Dans
le secteur du lac Portneuf, un seul massif de forêt
est encore épargné par les coupes forestières.
Dans ce massif vivent des caribous forestiers, une espèce
menacée. Pour concilier les besoins économiques
de la compagnie et ceux de survie du caribou, une vaste
étude d'aménagement de la forêt
a été entreprise. Différents types
de coupes sélectives seront pratiquées.
De plus, pour savoir comment les
caribous réagissent à ces nouvelles méthodes,
une équipe de la Société de la
faune et des parcs a décidé de suivre
les déplacements des caribous à l'intérieur
du massif sur une période de 3 ans. Pour ce faire,
l'équipe doit attraper 18 caribous et leur poser
un collier GPS.
Journaliste:
Philippe Mercure
Réalisatrice: Louis Faure
Laurier Breton dirige une opération
de la Société de la faune et des parcs.
Son équipe a 3 jours pour attraper 18 caribous
et leur enfiler un collier. Une tâche qui s'annonce
plutôt difficile, puisque les caribous se font
rares. Son collègue Claude Dussault est biologiste.
Du caribou, il sait qu'il y en a dans la région
du Camp Sablon, au Saguenay, mais, depuis quatre ans,
il a perdu toute trace des animaux.
La
forêt boréale est le domaine du caribou
forestier. Mais il n'est pas le seul à régner
dans le secteur. Une importante compagnie forestière,
l'Abitibi-Consolidated, exploite le même territoire.
Tous deux se disputent la même ressource: l'épinette
noire. Au Saguenay seulement, ce sont 800 km carrés
de forêt qui tombent sous la scie des compagnies
forestières chaque année. À ce
rythme, on craint que les meilleurs habitats du caribou
ne disparaissent d'ici 50 ans. Dans le secteur du lac
Portneuf, toute la forêt des environs a été
abattue. Toute, sauf un petit massif de 350 km carrés.
C'est dans ce massif que Laurier Breton et Claude Dussault
cherchent les caribous.
Première étape de leur
mission: repérer les caribous. Ils ne sont pas
nombreux; le caribou forestier est une espèce
menacée qui vit en faible densité. Sous
le couvert forestier, les animaux sont pratiquement
impossibles à repérer. Ce sont donc sur
les lacs gelés qu'ils trahissent leur présence.
Après en avoir trouvé une piste, il ne
suffit que de remonter jusqu'à l'animal. L'équipe
réussit enfin à retrouver une colonie
d'une trentaine de bêtes. Pour les capturer, il
faut bien se préparer.
Depuis
l'an dernier, la loi oblige les compagnies forestières
à pratiquer des coupes mosaïques, c'est-à-dire
à couper la forêt par petits blocs, en
laissant sur pied autant de forêt qu'on en prélève.
Ce qui semblait une bonne idée au départ
inquiète les biologistes. Ils craignent que cette
nouvelle méthode ne morcelle le territoire et
qu'elle ne rende le caribou vulnérable. Cette
pratique ne plaît pas non plus à la compagnie
Abitibi-Consolidated, qui voit ses coûts d'opération
augmenter.
Les biologistes et les industriels se
sont donc parlés, et ils sont arrivés
à une entente. Le territoire est divisé
en plusieurs zones, et une zone sera préservée
pour le caribou. Pour Serge Gosselin, d'Abitibi-Consolidated,
c'est une toute nouvelle façon de gérer
la forêt. Ailleurs, la compagnie testera plusieurs
types de coupes sélectives. Des arbres matures
seront laissés sur pied, de grandeurs et en quantités
différentes, selon les endroits. Ensuite, il
restera à voir si le caribou appréciera
ces espaces et s'adaptera aux changements.
Pour
l'instant, le succès du projet repose sur une
seule chose: la capture de caribous. Depuis le début
de la journée, notre équipe a réussi
à en attraper cinq. C'est peu, mais, si l'on
considère les conditions extérieures,
c'est satisfaisant.
Le lendemain, l'équipe repart
traquer. On attrape les bêtes avec des filets,
qu'on lance à partir d'hélicoptères.
Une aventure plutôt excitante! Il faut agir rapidement,
pour ne pas trop stresser l'animal. Après la
capture, la pose du collier ne dure jamais plus de trois
ou quatre minutes.
Le
caribou sera suivi à la trace pendant trois ans,
le collier révélant ses moindres déplacements
grâce à un système de GPS. Tous
les ans, plus de 4000 points de localisation seront
relevés pour chaque caribou. Ce sont des chercheurs
de l'Université du Québec à Rimouski
qui se chargeront d'analyser les données, emmagasinées
dans les colliers. Pour récupérer ces
données, il sera nécessaire de retrouver
chacune des bêtes, une fois par année,
pour récupérer le collier et en poser
un nouveau.
Les bénéfices de cette
étude ne se limitent pas au caribou. En étudiant
le comportement des caribous, on pourra établir
des conclusions pour d'autres espèces animales.
«Ce qui est intéressant,
note Claude Dussault, c'est que les compagnies
forestières collaborent grandement à cette
étude. Il a fallu, évidemment, qu'elles
s'ajustent, mais on a fait un grand bout de chemin.
Maintenant, la planification du caribou fait partie
de leur stratégie d'aménagement sylvicole.»
Et l'expérience du lac Portneuf fait déjà
des petits, autant dans le secteur de Péribonka,
sur la Côte-Nord, que dans Charlevoix. Ces efforts
seront-ils suffisant pour freiner le déclin de
cette espèce fragile? C'est ce que Claude Dussault
et ses collègues pourront nous dire dans quelques
années.