Vos commentaires
Carnet d'adresses
Actualités scientifiques
Acheter une émission
Retour au menu principale
Émissions de la semaine Encyclopédie de A à Z
REPORTAGE  —  4 avril 2004

 
La crise cardiaque
(premier volet)

Les nouvelles technologies médicales permettent maintenant de sauver les victimes d'infarctus, et même de leur éviter tout dommage permanent au muscle cardiaque. Cependant, il faut d'énormes moyens techniques et humains pour que les traitements soient partout disponibles en moins d'une heure. Le Québec enregistre 15 ans de retard à cet égard, mais il met les bouchées doubles pour s'ajuster. Par contre, tous ces efforts seront vains si le public ne fait pas sa part pour se faire traiter plus rapidement et, surtout, pour corriger les causes fondamentales de la maladie cardiaque.

Journaliste: Gilles Provost
Réalisateur: Pascal Gélinas
Pour en savoir plus:

13 h 45, dans l'arrondissement Petite-Patrie, à Montréal. Richard Clément pellette de la neige et ressent soudainement une douleur à la poitrine, comme si son cœur était dans un étau. Quinze minutes plus tard, sentant qu'il faiblit, il signale le 911. «On vous envoie une ambulance, le rassure la préposée. D'ici là, prenez une position confortable.» Le message est aussitôt transmis à l'ambulance la plus près: «52 ans, douleurs thoraciques, transpiration, changement de couleur...» À 14 h 08, les ambulanciers arrivent au domicile de M. Clément. Ils vérifient son oxygénation sanguine et effectuent un électrocardiogramme. Le diagnostic est clair: une artère du cœur est bouchée. Le muscle cardiaque va mourir, il n'y a pas une minute à perdre! «Avez-vous pris du Viagra ou du Cialis?» demande un des ambulanciers, en faisant référence aux médicaments contre les dysfonctionnements érectiles. M. Clément n'a jamais pris ce genre de médicament. Les ambulanciers lui donnent alors de la nitroglycérine, pour dilater ses artères, ainsi qu'une aspirine, qui pourrait dissoudre le caillot.

L'ambulance prend ensuite la direction de l'Institut de cardiologie, prenant soin de transmettre, par téléphone, l'électrocardiogramme du patient. En empruntant le plus court chemin, l'ambulance arrive à destination à 14 h 47, une heure après son infarctus. «L'électrocardiogramme fait en milieu préhospitalier montre un infarctus. Ce qui vous donne cette douleur, c'est qu'il y a une partie de votre cœur qui manque de sang», explique le docteur Vadeboncoeur. Deux solutions sont possibles: un traitement par médicaments, qui risque de prendre beaucoup de temps, ou une petite opération. L'angioplastie d'urgence est une nouvelle approche. Elle permet d'arrêter la crise cardiaque pendant qu'elle se produit. On insère un cathéter par les veines de la cuisse, et un petit ballonnet ouvre les vaisseaux bloqués. Dans le cas de M. Clément, ce sera l'opération.

Vingt minutes après son arrivée à l'Institut de cardiologie, Richard Clément est transporté en salle d'opération. En urgence, l'angioplastie exige des salles bien équipées, avec des équipes complètes de spécialistes, en tout temps. L'opération se fait sans problème. À 15 h 45, 2 heures après les premiers symptômes, le cœur de M. Clément ne court plus aucun danger. Il ne reste qu'à installer un tuteur dans l'artère, un tube grillagé qui va garder le conduit ouvert. On lui donne même un tube spécial, en acier inoxydable et enduit d'un médicament, qui permettra à l'artère d'avoir quatre fois moins de risque de se reboucher.

Trois jours plus tard, Richard Clément a repris ses activités sans aucune séquelle! En théorie, ce traitement sauve 95 % des patients victimes d'une crise cardiaque.

Malheureusement, cette histoire est une simulation. La réalité est beaucoup moins rose.

Premier correctif:
Richard Clément pourrait subir un autre infarctus, puisqu'on doit restreindre l'usage des tuteurs médicamentés. Ces derniers coûtent trop cher, presque 3000 $ de plus qu'un tuteur ordinaire. «En début d'année, on utilisait les tuteurs médicamentés de façon régulière, témoigne le chef de la cardiologie interventionnelle, Serge Doucet. Puis, le gouvernement et notre administration sont venus nous dire que nous n'avions plus d'argent pour le faire. C'est dommage, parce qu'on aurait pu éviter à un patient de se présenter pour une nouvelle intervention. À chaque intervention, il y a un risque de mortalité et de complication.»

Deuxième correctif:
En quelques minutes, Richard Clément est arrivé dans un hôpital ultra-spécialisé, qui pouvait réaliser des angioplasties. Or, l'an dernier, à peine 2 % des victimes d'infarctus ont eu accès à l'angioplastie pendant leur crise cardiaque. «La majorité de gens ne peuvent pas avoir recours à l'angioplastie parce qu'ils se présentent dans un hôpital qui n'est pas équipé pour cela», regrette le docteur Doucet. Un centre où l'on pourrait exécuter des angioplasties demande une disponibilité de 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Le gouvernement québécois a promis d'en établir plusieurs, dans les principales régions, mais rien n'a été entrepris en ce sens jusqu'à présent. Pour l'instant, les victimes de crise cardiaque sont traitées dans des hôpitaux conventionnels, où l'on procède à une thrombolyse, un cocktail de médicaments qui dissout le caillot. Le traitement est efficace, mais sa lenteur fait tomber son taux de succès.

Troisième correctif:
Richard Clément a reçu de l'aspirine et de la nitroglycérine, pour combattre son infarctus, mais il aurait pu bénéficier d'un meilleur traitement. De plus en plus, au Canada, les ambulanciers administrent une thrombolyse dans l'ambulance. Ainsi, le caillot se dissout souvent avant même d'arriver à l'hôpital. «Des études ont démontré que de faire une thrombolyse précoce diminuait davantage le risque de mortalité qu'une angioplastie, tout simplement parce que les patients sont traités plus rapidement. Par contre, si la thrombolyse n'est pas suivie d'une angioplastie, qui va corriger la lésion, il y a un haut risque de récidive», précise le docteur Théroux.

Une thrombolyse précoce, suivie d'une angioplastie dans les 24 heures, voilà un traitement efficace, applicable partout, même en région éloignée. Or, au Québec, les ambulanciers n'ont pas la compétence pour procéder à une thrombolyse. Alors que pour procéder à une thrombolyse il faut un minimum de trois ans d'études collégiales, les ambulanciers québécois n'ont souvent reçu qu'une formation de six mois!

Quatrième correctif:
Pour ce qui est de la transmission de l'électrocardiogramme, comme dans le cas de M. Clément, cette technique ne sera pas fonctionnelle avant l'année prochaine, et ce dans l'est de Montréal seulement. D'ici là, le patient victime d'une crise cardiaque est dirigé vers l'hôpital le plus proche, où le médecin peut prononcer ce diagnostic. Si l'hôpital n'est pas équipé pour procéder à une angioplastie, le patient est transféré, par ambulance, vers un centre hospitalier qui peut le faire. Une perte de temps que dénonce Urgence Santé: «Cela cause des délais de une à trois heures, alors qu'on sait qu'il faut traiter un infarctus à l'intérieur de trois heures pour ne pas qu'il y ait des lésions permanentes», note Marcel Boucher, directeur médical à Urgence Santé.

Ce mois-ci, à Montréal, 18 ambulanciers auront terminé leur formation pour offrir des soins avancés. Dans trois ans, ils devraient être plus d'une centaine.

Deuxième volet du reportage >>

 


Nos émissionsNotre équipe
Radio-Canada.ca ©