La crise cardiaque
(premier volet)
Les nouvelles technologies médicales
permettent maintenant de sauver les victimes d'infarctus,
et même de leur éviter tout dommage permanent
au muscle cardiaque. Cependant, il faut d'énormes
moyens techniques et humains pour que les traitements
soient partout disponibles en moins d'une heure. Le
Québec enregistre 15 ans de retard à cet
égard, mais il met les bouchées doubles
pour s'ajuster. Par contre, tous ces efforts seront
vains si le public ne fait pas sa part pour se faire
traiter plus rapidement et, surtout, pour corriger les
causes fondamentales de la maladie cardiaque.
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Journaliste:
Gilles Provost
Réalisateur: Pascal Gélinas |
Pour
en savoir plus:
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13 h 45, dans l'arrondissement
Petite-Patrie, à Montréal. Richard Clément
pellette de la neige et ressent soudainement une douleur
à la poitrine, comme si son cur était
dans un étau. Quinze minutes plus tard, sentant
qu'il faiblit, il signale le 911. «On vous
envoie une ambulance, le rassure la préposée.
D'ici là, prenez une position confortable.»
Le message est aussitôt transmis à l'ambulance
la plus près: «52 ans, douleurs thoraciques,
transpiration, changement de couleur...» À
14 h 08, les ambulanciers arrivent au domicile
de M. Clément. Ils vérifient son oxygénation
sanguine et effectuent un électrocardiogramme.
Le diagnostic est clair: une artère du cur
est bouchée. Le muscle cardiaque va mourir, il
n'y a pas une minute à perdre! «Avez-vous
pris du Viagra ou du Cialis?» demande un des
ambulanciers, en faisant référence aux
médicaments contre les dysfonctionnements érectiles.
M. Clément n'a jamais pris ce genre de médicament.
Les ambulanciers lui donnent alors de la nitroglycérine,
pour dilater ses artères, ainsi qu'une aspirine,
qui pourrait dissoudre le caillot.
L'ambulance prend ensuite la direction
de l'Institut de cardiologie, prenant soin de transmettre,
par téléphone, l'électrocardiogramme
du patient. En empruntant le plus court chemin, l'ambulance
arrive à destination à 14 h 47,
une heure après son infarctus. «L'électrocardiogramme
fait en milieu préhospitalier montre un infarctus.
Ce qui vous donne cette douleur, c'est qu'il y a une
partie de votre cur qui manque de sang»,
explique le docteur Vadeboncoeur. Deux solutions sont
possibles: un traitement par médicaments, qui
risque de prendre beaucoup de temps, ou une petite opération.
L'angioplastie d'urgence est une nouvelle approche.
Elle permet d'arrêter la crise cardiaque pendant
qu'elle se produit. On insère un cathéter
par les veines de la cuisse, et un petit ballonnet ouvre
les vaisseaux bloqués. Dans le cas de M. Clément,
ce sera l'opération.
Vingt minutes après son arrivée
à l'Institut de cardiologie, Richard Clément
est transporté en salle d'opération. En
urgence, l'angioplastie exige des salles bien équipées,
avec des équipes complètes de spécialistes,
en tout temps. L'opération se fait sans problème.
À 15 h 45, 2 heures après les
premiers symptômes, le cur de M. Clément
ne court plus aucun danger. Il ne reste qu'à
installer un tuteur dans l'artère, un tube grillagé
qui va garder le conduit ouvert. On lui donne même
un tube spécial, en acier inoxydable et enduit
d'un médicament, qui permettra à l'artère
d'avoir quatre fois moins de risque de se reboucher.
Trois jours plus tard, Richard Clément
a repris ses activités sans aucune séquelle!
En théorie, ce traitement sauve 95 % des
patients victimes d'une crise cardiaque.
Malheureusement, cette histoire est une
simulation. La réalité est beaucoup moins
rose.
Premier correctif:
Richard
Clément pourrait subir un autre infarctus, puisqu'on
doit restreindre l'usage des tuteurs médicamentés.
Ces derniers coûtent trop cher, presque 3000 $
de plus qu'un tuteur ordinaire. «En début
d'année, on utilisait les tuteurs médicamentés
de façon régulière, témoigne
le chef de la cardiologie interventionnelle, Serge Doucet.
Puis, le gouvernement et notre administration sont
venus nous dire que nous n'avions plus d'argent pour
le faire. C'est dommage, parce qu'on aurait pu éviter
à un patient de se présenter pour une
nouvelle intervention. À chaque intervention,
il y a un risque de mortalité et de complication.»
Deuxième
correctif:
En quelques minutes, Richard Clément est arrivé
dans un hôpital ultra-spécialisé,
qui pouvait réaliser des angioplasties. Or, l'an
dernier, à peine 2 % des victimes d'infarctus
ont eu accès à l'angioplastie pendant
leur crise cardiaque. «La majorité de
gens ne peuvent pas avoir recours à l'angioplastie
parce qu'ils se présentent dans un hôpital
qui n'est pas équipé pour cela»,
regrette le docteur Doucet. Un centre où l'on
pourrait exécuter des angioplasties demande une
disponibilité de 24 heures sur 24, 7 jours sur
7. Le gouvernement québécois a promis
d'en établir plusieurs, dans les principales
régions, mais rien n'a été entrepris
en ce sens jusqu'à présent. Pour l'instant,
les victimes de crise cardiaque sont traitées
dans des hôpitaux conventionnels, où l'on
procède à une thrombolyse, un cocktail
de médicaments qui dissout le caillot. Le traitement
est efficace, mais sa lenteur fait tomber son taux de
succès.
Troisième
correctif:
Richard
Clément a reçu de l'aspirine et de la
nitroglycérine, pour combattre son infarctus,
mais il aurait pu bénéficier d'un meilleur
traitement. De plus en plus, au Canada, les ambulanciers
administrent une thrombolyse dans l'ambulance. Ainsi,
le caillot se dissout souvent avant même d'arriver
à l'hôpital. «Des études
ont démontré que de faire une thrombolyse
précoce diminuait davantage le risque de mortalité
qu'une angioplastie, tout simplement parce que les patients
sont traités plus rapidement. Par contre, si
la thrombolyse n'est pas suivie d'une angioplastie,
qui va corriger la lésion, il y a un haut risque
de récidive», précise le docteur
Théroux.
Une thrombolyse précoce, suivie
d'une angioplastie dans les 24 heures, voilà
un traitement efficace, applicable partout, même
en région éloignée. Or, au Québec,
les ambulanciers n'ont pas la compétence pour
procéder à une thrombolyse. Alors que
pour procéder à une thrombolyse il faut
un minimum de trois ans d'études collégiales,
les ambulanciers québécois n'ont souvent
reçu qu'une formation de six mois!
Quatrième
correctif:
Pour ce qui est de la transmission de l'électrocardiogramme,
comme dans le cas de M. Clément, cette technique
ne sera pas fonctionnelle avant l'année prochaine,
et ce dans l'est de Montréal seulement. D'ici
là, le patient victime d'une crise cardiaque
est dirigé vers l'hôpital le plus proche,
où le médecin peut prononcer ce diagnostic.
Si l'hôpital n'est pas équipé pour
procéder à une angioplastie, le patient
est transféré, par ambulance, vers un
centre hospitalier qui peut le faire. Une perte de temps
que dénonce Urgence Santé: «Cela
cause des délais de une à trois heures,
alors qu'on sait qu'il faut traiter un infarctus à
l'intérieur de trois heures pour ne pas qu'il
y ait des lésions permanentes», note
Marcel Boucher, directeur médical à Urgence
Santé.
Ce mois-ci, à Montréal,
18 ambulanciers auront terminé leur formation
pour offrir des soins avancés. Dans trois ans,
ils devraient être plus d'une centaine.
Deuxième
volet du reportage >>
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