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REPORTAGE  —  2 mai 2004

 
Caribous et coupe

Dans le secteur du lac Portneuf, un seul massif de forêt est encore épargné par les coupes forestières. Dans ce massif vivent des caribous forestiers, une espèce menacée. Pour concilier les besoins économiques de la compagnie et ceux de survie du caribou, une vaste étude d'aménagement de la forêt a été entreprise. Différents types de coupes sélectives seront pratiquées.

De plus, pour savoir comment les caribous réagissent à ces nouvelles méthodes, une équipe de la Société de la faune et des parcs a décidé de suivre les déplacements des caribous à l'intérieur du massif sur une période de 3 ans. Pour ce faire, l'équipe doit attraper 18 caribous et leur poser un collier GPS.

Journaliste: Philippe Mercure
Réalisatrice: Louis Faure

Laurier Breton dirige une opération de la Société de la faune et des parcs. Son équipe a 3 jours pour attraper 18 caribous et leur enfiler un collier. Une tâche qui s'annonce plutôt difficile, puisque les caribous se font rares. Son collègue Claude Dussault est biologiste. Du caribou, il sait qu'il y en a dans la région du Camp Sablon, au Saguenay, mais, depuis quatre ans, il a perdu toute trace des animaux.

La forêt boréale est le domaine du caribou forestier. Mais il n'est pas le seul à régner dans le secteur. Une importante compagnie forestière, l'Abitibi-Consolidated, exploite le même territoire. Tous deux se disputent la même ressource: l'épinette noire. Au Saguenay seulement, ce sont 800 km carrés de forêt qui tombent sous la scie des compagnies forestières chaque année. À ce rythme, on craint que les meilleurs habitats du caribou ne disparaissent d'ici 50 ans. Dans le secteur du lac Portneuf, toute la forêt des environs a été abattue. Toute, sauf un petit massif de 350 km carrés. C'est dans ce massif que Laurier Breton et Claude Dussault cherchent les caribous.

Première étape de leur mission: repérer les caribous. Ils ne sont pas nombreux; le caribou forestier est une espèce menacée qui vit en faible densité. Sous le couvert forestier, les animaux sont pratiquement impossibles à repérer. Ce sont donc sur les lacs gelés qu'ils trahissent leur présence. Après en avoir trouvé une piste, il ne suffit que de remonter jusqu'à l'animal. L'équipe réussit enfin à retrouver une colonie d'une trentaine de bêtes. Pour les capturer, il faut bien se préparer.

Depuis l'an dernier, la loi oblige les compagnies forestières à pratiquer des coupes mosaïques, c'est-à-dire à couper la forêt par petits blocs, en laissant sur pied autant de forêt qu'on en prélève. Ce qui semblait une bonne idée au départ inquiète les biologistes. Ils craignent que cette nouvelle méthode ne morcelle le territoire et qu'elle ne rende le caribou vulnérable. Cette pratique ne plaît pas non plus à la compagnie Abitibi-Consolidated, qui voit ses coûts d'opération augmenter.

Les biologistes et les industriels se sont donc parlés, et ils sont arrivés à une entente. Le territoire est divisé en plusieurs zones, et une zone sera préservée pour le caribou. Pour Serge Gosselin, d'Abitibi-Consolidated, c'est une toute nouvelle façon de gérer la forêt. Ailleurs, la compagnie testera plusieurs types de coupes sélectives. Des arbres matures seront laissés sur pied, de grandeurs et en quantités différentes, selon les endroits. Ensuite, il restera à voir si le caribou appréciera ces espaces et s'adaptera aux changements.

Pour l'instant, le succès du projet repose sur une seule chose: la capture de caribous. Depuis le début de la journée, notre équipe a réussi à en attraper cinq. C'est peu, mais, si l'on considère les conditions extérieures, c'est satisfaisant.

Le lendemain, l'équipe repart traquer. On attrape les bêtes avec des filets, qu'on lance à partir d'hélicoptères. Une aventure plutôt excitante! Il faut agir rapidement, pour ne pas trop stresser l'animal. Après la capture, la pose du collier ne dure jamais plus de trois ou quatre minutes.

Le caribou sera suivi à la trace pendant trois ans, le collier révélant ses moindres déplacements grâce à un système de GPS. Tous les ans, plus de 4000 points de localisation seront relevés pour chaque caribou. Ce sont des chercheurs de l'Université du Québec à Rimouski qui se chargeront d'analyser les données, emmagasinées dans les colliers. Pour récupérer ces données, il sera nécessaire de retrouver chacune des bêtes, une fois par année, pour récupérer le collier et en poser un nouveau.

Les bénéfices de cette étude ne se limitent pas au caribou. En étudiant le comportement des caribous, on pourra établir des conclusions pour d'autres espèces animales.

«Ce qui est intéressant, note Claude Dussault, c'est que les compagnies forestières collaborent grandement à cette étude. Il a fallu, évidemment, qu'elles s'ajustent, mais on a fait un grand bout de chemin. Maintenant, la planification du caribou fait partie de leur stratégie d'aménagement sylvicole.» Et l'expérience du lac Portneuf fait déjà des petits, autant dans le secteur de Péribonka, sur la Côte-Nord, que dans Charlevoix. Ces efforts seront-ils suffisant pour freiner le déclin de cette espèce fragile? C'est ce que Claude Dussault et ses collègues pourront nous dire dans quelques années.

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