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REPORTAGE  —  14 mars 2004

 
Richard Béliveau: le samouraï du cancer

Professeur de biochimie à l'Université du Québec à Montréal et directeur du laboratoire d'oncologie moléculaire de l'hôpital Sainte-Justine, Richard Béliveau a, à son actif, de belles réussites en recherche. Étoile montante et modèle pour ses jeunes collègues, il s'est récemment illustré en trouvant une manière élégante de faire franchir aux médicaments la barrière hémato-encéphalique.

Journaliste: Jean-Pierre Rogel
Réalisateur: Yves Lévesque

«C'est un combat personnel, la lutte au cancer. Notre objectif est d'amener les observations que nous faisons avec les modèles animaux aux modèles cellulaires, en clinique», décrit Richard Béliveau, directeur du laboratoire de biologie moléculaire du centre de cancérologie Charles-Bruneau, à l'hôpital Sainte-Justine. Ce chercheur, qui se bat contre le cancer, est aussi imprégné de culture japonaise. «Les samouraïs sont toujours à proximité de la mort. Un chercheur en oncologie vit aussi avec l'idée de la mort sur une base quotidienne. Si je réussis, le patient survit. Si je ne réussis pas, le patient meurt.»

Un samouraï contre le cancer, un combat où la mort est toujours présente. Ses valeurs en recherche sont les mêmes que le Bushido, la voie du guerrier: compétence technique, dévotion à une cause, persévérance et tolérance. «Les bons chercheurs ne sont pas juste des gens imaginatifs et créateurs, ce sont des gens qui sont capables de se relever lorsqu'ils tombent par terre, qui sont capables d'encaisser l'échec. On doit, comme chercheur, rejeter les hypothèses qu'on a créées du revers de la main sans aucune amertume», une philosophie qu'il considère comme très proche des arts martiaux.

En cancérologie, par exemple, un des objectifs est d'amener les médicaments directement aux tumeurs. Lors des dernières années, bien des chercheurs ont tenté d'y parvenir, mais en vain. Richard Béliveau a aussi suivi plusieurs fausses pistes, mais pour lui, ce n'était pas des échecs. Tout au plus un manque de concentration.

«La vraie percée en recherche, c'est lorsqu'on prend des éléments disparates, qu'on les met ensemble et qu'à ce moment, apparaît l'hypothèse unificatrice. On retrouve cette philosophie aussi dans les arts martiaux. J'avais un maître de Kendo qui me disait toujours: "Lorsque tu veux donner le bon de coup de sabre, il ne faut pas que tu penses au coup de sabre, il faut que tu sois le coup de sabre."» Un jour, Richard Béliveau est devenu le coup de sabre. Conjonction parfaite de l'intention et du mouvement. Il est tombé sur la bonne molécule, celle qui permet d'approcher les tumeurs cancéreuses du cerveau.

En laboratoire, on cherche des moyens d'atteindre les tumeurs du cerveau. Le défi est grand, puisque le cerveau possède son propre système de défense: la barrière hémato-encéphalique. Très peu de substances naturelles peuvent la franchir et se rendre à l'intérieur du cerveau. La seule solution était de trouver un cheval de Troie, une molécule pouvant en cacher une autre pour permettre aux médicaments de franchir la barrière. C'est ce que Richard Béliveau a trouvé. Son coup de sabre, c'est la découverte de la mélanotransferrine.

Le succès vient aussi d'une équipe, qu'on sent très soudée autour de son leader. Tout récemment, l'équipe du professeur Béliveau a trouvé une autre molécule du même genre, apparemment 10 fois plus efficace encore que la mélanotransferrine. Mais attention: tout ceci n'est qu'à l'étape du laboratoire. On n'a réussi à démontrer l'efficacité de ces molécules que sur des animaux de recherche. On est encore loin d'un traitement pour les malades.

Même chose pour un autre volet de la recherche. L'équipe de Richard Béliveau a identifié plusieurs molécules naturelles, présentes notamment dans le thé vert. Elles auraient des vertus thérapeutiques contre le cancer. En prévention, et peut-être en traitement. Biologiquement, c'est peut-être ces molécules qui jouent le rôle naturel des agents anticancéreux dans l'alimentation.

Tout cela est prometteur, mais la recherche est un long chemin pour le samouraï. «C'est vraiment de la rage que cela prend, une rage rationnelle, une rage éduquée, une rage ciblée, mais il faut se fâcher dans la vie pour que les choses bougent.»

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