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REPORTAGE  —  18 avril 2004

 
Clonage thérapeutique

Mi-février, des chercheurs sud-coréens publient dans la revue Science un article-choc. Ils ont créé des embryons humains par clonage. Une première mondiale. Mais attention! Ces scientifiques n'ont jamais eu l'intention de mettre au monde un bébé clone. Leur but: le clonage thérapeutique. Ils veulent guérir des maladies incurables.

Journaliste: Claude D'Astous
Réalisatrice: Sophie Malavoy

Le principe est simple. On prend un ovule, on retire son noyau et on le remplace par une cellule de l'individu à cloner. Puis, à l'aide de produits chimiques, on déclenche le processus de division de l'ovule. Voilà 2, 4, 8, 16 cellules: on obtient peu à peu un embryon formé d'une centaine de cellules.

Cette méthode fonctionne chez les moutons, les porcs, les vaches, les chevaux, les souris, mais, jusqu'à la publication de cet article, elle ne fonctionnait pas chez l'humain ni chez les primates. À chaque tentative des scientifiques, l'ovule fécondé mourait rapidement, au point où les scientifiques croyaient l'espèce humaine à l'abri du clonage.

La donne vient de changer. Avec 242 ovules provenant de 16 donneuses - c'était la première fois que des chercheurs en possédaient autant - les Sud-Coréens ont pu revoir de A à Z la technique du clonage pour l'adapter à l'humain. Ils ont notamment testé différents milieux de culture et fait varier le temps de délai avant le déclenchement de la division. Ils ont développé une recette qui leur a permis de fabriquer une trentaine de clones humains embryonnaires. Un taux de succès similaire à celui obtenu avec le clonage des bovins. Un véritable exploit!

Et ils ne se sont pas arrêtés là. Ils ont extrait les cellules souches de ces 30 embryons pour essayer de les cultiver en laboratoire. Chez l'un des embryons, ils ont réussi à obtenir la première lignée de cellules souches clonées au monde. Ces scientifiques n'ont jamais eu l'intention de fabriquer un être humain. Ce qui les intéressait, c'était de cultiver les cellules souches de l'embryon cloné, des cellules très recherchées pour leur pouvoir de fabriquer les 220 types de cellules du corps humain.

Il faut savoir qu'en 1999, la revue Science publiait une première percée importante dans ce domaine. Des scientifiques américains avaient réussi à cultiver en laboratoire des cellules souches provenant d'embryons humains. Depuis, on rêvait d'utiliser ces cellules à tout faire pour créer des tissus de rechange afin de guérir le cancer, les lésions à la moelle épinière, la maladie d'Alzheimer, le diabète. Des espoirs pour beaucoup de maladies incurables. Mais voilà, les cellules souches jusqu'ici cultivées n'étaient pas celles du malade. En les lui implantant, son système immunitaire allait les combattre et les rejeter. D'où l'idée de fabriquer un clone, un jumeau embryonnaire du malade, afin d'obtenir des cellules souches qui pourraient guérir des maladies sans provoquer de rejet. C'est le clonage thérapeutique, que les travaux des Sud-Coréens rendent maintenant possible.

Mais il y a des bémols. Selon leurs travaux, pour obtenir un clone embryonnaire humain, le choix de la cellule à introduire dans l'ovule est très limité. Il faut absolument que cette cellule provienne de la donneuse de l'ovule utilisée. Il faut même choisir une cellule issue de la couronne de cet ovule. Tous les autres types de cellules essayées par les Sud-Coréens ont échoué. Donc, selon cette méthode, seules les femmes fécondes pourraient faire appel au clonage thérapeutique. Les hommes en seraient exclus.

Autre bémol, moral celui-là: même si l'équipe sud-coréenne s'oppose au clonage reproducteur - c'est-à-dire à la naissance d'un bébé clone -, elle vient de servir sur un plateau d'argent la recette pour y parvenir. Jusqu'ici, on n'avait pas réussit à obtenir des embryons clonés implantables dans l'utérus. Or, les embryons obtenus par cette équipe le sont. Plusieurs scientifiques prédisent même que nous assisterons à la naissance du premier bébé cloné bien avant que le clonage thérapeutique ne donne ses fruits.

Et puis, il y a l'obstacle des coûts. Cette technologie est très coûteuse, et sans doute seuls les gens fortunés pourront y accéder.

Enfin, il y a la loi. En Corée du Sud, le clonage thérapeutique est permis, mais le clonage reproducteur est interdit. Le Canada est plus sévère. Depuis mars dernier, le clonage humain sous toutes ses formes est hors-la-loi. Les contrevenants pourraient se voir imposer une amende de 0,5 million de dollars et 10 ans de prison. Il est désormais impossible de mener en terre canadienne le genre d'expériences effectuées en Corée du Sud.

La prochaine fois qu'une secte en mal de publicité annoncera avoir cloné un être humain, il se pourrait bien que ce ne soit pas un canular. Désormais, c'est possible. Malheureusement, rien ne dit que l'enfant obtenu sera en santé. Au contraire, les nombreux problèmes que rencontrent les clones animaux laissent présager le pire.


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