Vos commentaires
Carnet d'adresses
Actualités scientifiques
Acheter une émission
Retour au menu principale
Émissions de la semaine Encyclopédie de A à Z
REPORTAGE  —  28 mars 2004

 
Les stéroïdes sur mesure

Le 16 octobre dernier, l'agence antidopage américaine annonçait la découverte de la tetrahydrogestrinone, ou THG, un stéroïde synthétique jusqu'ici inconnu. Depuis, plusieurs athlètes de renom ont admis avoir pris de la THG, un stéroïde fait sur mesure. Un des pires cauchemars des milieux antidopage.

Journaliste: Jean-Pierre Rogel
Réalisatrice: Marièle Choquette
En raison des droits d'auteur, ce reportage ne sera pas disponible sur Internet.

Dwain Chambers, champion d'Europe du 100 mètres, a avoué qu'il avait pris un nouveau stéroïde, indétectable. Regina Jacobs, coureuse de demi-fond, 15 fois championne des États-Unis, a elle aussi admis en avoir pris. Mais il n'y a pas que l'athlétisme. Au football, on pointe du doigt quelques gros calibres comme Bill Romanowski et Chris Cooper des Raiders d'Oakland. Au baseball, c'est Barry Bonds, la star des Giants de San Francisco qui se retrouve sur la sellette.

Tout commence en juin dernier. Sous le couvert de l'anonymat, un entraîneur sportif contacte l'agence antidopage américaine, dénonçant des athlètes qui se dopent avec un produit nouveau. Expédié au laboratoire antidopage de l'Université de Californie à Los Angeles, le paquet a alors fait l'objet d'une enquête scientifique sans précédent. À la première analyse au spectromètre de masse, les chercheurs n'arrivent pas à identifier ce stéroïde. C'est le Dr Catlin, directeur du laboratoire, qui réussira à l'identifier.

Le produit est un dérivé d'une molécule qui, elle, est bien connue pour ses propriétés pharmacologiques. Cette molécule, la gestrinone, est un médicament qu'on utilise en gynécologie. Mais on n'a jamais vu ce dérivé auparavant. D'après sa structure, le Dr Catlin le nomme tetrahydrogestrinone ou THG.

Après avoir identifié ce nouveau dérivé, l'équipe de scientifiques a trouvé le moyen de le dépister dans un test d'urine. La THG fait maintenant partie de la longue liste des stéroïdes interdits par le Comité international olympique.

Ceci aurait pu être la fin de l'histoire, mais ce n'est que le début. Car, pour la première fois, on a vu apparaître un stéroïde «fait sur mesure».

Aux États-Unis, la menace a été prise très au sérieux. En octobre, une enquête fédérale a été lancée. Les autorités ont perquisitionné dans les locaux des laboratoires Balco, à San Francisco. Leur propriétaire, Victor Conte, un nutritionniste autodidacte, avait mis au point des suppléments vitaminiques qui se vendaient comme des petits pains chauds dans les milieux du sport de haut niveau.

Le 12 février dernier, le procureur général des États-Unis a déposé une poursuite contre quatre hommes, dont Victor Conte, sur 42 chefs d'accusation. Selon l'inculpation, les laboratoires Balco auraient notamment distribué de manière clandestine de produits faits à partir de tetrahydrogestrinone.

Qui a fabriqué la THG et comment? Pour l'instant, l'enquête ne le dit pas, mais il s'agit certainement d'un chimiste qualifié, disposant d'un laboratoire bien équipé. À l'aide de plusieurs réactions chimiques, ce chimiste aurait réussi à modifier la gestrinone, pour la rendre indécelable, tout en gardant ses propriétés anabolisantes. Le problème, c'est que la même méthode utilisée par le chimiste pourrait être appliquée à 13 autres molécules du même type. Et c'est déjà arrivé! En 2002, une molécule interdite, la norboléthone, a été modifiée en 7-dehydro-genabol.

Tetrahydrogestrinone, norboléthone, en voilà deux d'identifiées. Mais cela signifie qu'il en existe 11 autres possibles. Sont-elles en préparation quelque part? Certaines informations laissent penser que les laboratoires Balco avaient en réserve un autre stéroïde sur mesure, au moment où ils ont été stoppés dans leur élan.

Décidément, ceux qui luttent contre le dopage courent toujours loin, très loin derrière les tricheurs! En fait, leurs tests ont un défaut fondamental: ils ne dépistent que des molécules explicitement bannies, dont le profil est connu en chromatographie. Comme certaines molécules n'ont jamais été synthétisées, ils ne peuvent pas les dépister dans leurs appareils. Tant qu'ils n'ont pas un profil de référence, ils ne sont sûrs de rien.

Dans le milieu de la lutte au dopage, on n'admet pas facilement cette faille béante dans les tests de dépistage. Avec une absence de contrôles, une disponibilité maximale, facilitée, entre autres, par Internet, il n'est pas étonnant que des entrepreneurs comme Victor Conte apparaissent. Plusieurs athlètes de haut niveau sont d'ailleurs prêts à payer très cher pour une molécule nouvelle, mais surtout indétectable, ne serait-ce que pendant quelques mois, le temps d'une médaille.

Pour en savoir plus :

 


Nos émissionsNotre équipe
Radio-Canada.ca ©