Mi-février, des chercheurs
sud-coréens publient dans la revue Science un
article-choc. Ils ont créé des embryons
humains par clonage. Une première mondiale. Mais
attention! Ces scientifiques n'ont jamais eu l'intention
de mettre au monde un bébé clone. Leur
but: le clonage thérapeutique. Ils veulent guérir
des maladies incurables.
Journaliste:
Claude D'Astous
Réalisatrice: Sophie Malavoy
Le principe est simple. On prend un ovule,
on retire son noyau et on le remplace par une cellule
de l'individu à cloner. Puis, à l'aide
de produits chimiques, on déclenche le processus
de division de l'ovule. Voilà 2, 4, 8, 16 cellules:
on obtient peu à peu un embryon formé
d'une centaine de cellules.
Cette méthode fonctionne chez
les moutons, les porcs, les vaches, les chevaux, les
souris, mais, jusqu'à la publication de cet article,
elle ne fonctionnait pas chez l'humain ni chez les primates.
À chaque tentative des scientifiques, l'ovule
fécondé mourait rapidement, au point où
les scientifiques croyaient l'espèce humaine
à l'abri du clonage.
La
donne vient de changer. Avec 242 ovules provenant de
16 donneuses - c'était la première fois
que des chercheurs en possédaient autant - les
Sud-Coréens ont pu revoir de A à Z la
technique du clonage pour l'adapter à l'humain.
Ils ont notamment testé différents milieux
de culture et fait varier le temps de délai avant
le déclenchement de la division. Ils ont développé
une recette qui leur a permis de fabriquer une trentaine
de clones humains embryonnaires. Un taux de succès
similaire à celui obtenu avec le clonage des
bovins. Un véritable exploit!
Et ils ne se sont pas arrêtés
là. Ils ont extrait les cellules souches de ces
30 embryons pour essayer de les cultiver en laboratoire.
Chez l'un des embryons, ils ont réussi à
obtenir la première lignée de cellules
souches clonées au monde. Ces scientifiques n'ont
jamais eu l'intention de fabriquer un être humain.
Ce qui les intéressait, c'était de cultiver
les cellules souches de l'embryon cloné, des
cellules très recherchées pour leur pouvoir
de fabriquer les 220 types de cellules du corps humain.
Il faut savoir qu'en 1999, la revue Science
publiait une première percée importante
dans ce domaine. Des scientifiques américains
avaient réussi à cultiver en laboratoire
des cellules souches provenant d'embryons humains. Depuis,
on rêvait d'utiliser ces cellules à tout
faire pour créer des tissus de rechange afin
de guérir le cancer, les lésions à
la moelle épinière, la maladie d'Alzheimer,
le diabète. Des espoirs pour beaucoup de maladies
incurables. Mais voilà, les cellules souches
jusqu'ici cultivées n'étaient pas celles
du malade. En les lui implantant, son système
immunitaire allait les combattre et les rejeter. D'où
l'idée de fabriquer un clone, un jumeau embryonnaire
du malade, afin d'obtenir des cellules souches qui pourraient
guérir des maladies sans provoquer de rejet.
C'est le clonage thérapeutique, que les travaux
des Sud-Coréens rendent maintenant possible.
Mais
il y a des bémols. Selon leurs travaux, pour
obtenir un clone embryonnaire humain, le choix de la
cellule à introduire dans l'ovule est très
limité. Il faut absolument que cette cellule
provienne de la donneuse de l'ovule utilisée.
Il faut même choisir une cellule issue de la couronne
de cet ovule. Tous les autres types de cellules essayées
par les Sud-Coréens ont échoué.
Donc, selon cette méthode, seules les femmes
fécondes pourraient faire appel au clonage thérapeutique.
Les hommes en seraient exclus.
Autre bémol, moral celui-là:
même si l'équipe sud-coréenne s'oppose
au clonage reproducteur - c'est-à-dire à
la naissance d'un bébé clone -, elle vient
de servir sur un plateau d'argent la recette pour y
parvenir. Jusqu'ici, on n'avait pas réussit à
obtenir des embryons clonés implantables dans
l'utérus. Or, les embryons obtenus par cette
équipe le sont. Plusieurs scientifiques prédisent
même que nous assisterons à la naissance
du premier bébé cloné bien avant
que le clonage thérapeutique ne donne ses fruits.
Et puis, il y a l'obstacle des coûts.
Cette technologie est très coûteuse, et
sans doute seuls les gens fortunés pourront y
accéder.
Enfin,
il y a la loi. En Corée du Sud, le clonage thérapeutique
est permis, mais le clonage reproducteur est interdit.
Le Canada est plus sévère. Depuis mars
dernier, le clonage humain sous toutes ses formes est
hors-la-loi. Les contrevenants pourraient se voir imposer
une amende de 0,5 million de dollars et 10 ans de prison.
Il est désormais impossible de mener en terre
canadienne le genre d'expériences effectuées
en Corée du Sud.
La prochaine fois qu'une secte en mal
de publicité annoncera avoir cloné un
être humain, il se pourrait bien que ce ne soit
pas un canular. Désormais, c'est possible. Malheureusement,
rien ne dit que l'enfant obtenu sera en santé.
Au contraire, les nombreux problèmes que rencontrent
les clones animaux laissent présager le pire.