Depuis toujours,
on le dit d'or. Je veux bien sûr parler du silence.
L'avez-vous déjà écouté? Aujourd'hui,
le silence est une denrée rare et précieuse,
mais surtout méconnue de tous. Saturés d'informations,
de pollution sonore, de bruits divers qui font partie du quotidien,
certains le recherchent, évidemment.
Si les lieux de retraites fermées ont toujours
existé, la clientèle et ses besoins ont bel
et bien changé. Depuis quelques années, les
jeunes sont même de plus en plus attirés par
ce silence qu'ils ne connaissent pas. Mais attention, le silence
doit être consommé avec une certaine prudence.
De
nos jours, les occasions de se retirer dans un endroit silencieux
sont rares. Nos vies sont plutôt remplies de bruits
de voitures, de la télévision, de la radio,
du téléphone qui sonne, des enfants qui s'amusent,
etc. Mais de plus en plus de gens décident de faire
une pause et de se retirer dans le silence, l'espace de quelques
jours.
Le silence fait donc de nombreux adeptes. Chaque semaine,
plusieurs lieux de retraites, qu'ils soient religieux ou laïcs,
accueillent des gens ordinaires qui souhaitent faire silence
pour un moment. Comme le souligne le frère Bruno-Marie,
de l'abbaye cistercienne d'Oka : « Il n'y
a presque pas de religieux ou de prêtres qui viennent.
Il y en a, mais ce n'est pas la majorité. La majorité,
ce sont des pères de famille et des mères de
famille. Ils viennent se reposer, prendre un temps de recul. »
Chacun a ses propres raisons de vouloir faire silence. Mais
peu importe, chaque retraitant se retrouvera inévitablement
face à lui-même, sans faux-fuyant, sans artifice.
« Moi,
je viens vraiment pour me ressourcer, refaire le plein au
niveau spirituel. Ça, c'est moi, ça m'appartient.
Alors ce que ça change, c'est lorsque je retourne à
la maison, ma batterie est rechargée pour un autre
bout de chemin. J'ai une meilleure interaction avec les gens
autour de moi. » - France Descoteaux
Un
silence réparateur
Pour
plusieurs, il s'agit de décrocher, de se changer les
idées, d'arrêter un moment ou encore de prendre
un peu de recul. Par exemple, ces quelques jours en silence
permettent à Julie Mercure, mère de quatre
enfants, de s'offrir un peu de repos. « Parce que
j'ai quatre enfants, je suis très, très fatiguée.
J'ai eu mes enfants très rapprochés. J'avais
tout simplement besoin de dormir, de me reposer, de faire
une coupure. Je n'ai jamais de silence chez moi. D'un repas
à l'autre, j'ai peu l'occasion de me retrouver seule
avec moi-même, parce qu j'ai continuellement les enfants.
Donc, je viens juste me rechercher. »
Les quelques jours de silence passés à l'abbaye
d'Oka lui permettent également de mieux affronter sa
réalité de mère d'un garçon qui
a le syndrome de Gilles de la Tourette et d'une fille aux
prises avec un trouble envahissant de développement,
de l'autisme, des diagnostics très difficiles à
affronter.
Pour d'autres, le silence permet un moment de répit.
Jean-Guy Parent est aujourd'hui président d'une
entreprise. Il a découvert le silence alors qu'il était
ministre péquiste et maire de Boucherville. Et ces
moments de silence l'ont complètement transformé :
« Je vous dirais que je ne serais pas le même,
le même être humain, le même homme, le même
père de famille ou le même patron aujourd'hui
si je n'avais pas passé par ces étapes et si
je ne pratiquais pas ce silence intérieur. »
Le silence présenterait aussi des vertus
réparatrices. Il y a 15 ans, Louise Latraverse
s'est tournée vers le silence. Suite à une dépression,
elle a choisi de s'arrêter et de s'écouter :
« Dans le silence, on se guérit. Parce
que c'est dans le silence qu'on s'entend et il faut entendre
ce qui se passe en nous, toute cette fébrilité,
ces malaises, ces souffrances qui sont là et auxquelles
on ne veut pas faire face la plupart du temps. On sait que
c'est en faisant face qu'on va se débarrasser de la
souffrance, ce n'est pas en la fuyant. » Néanmoins,
le silence n'est pas le remède miracle à tous
les problèmes et n'amène pas nécessairement
la guérison. Il peut même agir comme un amplificateur.
« Si
vous venez dans le silence en dépression, le silence
risque d'augmenter votre dépression. Le silence n'est
pas réparateur pour tout. Il peut être réparateur
pour le repos, pour se refaire, pour trouver des solutions
à nos problèmes, mais il n'y a peut-être
pas un silence formule magique à tous les problèmes. » - frère Bruno-Marie,
abbaye cistercienne d'Oka
Des
jeunes découvrent le silence
La
très grande majorité des jeunes d'aujourd'hui
ne connaissent pas le silence. Mais ils sont de plus en plus
nombreux à en faire l'expérience, comme à
Sainte-Blandine, près de Rimouski. C'est là
que se trouve le Village des Sources. Il s'agit en fait de
quatre maisons au bout d'un rang, sur le bord d'un lac. Jean-Guy
Gendron, autrefois enseignant, a fondé ce village.
« On découvrait que beaucoup de jeunes
vivaient de grandes souffrances, vivaient aussi de grands
rêves, mais que parfois, dans le milieu scolaire, ce
n'était pas évident de les partager, parce que
le climat n'est pas là. » C'est alors
qu'il a décidé, avec l'aide de sa communauté,
les frères du Sacré-Cur, de trouver un
lieu pour accueillir les jeunes.
Le but : que des adolescents de la région
aient l'occasion de découvrir le silence, de faire
le point et, peut-être, de trouver des solutions à
leurs problèmes.
C'est en 1994 que le rêve se réalise. Depuis,
les frères du Sacré-Cur et des bénévoles
ont accueilli plus de 12 000 jeunes dans leur village.
Le silence comme
activité parascolaire
La
première règle que les jeunes doivent suivre
lorsqu'ils arrivent au Village des Sources est celle d'arrêter
le temps. Jean-Guy Gendron dit aux jeunes : « Je
vous invite vraiment à dire : "Je fais le
plongeon." Enlever sa montre, c'est oser faire un plongeon
dans la confiance, d'abord, et se dire que le temps qui sera
passé ici, il va être précieux. »
Ce temps passé au village sera effectivement précieux,
puisque les jeunes l'utiliseront à mieux se connaître.
Et l'un des meilleurs moyens pour y arriver, c'est justement
le silence. On leur présente l'exercice comme un défi.
« Juste
le fait de me promener en nature, d'être seul, qu'il
n'y a aucun bruit autour de moi, ça me fait réfléchir.
Et puis j'ai trouvé beaucoup de réponses à
mes questions. »
Le Village des Sources n'est pas unique. D'ailleurs, les
écoles secondaires proposent aux jeunes la découverte
du silence comme activité parascolaire. Ils sont de
plus en plus nombreux à tenter l'expérience,
au point où l'on a de la difficulté à
répondre à la demande. Que ce soit à
Sainte-Blandine ou ailleurs, le but est le même pour
ces jeunes : apprendre à mieux se connaître.
« Tu
trouves plein de réponses auxquelles tu n'avais jamais
pensé en parlant avec d'autres. Tu as les réponses,
mais tu ne les connais pas. Il faut que tu arrêtes de
parler pour les chercher au fond. »