REPORTAGE
— 2003-12-16
L'HISTOIRE D'UNE BANDE DE FOUS
« Ce
qui a été exceptionnel avec Québec Issime,
c'est de trouver six chanteurs solos dans le même kilomètre,
dans trois maisons. Il y avait les trois surs Riverin,
les deux frères Doré et Jessy Tremblay, le fils
du proprio du dépanneur. »
- Robert Doré, producteur
Le
Capitol de Québec, édifice patrimonial, a été
rénové au coût de 16 millions de dollars,
dont 4 millions proviennent de subventions gouvernementales.
* Non disponible
En
10 ans, 2 familles du Saguenay ont créé une
troupe de chanteurs, de danseurs et de musiciens, une maison
de production de spectacles et un cabaret-théâtre.
Au début tous amateurs, inconnus et sans statut,
ils sont devenus professionnels, connus et reconnus. Leur
principal spectacle s'appelle Québec Issime, leur
maison de production Logistik 22, et leur salle le Théâtre
Palace Arvida. Enjeux vous raconte l'histoire de ces Saguenayens
qui ont réalisé ce rêve avec beaucoup
d'audace et peu d'argent, pratiquement sans subventions
gouvernementales, dans une région éloignée
des grands centres culturels.
Québec
Issime, qui présente une rétrospective
de la chanson québécoise des 100 dernières
années, est une aventure unique dans l'univers
du spectacle au Québec. Si à l'origine le
succès du spectacle était improbable, il
faut dire que la troupe a réussi à faire
mentir ceux qui n'y croyaient pas.
Dans ce domaine,
une troupe d'une vingtaine d'artistes constitue une véritable
entreprise, une PME, du genre ce celles qui naissent habituellement
dans les grands centres urbains, ou encore avec l'aide
de subventions gouvernementales.
L'aventure
commence il y a une dizaine d'année, dans un village
des environs de Jonquière. Il s'agit en fait d'une
histoire de village, si ce n'est de famille. Des jeunes
chanteurs et musiciens se réunissent dans un garage
pour répéter et choisissent de monter un
récital avec l'aide de parents et voisins. C'est
l'un de ces parents, Robert Doré, qui décide
alors de se faire producteur. Grand amateur de musique,
il laisse tomber son emploi de représentant commercial,
hypothèque sa maison et mise tout sur la jeune
troupe de spectacle.
« Lorsque
des enfants décident un jour de faire de la musique,
en tant que parent, tu n'as pas le choix, il faut que
tu suives. » - Robert Doré, producteur
Au départ,
c'est un spectacle d'amateurs, présenté
dans la salle d'un hôtel de Chicoutimi. Très
bien accueilli, il jouit rapidement d'une renommé
régionale.
Québec Issime au Capitol
Robert
Doré se rend compte que tout grandit très
vite et que le garage de sa maison, où la troupe
répète et entrepose son matériel,
ne suffit plus à tout contenir. Il fait donc l'acquisition
d'un ancien théâtre, en 1997. L'idée
première est d'en faire un entrepôt, un studio
d'enregistrement et une salle de répétitions.
Ainsi, la troupe s'organise.
Le succès du spectacle a des échos jusque
dans la capitale, et Québec Issime est invité
à venir se produire au Capitol. Dès lors,
le spectacle grossit encore. À un point tel qu'il
ne pouvait plus entrer dans l'hôtel de Chicoutimi
où il s'était jusqu'alors produit.
Il fallait trouver
une nouvelle salle de spectacle. Mais le théâtre
qu'avait acheté Robert Doré était
en mauvais état et pas assez grand pour accueillir
la troupe. Des travaux importants s'imposaient.
« Avant
notre visite au Capitol, jamais on n'aurait pensé
pouvoir faire les mêmes changements, apporter les
changements et faire les mêmes travaux qu'ils ont
faits. » - Robert Doré, producteur
Une volonté
à toute épreuve
Par contre, le financement du projet, en raison de son
ampleur, posait problème. Créer
un théâtre au Saguenay en restaurant un vieil
immeuble était quasi utopique aux yeux de plusieurs
banquiers. À la succursale de la Banque de Montréal
de Chicoutimi, le directeur des services financiers aux
entreprises, Carol Tardif, n'en revenait tout simplement
pas. S'il avait accepté
de financer l'acquisition du théâtre, le
projet de restauration et de transformation en salle de
spectacle lui paraissait risqué. N'empêche,
Robert Doré avait prit les devants et avait commencé
les travaux, abattant un mur du vieil édifice.
« J'ai
eu un peu de sueurs froides. Il a mis beaucoup de pression,
et là, j'ai commencé à faire de l'insomnie,
parce que je me suis dit : On n'a plus de bâtisse,
on ne sait pas où l'on s'en va, où ça
commence ni où ça se termine. » - Carol Tardif, directeur
des Services financiers aux entreprises, Banque de Montréal
Le
producteur Robert Doré et le représentant
de la Banque de Montréal Carol Tardif ne sont cependant
pas capables d'assumer seuls le financement du projet.
Ils se tournent alors vers la Banque de développement
du Canada (BDC) et le Fonds régional des travailleurs
du Québec, leur demandant de venir constater par
eux-même le potentiel du spectacle. Les bailleurs
de fonds finissent par adhérer au projet lorsque
Robert Doré propose de financer une partie des
travaux à même les ventes de Québec
Issime, qui connaît déjà un grand
succès. Ils posent cependant une condition :
l'ensemble des travaux doit être complété
à temps pour l'ouverture de la saison estivale,
le 6 juillet 1999.
Le coût total du projet est estimé à
3 millions de dollars, ce qui est relativement bon marché
pour un théâtre de cette taille, soit 600
places. Les travaux ont permis de doubler la superficie
du théâtre original. Néanmoins, pour
terminer les travaux dans
les délais prescrits, les artistes et leurs proches
sont allés travailler au chantier.
« À la première, en 1999, de
Québec
Issime au Théâtre
Palace Arvida, les danseuses, les chanteuses, les chanteurs
et les musiciens avaient tous un peu de peinture sur les
mains. » - Pierre Doré,
directeur artistique et musicien
« Il
y avait tellement de gens qui voulaient nous aider dans
ce projet, on dirait que ce n'était plus tellement
une affaire de famille, mais une affaire de municipalité. » - Renée Riverin
Un succès
qui se poursuit
Depuis son inauguration,
à l'été 1999, la survie du Théâtre
Palace Arvida tient du tour de force permanent. La formule
a été calquée sur celle du Capitol
de Québec, c'est-à-dire que l'on propose
des soupers-spectacles et toutes sortes de présentations
sur scène, en plus d'un service de restauration.
On y sert jusqu'à 400 repas en une seule soirée,
et environ 40 personnes y travaillent.
On
estime que 30 000 spectateurs viennent chaque année
pour voir le spectacle, et les retombées économiques
sont évaluées à 5,3 millions de dollars.
Amateurs devenus professionnels,
ils sont là pour rester, puisque leur spectacle
de Noël sera présenté à la Place-des-Arts
de Montréal pendant au moins trois ans. La télévision
leur fait également des propositions, et ils viennent
de lancer un album de chansons de Noël. C'est ainsi
qu'ils espèrent assurer la survie de l'improbable
théâtre qu'ils ont eux-même créé.
« On
a appris beaucoup sur le tas, par essais et par erreurs.
Je pense que c'est la plus belle école qu'on aurait
pu avoir dans le monde du show-business. » -
Hélène Girard, directrice des communications
« Je
n'ai jamais douté, jamais. » - Robert Doré,
producteur
Journaliste :
Claude Sauvé
Réalisateur : Jean-Claude Burger
La version vidéo de ce reportage
ne peut être disponible en raison de droits.
Veuillez nous en excuser.