Vous désirez adopter
un enfant québécois? Bonne chance et, surtout,
faites preuve de beaucoup de patience! Il n'y a presque
plus de bébés à adopter au Québec,
et vous pourriez avoir quelques cheveux blancs avant d'atteindre
votre but.
Pourquoi
le Québec est-il passé en l'espace de 40 ans
d'un statut « d'exportateur » de
bébés à celui « d'importateur »?
Faute de bébés, près d'un millier
de couples québécois se tournent chaque
année vers l'étranger pour adopter un enfant,
un phénomène devenu banal dans notre société.
D'autres vont plutôt choisir d'accueillir à
la maison des enfants négligés retirés
à leurs mères biologiques par la DPJ.
Comment expliquer cette pénurie et
cette tendance? La société québécoise
est-elle vraiment différente de celle d'autrefois?
On peut en douter, du moins vis-à-vis des jeunes
mères célibataires. Si aujourd'hui la société
juge beaucoup moins les mères célibataires,
les jeunes filles qui connaissent une grossesse non désirée
optent en grande majorité pour l'avortement. Très
peu vont se tourner vers l'adoption, qui est encore trop
souvent perçue au Québec comme un geste
d'abandon et non comme un acte d'amour.
Le
Québec souffre encore de son passé. Il y
a quelques décennies, les bébés des
filles-mères étaient confiés aux
surs qui, sans les consulter, les remettaient aux
couples de leurs choix.
Le dilemme d'une mère célibataire
au Québec:
Louise, 23 ans.
Elle a opté pour l'adoption en toute fin
de grossesse après plusieurs mois de réflexion
et s'est mise à la recherche d'une famille
pour son enfant, pour apprendre que la loi, au
Québec, ne lui permettait pas de choisir
la famille qui allait accueillir son bébé.
« J'aurais pu lui
donner tout l'amour qu'elle voulait, même
trop mais c'est pas assez. J'avais peur de ne
pas avoir de nourriture sur la table pour elle,
qu'elle ait faim, qu'elle n'ait pas ce qu'elle
veut. Je voulais avoir une mère, un père,
qui avaient tout à lui offrir. »
Doreen Brown
se spécialise dans les questions d'adoption
depuis une quinzaine d'années. Elle estime
que le Québec devrait réviser son
approche, pour le plus grand bien des enfants
et des parents adoptifs.
« Je pense que la
mère devra avoir le choix si elle veut
donner son enfant à un couple, c'est elle
qui doit décider. »
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Aussi
surprenant que cela puisse paraître, les mères
célibataires au Québec qui choisissent l'adoption
ne peuvent toujours pas choisir aujourd'hui les parents
de leur bébé, une situation presque unique
en Amérique du Nord.
« Quand
j'ai découvert qu'au Québec on n'a pas le
droit de choisir la famille à qui notre enfant
va, j'ai trouvé ça affreux... de ne pas
être capable de choisir la famille avec laquelle
mon enfant va être élevé, c'est injuste.
Ils n'ont pas le droit de demander cela à une mère. »
Les
couples québécois qui souhaitent adopter
un enfant québécois doivent s'armer de patience.
Leur attente peut durer jusqu'à dix ans.
Environ 900 enfants étrangers
sont adoptés au Québec chaque année;
la moitié viennent de Chine. Adopter un
enfant chinois coûte environ 25 000
$. Adopter un bébé québécois
est gratuit, mais rarissime. On compte en moyenne
une dizaine d'adoptions de ce type par année.
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Contrairement au Québec,
les couples infertiles de l'Ontario peuvent encore adopter
des bébés dans des délais raisonnables.
Les mères biologiques, par l'intermédiaire
d'un avocat et d'une agence, choisissent elles-mêmes
à qui elle vont confier leur enfant. Le système
privé s'adresse aux couples qui veulent adopter
des bébés naissants et qui sont prêts
à payer. Entre 15 et 20 bébés
par mois (200 en moyenne par année) sont confiés
à l'adoption par leurs jeunes mères en Ontario,
soit 20 fois plus qu'au Québec.
Des couples québécois
fatigués d'attendre choisissent l'Ontario; d'autres
encore se tournent vers les États-Unis.
Journaliste
: Michel Vincent
Réalisateur : Jean-Claude Le Floch