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REPORTAGE  —  2 mai 2004

 
Le massif des Chic-Chocs

Pour le responsable du Centre d'avalanche de la Haute-Gaspésie, avril est le mois de tous les dangers. Avec de brusques changements de température, de la neige molle et de la pluie, le risque d'avalanche de neige est très élevé dans les monts Chic-Chocs. C'est une réalité peu connue, mais, depuis le début des années 70, les avalanches de neige ont fait 33 morts et 50 blessés au Québec, et c'est dans la Haute-Gaspésie que le risque est le plus important.

Journaliste: Jean-Pierre Rogel
Réalisatrice: Sophie Malavoy

Lundi 19 avril, 7 h du matin, mont Albert, dans les Chic-Chocs. Il a neigé toute la nuit et, maintenant, il pleut. Comme d'habitude, Dominic Boucher et Stéphane Gagnon entament leur tournée du terrain. Leur mission: évaluer les risques d'avalanche pour émettre un bulletin qui devrait être valable pour les trois prochains jours. «Si ça continue à se réchauffer, s'inquiète Dominic, on peut soupçonner des problèmes en profondeur. Ce qu'on va vérifier, aujourd'hui, c'est si la pluie a touché le manteau neigeux et si cela risque de devenir vraiment instable.»

Les monts Chic-Chocs sont nés en même temps que les Appalaches, dont ils forment l'extrémité nord. Il y a 400 millions d'années, un morceau de plancher océanique s'est soulevé ici, formant ce massif montagneux. Ces sommets sont tabulaires et dominent la plate-forme en contrebas. De loin, ils apparaissent comme une barre dans le paysage. Chic-Chocs vient d'ailleurs d'un mot amérindien qui signifie «rocher escarpé, mur infranchissable».

Sur le terrain, les deux patrouilleurs commencent par creuser un trou pour vérifier l'état du manteau neigeux. Ils plantent notamment des thermomètres pour connaître la température de la neige à différentes profondeurs. Ils mesurent aussi l'épaisseur des couches de neige.

Pendant ce temps, il continue à pleuvoir sur le massif. Chez nos prévisionnistes d'avalanche, l'inquiétude est palpable. «S'il continue à pleuvoir, note Stéphane, et s'il continue à faire chaud, c'est sûr que des décrochements vont commencer, qui iront dans différentes directions.» Ce qu'ils craignent, ce sont les accidents d'avalanche. Ils ont beau être rares, ils peuvent être catastrophiques. Dans 8 cas sur 10, ils sont déclenchés par des skieurs.

Le manteau neigeux ressemble à un grand gâteau à plusieurs étages. Certains étages sont durs comme de la glace, tandis que d'autres sont poudreux comme du sucre. Toute couche fragile représente un danger. À la suite d'un choc, provoqué, par exemple, par le passage d'un skieur, elle peut se rompre. Elle se transforme alors en un véritable tapis roulant pour les couches supérieures. À cause des pentes abruptes et du temps très changeant - et aussi à cause d'une fréquentation élevée -, les Chic-Chocs sont l'endroit où le risque d'avalanche est le plus élevé au Québec.

Aujourd'hui, pour Dominic et Stéphane, le diagnostic n'est pas évident. Le risque d'avalanche, faible les derniers jours, semble monter en flèche. Mais tout dépendra du temps qu'il fera cette nuit et demain matin.

Le lendemain, bonne nouvelle: le temps est partiellement dégagé. Mais la température est-elle descendue suffisamment, au cours de la nuit, pour que la neige regèle en surface? Aux premières mesures, à la station météo dans la vallée, il semble que oui. Mais qu'en est-il un peu plus haut? Une station automatique transmet des données directement au Centre d'avalanche, mais comme elle a eu des ennuis techniques récemment, l'équipe décide d'aller vérifier si tout fonctionne bien.

En altitude, par contre, le temps se dégrade. Au sommet du mont Ernest-Laforce - une modeste butte de 820 mètres de hauteur -, le vent est mesuré à 81 km/h. Il faut s'arc-bouter pour ne pas s'envoler. Le vent est un facteur important dans la prévision d'avalanche. C'est lui qui déplace les masses neigeuses vers les pentes en couloirs. Il les rend plus lourdes, plus chargées.

Deux cents mètres plus bas, il n'y a plus de vent, mais il faut vérifier l'état de la neige. Une sonde permet de tester la consistance des couches. «Il y a deux croûtes: celle qui était là avant la neige et la pluie d'hier, et celle de cette nuit», conclut Stéphane. Pour nos deux experts, la conclusion de la tournée d'hier et de ce matin commence à se dessiner. À 800 mètres d'altitude, tout est bien gelé, alors que dans les vallées, la neige commence à fondre. «Ce sont des informations très importantes. Cela nous dit que, [puisque les zones de départ sont encore bien gelées], le potentiel de créer une avalanche est relativement faible», explique Dominic.

Il est 3 h de l'après-midi, la patrouille est terminée. Il ne reste plus qu'à écrire un bulletin de prévision d'avalanche et à l'envoyer par Internet. Quant aux monts Chic-Chocs, ils attendent les skieurs et les planchistes, imperturbables, comme toujours.

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