Catherine
Potvin parcourt la forêt tropicale depuis 10 ans.
Le Panama est devenu la terre d'adoption de cette biologiste.
Elle y passe plus de la moitié de l'année.
« Pour moi, la forêt
tropicale c'est l'extravagance de la création
des formes de vie. On dirait que c'est l'endroit où
l'imagination de la vie a atteint son paroxysme.
» Catherine Potvin
À Ipeti, village à 300
km de la capitale, elle développe un projet ambitieux
qui pourrait contribuer à la fois à résoudre
le problème du réchauffement climatique
et au développement des Emberas, une communauté
autochtone de la région.
Tous les pays signataires du protocole
de Kyoto s'engagent à réduire leurs émissions
de gaz à effet de serre. Les pays industrialisés
qui n'y parviendront pas pourront payer un gouvernement
ou une entreprise d'un pays en développement
pour planter des arbres. Ces derniers emprisonneront
des tonnes de carbone atmosphérique, un des principaux
responsables du réchauffement climatique.
Catherine Potvin s'est dit que les Emberas
pourraient offrir leurs services dans ce nouveau marché
du carbone en aménageant leurs terres pour emprisonner
une quantité maximale de ce gaz.
Dans
les Tropiques, la déforestation est directement
liée à la pauvreté. Les paysans,
qui manquent de terres pour l'agriculture, n'ont souvent
d'autre choix que de brûler une partie de la forêt
pour la cultiver. Les Emberas ne font pas exception.
Mais, avec les encouragements financiers
du protocole, il pourrait être plus avantageux
pour eux de reboiser des pâturages. Ils pourraient
planter des arbres fruitiers, et ainsi profiter de la
récolte pour se nourrir.
Les Indiens sont enthousiasmés
par ce projet.
Les règles du marché des
gaz à effet de serre ne sont pas encore définies.
Mais les Emberas se préparent déjà
à devenir des professionnels de l'emprisonnement
du carbone. Sous la supervision de l'équipe de
Catherine Potvin, ils calculent la quantité de
carbone qui pourrait être emmagasinée dans
leurs terres. D'ici un an et demi, ils estiment être
en mesure de présenter un projet sur le marché
international.
Pour éviter que l'arrivée
de montants d'argent importants ne bouleverse la communauté,
l'équipe de Catherine Potvin organise des enquêtes
sur l'économie des ménages. Elles permettront
de mieux cerner les besoins des familles et de les aider
à décider comment elles vont gérer
cet argent.
Omayra
Casama, chef du village d'Ipeti, soutient que sa communauté
est prête : « Économiquement,
c'est très bénéfique pour nous,
parce que les bons de carbone représentent beaucoup
d'investissements. Notre communauté est bien
préparée pour ce projet : en matière
d'administration, de comptabilité et d'agroforesterie.
»
Dans le site expérimental de Sardinilla,
à une demi-heure de la capitale, l'équipe
de Catherine Potvin a planté 11 000 arbres de
36 espèces différentes. Ils vérifient
lesquels emmagasinent plus efficacement le carbone atmosphérique
et quelles sont les conditions les plus propices à
leur développement.
Ils recueillent également des
échantillons de sol, pour voir quels insectes
et microbes y habitent. Peu de scientifiques se sont
penchés sur la forêt tropicale. Comprendre
le fonctionnement de l'écosystème sera
pourtant primordial pour le projet des Emberas et pour
leur survie.