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REPORTAGE  —  9 mai 2004

 
Les derniers papillons monarques

Les magnifiques papillons monarques qui volent au-dessus des champs durant l'été sont des insectes uniques. Dès l'automne, comme les grands oiseaux migrateurs, ils partent par millions vers le sud pour y passer l'hiver. Un voyage de plus de 5000 km vers les montagnes du Michoacan, à quelques heures de route de Mexico. Mais cette migration est menacée. Leur lieu d'hivernage dans le Michoacan subit une déforestation massive, et d'importants changements climatiques affectent leur survie. Voici l'aventure de deux hommes qui tentent de les sauver.

Journaliste : Michel Rochon
Réalisatrice : Chantal Théorêt

À 3000 mètres d'altitude, deux cavaliers atteignent le sommet des montagnes du Michoacan, au Mexique. Après une longue et difficile route, ils arrivent enfin aux portes du sanctuaire des papillons monarques. Jose Luis Alvarez, un écologiste mexicain, travaille à la sauvegarde de ces papillons depuis de nombreuses années. Jean Lauriault, un biologiste canadien, spécialiste des monarques, vient ici depuis 10 ans. Les deux hommes ont en commun un grand respect pour un des plus fascinants spectacles de la nature: le site d'hivernation des papillons monarques d'Amérique.

Ce sanctuaire est menacé par la déforestation et les changements climatiques. Les deux hommes sont unanimes : la situation est désastreuse. À l'hiver 2002, des dizaines, voire quelques centaines de millions de papillons, sont morts à cause de l'effet combiné du froid et de la déforestation. Cette année, c'est le même constat, et ce phénomène risque d'être amplifié, au cours des prochaines décennies, par d'importants changements climatiques dans la région. On prévoit, en effet, une augmentation des précipitations et des températures plus fraîches dans le Michoacan. Un mélange mortel pour les monarques.

Ce site d'hivernage était pourtant idéal pour les papillons. Depuis des millénaires, les monarques débutent leur longue migration vers la fin de l'été. Un périple de trois mois, au cours duquel, partis du Canada et du nord des États-Unis, ils atteignent le Mexique. Un trajet qui représente 100 km par jour. En novembre, ils convergent vers une petite section de forêt de pins et de sapins au sommet des montagnes, à une centaine de kilomètres à l'ouest de la ville de Mexico. « C'est toute une question d'équilibre d'énergie. Le papillon monarque arrive ici avec une certaine quantité d'énergie, et il doit passer tout l'hiver avec cette quantité d'énergie. C'est pour ça qu'il vient ici. Il y retrouve un bon taux d'humidité et des températures relativement basses, explique Jean Lauriault, biologiste du Musée canadien de la nature. Ensuite, avec l'augmentation de la température et de la clarté, le papillon monarque devient mature sexuellement et commence à s'accoupler. »

En 1986, le gouvernement mexicain a décrété que cette région était une « réserve de la biosphère ». Malgré cela, les résidents de la région ont poursuivi une coupe sélective — ou une coupe à blanc — à l'intérieur de cette réserve. Les papillons auraient ainsi perdu 44 % de leur territoire d'hivernation.

Concilier le bien-être des monarques et celui des habitants

Les pins et les sapins abattus font partie d'une économie clandestine et lucrative pour certains résidents, même si, depuis des années, la majorité des résidents tente de se convertir à l'écotourisme. Jose Luis Alvarez est conscient des besoins de la population. Il a aussi tenté de venir en aide aux Ejideros en leur proposant une solution : le développement durable.

Pour ce faire, il plante des oyamels dans les forêts coupées à blanc. Non seulement les monarques affectionnent cette variété d'arbres, mais ces arbres ont l'avantage de pousser rapidement, ce qui permettra de faire une coupe sélective tous les cinq ans autour des zones d'hivernation. Après 15 ans, un résident se retrouvera avec 800 arbres par hectare. Une forêt qui rapportera près de 100 000 $ l'hectare et qui assurera également un écosystème viable pour le papillon. Grâce à une fondation à but non lucratif, 200 000 arbres seront plantés cette année.

Mais pour l'instant, ces efforts demeurent insuffisants. Ce sont des dizaines de millions d'arbres qu'il faudrait planter. Pour Jean Lauriault, il y a urgence d'agir. La déforestation est une menace réelle pour une autre raison. « Avec la déforestation, on augmente la température locale. Par conséquent, le papillon monarque va se réchauffer et va commencer à voler plus tôt. En volant, il perdra son énergie, et il est possible qu'il soit plus difficile pour lui de s'accoupler et de retourner au Canada. »

À la fin de son hivernation — à la fin du mois de mars — c'est ici qu'il se reproduit avant de repartir pour le Canada. Après la reproduction, les papillons meurent. Une nouvelle génération de monarques quitte alors le Michoacan vers le Canada. Ils se reproduisent à leur tour et meurent tout au long du chemin. Entre la fin du mois de mars et la fin de juin, il faudra environ quatre générations successives de papillons pour se rendre jusqu'au Canada.

Même si on a découvert leur cachette hivernale en 1975, on est encore loin de tout comprendre sur ce mystérieux voyage annuel. Pour des scientifiques comme Jean Lauriault, la grande réunion de ces centaines de millions de papillons inspire le respect et justifie notre effort pour sauvegarder l'espèce.

Pour en savoir plus :

 




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