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REPORTAGE  —  16 mai 2004

 
Le volcanisme des îles Canaries

Dotée de paysages volcaniques spectaculaires, d'immenses champs de lave, de longs tunnels de lave et des cônes volcaniques très colorés, l'île de Lanzarote, la plus orientale de l'archipel des Canaries, présente un intérêt particulier parce que le volcanisme y est encore très présent. Découverte a suivi un groupe d'étudiants et de chercheurs de l'Université du Québec à Montréal et leurs collègues espagnols, en voyage d'études à Lanzarote et dans les îles voisines.

Journaliste : Jean-Pierre Rogel
Réalisateur : Pierre Tonietto

Dix-huit étudiants, trois professeurs, mais une seule mission : étudier le volcanisme aux îles Canaries. Un voyage d'études où l'on est constamment sur le terrain, car en géologie, il faut observer les paysages et faire des croquis précis pour bien saisir la réalité. Le groupe se rend dans un premier temps à Lanzarote, l'île la plus à l'ouest de l'archipel, situé au large de la côte du Maroc. Toutes ces îles sont d'origine volcanique. La plus ancienne a près de 20 millions d'années, et la plus récente, 1 million d'années. Des îles très jeunes, du moins à l'échelle géologique.

 

Le nord de Lanzarote est dominé par le volcan Corona. Un de ses flans est un immense champ de lave. Pour les habitants de l'île, c'est le malpaïs, le pays mauvais, qu'on ne peut pas cultiver. Au début, une rivière de lave s'est écoulée du volcan, mais rapidement, la partie exposée à l'air libre a refroidi et durci. Pendant ce temps, la lave du centre, très fluide, a continué de s'écouler, formant ce qu'on appelle un tube lavique. Ici, le tube mesure près de huit kilomètres et se prolonge de deux kilomètres sous le niveau actuel de la mer. Toute cette lave s'est écoulée en couches successives. Selon les études scientifiques, la première serait âgée de 53 000 ans, et la dernière, d'environ 20 000 ans. La mission des étudiants sera de vérifier si cette évaluation est exacte.

À Timanfaya, une région qui couvre près du tiers de l'île, les paysages sont désolés, d'immenses champs de lave et de cendres, des cratères saisissants. Ce chaos est dû à des événements qui ont eu lieu il y a moins de 300 ans. Des événements que connaît bien le géographe français Raphaël Paris : « L'éruption de Timanfaya, c'est une succession d'éruptions stromboliennes — par analogie avec le volcan Stromboli, qui symbolise bien ce type de volcanisme qui construit de petits cônes de lapillis. Les lapillis, ce sont de petites projections volcaniques qui d'une taille à peu près comme le bout du pouce, disons. Et ça construit des petits cônes, avec des coulées qui s'en échappent. En fait, pendant six ans, on n'a pas moins d'une quarantaine de cônes qui se construiront, plus ou moins alignés les uns derrière les autres, et de chaque côté de ces alignements de cônes, de grandes coulées qui iront jusqu'à la mer. » C'est la troisième plus grande éruption fissurale de tous les temps. Même si plus de 400 fermes ont été ensevelies, il n'y a pas eu de victimes, les habitants ayant pu fuir à temps.

 

Retour dans le nord de l'île pour examiner une énigme géologique : une falaise de 30 kilomètres de longueur et de 600 mètres de hauteur. Ici, il y a près de 10 millions d'années, il y avait un très grand volcan. La partie ouest, qui faisait face à la mer, s'est effondrée. Pourquoi? Raphaël Paris émet une hypothèse : « Ça pourrait être l'érosion, mais il n'y a pas de raison de penser que l'érosion s'attaque à l'ouest plutôt qu'à l'est du volcan. L'hypothèse la plus probable, c'est qu'on a eu un glissement massif de toute une partie du volcan, vers l'ouest. Alors, des épisodes de ce genre, il s'en est produit pas moins d'une douzaine au cours du quaternaire aux îles Canaries. »

Un glissement massif, mais qui n'explique pas tout. Sous le volcan, certains pensent qu'à l'origine de la falaise, il existe une fracture en grande profondeur qui se prolonge sous presque toute l'île de Lanzarote, y compris sous la série de volcans du parc de Timanfaya.

Selon cette hypothèse, c'est l'activation de cette fracture qui a causé le glissement massif à l'origine de la falaise, comme l'explique le géologue Normand Goulet, de l'Université du Québec à Montréal  : « Cette fracture pourrait aller en très grande profondeur, jusque dans le manteau. Et depuis à peu près 20 millions d'années, cette fracture aurait pu jouer à plusieurs moments et contrôler ces centres volcaniques, jusqu'à tout récemment, il y a à peu près 300 ans, plus loin au sud. »

L'étude des changements climatiques

Après le volcanisme, l'étude des changements climatiques est la deuxième spécialité de cette île-laboratoire, courue par les chercheurs du monde entier. On y trouve une dune de sable qui révèle le climat d'hier, et peut-être celui de demain. En effet, ces dépôts de sables amenés par les vents, venus en grande partie du Sahara, enregistrent la succession de périodes sèches et humides du climat. Une couche plus claire correspond à une période plus sèche, alors qu'une couche plus foncée correspond à une période plus humide.

On le voit d'ailleurs dans les fossiles, qui n'existent que dans les couches plus foncées : l'humidité a permis à une faune locale de se développer. Ici, on a des coquilles de gastéropodes, et des sortes de dés à coudre qui sont en fait des nids d'abeilles primitives, qui vivaient il y a 250 000 ans.

Mais quelle est donc la cause ultime de cet empilement de couches? Selon le géologue Michel Lamothe, de l'Université du Québec à Montréal, « cette rythmicité est fondamentalement le résultat de l'interaction du rayonnement solaire avec la surface terrestre dans les secteurs environnants. On dit que c'est le résultat des variations de l'insolation que reçoit la planète Terre. Cette insolation est fonction de la position de la planète autour du Soleil, dans sa course autour du Soleil. »

Le Soleil, gardien ultime des changements climatiques sur Terre. Voilà une conclusion qui met un bémol aux craintes sur le réchauffement actuel du climat. Sur une échelle de quelques siècles, c'est l'insolation qui compte, et pas les gaz à effet de serre.

En étudiant les changements climatiques à travers les fossiles, le paléontologue canarien Joaquim Meco s'est taillé une réputation internationale. Il vient d'ailleurs de démontrer à quel point, aux Canaries, le climat était beaucoup plus chaud il y a 135 000 ans qu'il ne l'est aujourd'hui.

Pour les étudiants, le stage est une occasion unique de rencontrer sur le terrain un chercheur de grande renommée. Un homme qui, à partir de simples coquillages, réfléchit au climat et à l'avenir de l'humanité. Un voyage exceptionnel, sur une île exceptionnelle. Un groupe de jeunes passionnés qui, chaque jour, étudient en direct les archives de la Terre. En somme, la science comme une aventure.

 

 

 

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