme consultant dans le dossier
du tireur embusqué de Washington.
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En
septembre 1998, Kim Rossmo propose la création d'un comité
pour vérifier l'hypothèse du tueur en série. Il rédige même un communiqué
pour en informer la population mais des guerres intestines font
alors rage au sein de la police. Ce qui aura comme conséquence que
le communiqué ne sera jamais émis et le comité sera démantelé après
sa première réunion.
En
1999, Maggie deVries fait la même demande. Sa requête est
rejetée, mais la Commission accepte d'octroyer une récompense de
100 000 dollars.
Le
12 mai 1999, Sarah aurait eu 30 ans. La famille deVries convie
les proches des autres femmes disparues - dont plusieurs autochtones
- à une cérémonie commémorative dans le Downtown Eastside. Des prostituées,
comme Sereena Abotsway, s'y rendent en hommage à Sarah deVries.
D'ailleurs, un an et demi plus tard, c'est Sereena qui disparaîtra.
En
juillet 1999, au moment où les policiers décident de lancer
officiellement un avis de recherche, le nombre des disparues dépasse
la trentaine. Malgré cette annonce, les autorités policières refusent
d'admettre qu'il y a une activité criminelle derrière ces disparitions.
Les
preuves commencent à être étudiées. C'est un enregistrement reçu
par Wayne qui mènera les policiers sur la piste de Robert Willie
Pickton, un éleveur de porcs. Ce dernier vivait avec son frère sur
une ferme de Port Coquitlam, en banlieue de Vancouver. Déjà, en
1997, il avait été accusé pour avoir attaqué une prostituée avec
un couteau mais des accusations qui avaient finalement été suspendues.
À
l'automne 2001, la GRC et la police de Vancouver ont finalement
unis leurs forces en créant un groupe conjoint d'intervention. C'est
exactement ce que Maggie deVries avait réclamé deux ans et demi
auparavant. Entre-temps ce temps, la liste s'était allongée à plus
de 60 femmes.
Pourquoi
cette enquête a été si longue? « La réalité politique,
c'est que si ces femmes avaient été des Blanches de l'Ouest de Vancouver,
la réaction aurait été fort différente. Et je mets quiconque au
défi de me dire le contraire… sans mentir! » critique
Kim Rossmo.
En
février 2002, cinq mois seulement après la création du groupe
d'intervention, la police perquisitionne la ferme de Port Coquitlam.
Robert Pickton est accusé du meurtre de deux des disparues : Mona
Wilson et Sereena Abotsway, l'amie de Sarah. La propriété des Pickton
sera alors passée au peigne fin pour identifier des restes humains.
Policiers, archéologues, techniciens de laboratoire… près d'une
centaine de personnes participent à l'enquête qui n'est toujours
pas terminée.
Pendant
ce temps, les familles des disparues de Vancouver attendent encore
dans l'incertitude. La famille de Sarah s'est rendue à la ferme.
De l'ADN de Sarah a été trouvée sur un objet mais ce n'est pas suffisant
pour porter des accusations.
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LE
PROCÈS DE ROBERT WILLIE PICKTON
Robert Pickton s'est fait
arrêter à la fin février alors que des recherches
policières avaient commencé sur sa ferme. Il a été
appelé quelques jours plus tard pour répondre à
deux chefs d'accusation de meurtre avec préméditation.
Le 2 avril, la Couronne a déposé à Vancouver
trois nouvelles accusations de meurtre contre lui.
Une
semaine plus tard, les fouilles dans la ferme de Pickton ont permis
de découvrir des restes humains. « Ces restes font
l'objet d'une autopsie et d'analyses de laboratoire »,
a précisé Scott Driemel, de la police de Vancouver,
lors d'une conférence de presse. Il n'a pas précisé
en quoi consistaient ces restes. La veille, un sixième chef
d'inculpation pour meurtre était déposé contre
Robert Pickton par la cour provinciale.
À
la mi-septembre, quatre nouvelles accusations sont portées
contre lui. Trois semaines plus tard, d'autres accusations viennent
s'additionner à celles déjà déposées.
À cette heure, Robert Pickton est accusé de 15 meurtres.
Coup
de théâtre le 15 octobre, l'avocat de Robert Pickton,
Me Peter Ritchie, décide de se retirer du dossier. Robert
Pickton n'a plus les moyens de payer sa défense, et n'ayant
pas droit à l'aide juridique, il a offert de donner tous
ses avoirs à l'État qui financerait ensuite sa défense.
Mais le gouvernement provincial tarde à donner sa réponse,
et l'avocat, soutenant qu'il ne peut plus attendre, a décidé
de tirer sa révérence. Si le gouvernement provincial
n'accepte pas la demande de l'avocat, Robert Pickton devra, de toute
évidence, se présenter seul, sans avocat, à
l'enquête préliminaire prévue pour le 4 novembre
2002.
Robert
Pickton a été mis en accusation pour les meurtres
de:
Sereena
Abotsway,
Heather Bottomley,
Heather Chinnock,
Jennifer Furminger,
Inga Hall,
Helen
Hallmark,
Tanya Holyk,
Sherry Irving,
Andrea Joesbury,
Patricia Johnson,
Jacqueline McDonell,
Georgina Papin,
Diane Rock,
Mona Wilson
et Breanda Wolfe.
L'émission
Zone Libre est diffusée sur les ondes de Radio-Canada
le vendredi à 21 h et présentée en rediffusion
sur les ondes de RDI le samedi à 23 h, le dimanche
à 20 h ainsi que le lundi à 1 h.
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