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REPORTAGE  —  14 mars 2004

 
La réfrigération écologique du centre-ville de Toronto

La Ville de Toronto a entrepris de capter l'eau profonde - et très froide - du lac Ontario pour climatiser à bas prix une centaine d'immeubles du centre-ville et obtenir en même temps une eau potable de meilleure qualité. C'est le plus gros projet du genre au monde. Il économisera 30 millions de kWh par année et réduira de 40 000 tonnes la production annuelle de gaz à effet de serre en Ontario.

Journaliste: Gilles Provost
Réalisateur: Pascal Gélinas

Toronto est une métropole qui a les pieds dans l'eau, dans l'eau du lac Ontario. En été, cette station balnéaire est un paradis pour la navigation de plaisance. Au bord de l'eau, en pleine canicule, quoi de mieux pour se rafraîchir?

Mais la Ville Reine est aussi une agglomération d'immenses gratte-ciel. Leur climatisation consomme énormément d'énergie, particulièrement pendant les vagues de chaleur. Lorsque le réseau électrique de l'Ontario a cédé, pendant plus d'une semaine l'été dernier, les gratte-ciel sont devenus de véritables fours. Tout cela pourrait changer dès l'été prochain.

Trois gros tuyaux flexibles ont été soudés bout à bout. On a ensuite lesté ces conduites de plastique avec de gros collets en béton armé. Puis, en août dernier, on les a remorqués vers le large. On les a tendus jusqu'à cinq kilomètres du rivage, où on les a laissés couler jusqu'au fond, à 85 mètres sous la surface. À cette profondeur, l'eau du lac est toujours froide, été comme hiver. Les tuyaux vont capter, chaque jour, 380 000 mètres cubes de cette eau glacée afin de climatiser jusqu'à une centaine d'immeubles de bureaux du centre-ville.

C'est le plus gros projet du genre au monde! Un investissement de 175 millions de dollars de la compagnie Enwave, la même qui fournit déjà le chauffage collectif à 130 édifices du centre-ville pendant l'hiver. Dorénavant, elle assurera aussi la climatisation collective.

Mais quel sera l'impact de ce projet sur le lac? Si on lui retire une telle quantité d'eau froide, qui va lui revenir plus chaude, est-ce qu'on ne risque pas de changer sa température au fil des ans? Chris Asimakis, vice-président de Enwave, se montre rassurant: «Nos études ont démontré qu'on pourrait faire 1000 projets semblables sans même modifier la température de l'eau. L'eau retrouve chaque année la même température, comme elle le fait depuis des siècles.»

Et il n'a pas tort. Tous les lacs profonds sont de véritables machines à stocker le froid pendant l'hiver parce que l'eau change de volume en fonction de la température. À quatre degrés Celsius, l'eau devient plus compacte, plus lourde, et elle s'accumule alors au fond du lac. À la fin de l'été, l'eau de la surface se refroidit et, en se contractant à son tour, elle coule vers les profondeurs. Cette plongée d'eau froide se poursuit pendant l'automne, jusqu'à ce que toute l'eau du lac soit à quatre degrés, sa densité maximale. Puis, avec l'hiver, l'eau continue de se refroidir. Elle devient alors un peu plus légère et flotte à la surface, provoquant son gel. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les poissons peuvent survivre pendant l'hiver: l'eau la plus froide est juste sous la glace, alors que le fond demeure toujours à quatre degrés. Lorsque le temps chaud revient, la surface se réchauffe, mais l'eau du fond reste toujours à quatre degrés. L'eau chaude flotte, et le fond reste froid.

Il y a aussi un autre bénéfice. Comme l'eau froide du fond ne se mélange à peu près pas avec l'eau polluée des rives à la surface, elle demeure propre. Cette source d'eau potable est excellente. Les services des aqueducs de Toronto ont même décidé de devenir partenaires du projet de Enwave. Ainsi, les trois grands tuyaux dirigeront d'abord leur eau froide vers l'usine d'eau potable de Toronto. L'eau y sera filtrée, désinfectée et injectée dans l'aqueduc municipal. Mais avant d'arriver aux consommateurs, l'eau va passer par des «échangeurs de chaleur», qui vont transférer le froid chez Enwave, et l'eau potable dans l'aqueduc!

En juillet 2003, l'édifice University était la première tour de bureaux à se rattacher à la climatisation d'Enwave. «Nous épargnons presque 1 million de dollars en ne remplaçant pas nos vieux climatiseurs. Et en septembre, notre facture d'électricité a diminué de moitié par rapport au mois de septembre précédent», atteste Andrew McAllan, d'Oxford Properties Group, gestionnaire de l'édifice.

L'ensemble du projet fera économiser 30 millions de kWh par année, surtout lors de la pointe de consommation en été. Comme cette énergie est habituellement fournie par des centrales au charbon, on réduira la pollution de l'air et on éliminera, chaque année, 40 000 tonnes de gaz à effet de serre.

L'énergie de refroidissement est renouvelable et gratuite, mais l'investissement demandé pour monter cette infrastructure est énorme. Et tout cela prend du temps! Il est clair qu'on ne pourrait jamais climatiser 100 édifices du jour au lendemain!

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