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REPORTAGE  —  15 février 2004

 
Bébés et musique

Les comptines font partie de l'univers musical des bébés. Récemment, des chercheurs de l'Université McGill ont découvert que les bébés âgés d'à peine 8 mois peuvent percevoir une musique aussi complexe que le Tombeau de Couperin, de Maurice Ravel!

Cette découverte sur la perception musicale fine des bébés s'ajoute à une autre découverte sur leur capacité de décoder le langage. Il semble que l'apprentissage d'une langue, chez un bébé de 8 mois, passerait d'abord par la musicalité de cette langue.

Journaliste : Michel Rochon
Réalisateur : Yves Lévesque

La jeune Laurianne et sa mère, Martine Gagnon, n'échappent pas au phénomène Annie Brocoli. Cette auteure-compositrice-interprète captive et fascine les enfants. À 8 mois, Laurianne est déjà fascinée par sa musique accrocheuse, qui utilise des rimes et exploite la musicalité du langage, même si cette musique est relativement plus complexe que celle des comptines destinées aux bébés. Mais si un bébé de 8 mois peut apprécier la musique d'Annie Brocoli, peut-il percevoir une musique beaucoup plus complexe?

Linda Polka, psychologue à l'Université McGill, a voulu savoir si un bébé de 8 mois peut reconnaître cette musique de Ravel. Pour ce faire, elle a recruté 140 bébés, dont la petite Marion. La mère de Marion, Nathalie Towaricka, lui a fait écouter l'extrait du Tombeau de Couperin pendant 10 jours. Au gré des activités quotidiennes, Marion s'est familiarisée avec cette musique complexe. Puis, plus de Ravel pendant deux semaines. Est-ce que Marion allait se souvenir de la pièce?

Pour le savoir, Marion a participé à une expérience astucieuse. Pour attirer son attention sur la musique, on a utilisé un jeu de lumière. Derrière cette lumière, on lui fait entendre une musique. On l'éteint et on mesure son temps d'écoute. Lorsque la pièce de Ravel est jouée, Marion - comme tous les bébés qui ont participé à l'étude - écoute beaucoup plus longtemps. En fait, tous les bébés ont passé 20 % plus de temps sur le morceau de Ravel que sur des pièces qu'ils n'avaient jamais entendues. « Les bébés ont clairement démontré une préférence, prétend Linda Polka. Presque tous les bébés exposés ont eu une préférence pour la musique qu'ils avaient entendue à la maison. »

Mais ces bébés perçoivent-ils toutes les nuances mélodiques, harmoniques et rythmiques de la même façon qu'un adulte? Difficile à dire, mais une chose semble certaine : la mémoire qu'ils en ont est très spécifique. « Présentez à un bébé une pièce qu'il est en mesure de se rappeler après deux semaines. Si vous jouez cette même pièce, mais que vous changez le tempo ou que vous changez d'instrument, la mémoire de l'enfant sera perturbée. La mémoire semble très spécifique et est facilement perturbée si on modifie un contexte », précise la psychologue.

Au même âge, c'est-à-dire 8 mois, les bébés commencent à percevoir le langage. La professeure Polka a donc voulu savoir quel lien il pourrait bien y avoir entre le langage et la musique chez ces bébés. En laboratoire, elle a utilisé la même astuce que pour la musique de Ravel, mais cette fois-ci avec des phrases. Résultat : à cet âge, les bébés décodent d'abord la musicalité d'une langue, son rythme. « Nos travaux sur le langage suggèrent qu'un mot est d'abord et avant tout une structure rythmique pour le bébé. Éventuellement, le mot prendra d'autres niveaux de structure, pour finalement devenir significatif. Mais initialement, lorsque les bébés écoutent un mot, ce dernier n'est qu'une structure rythmique. »

En Anglais, plusieurs mots clés ont des variations dans l'intonation des syllabes qui donnent un rythme particulier à la langue. Par exemple, on dit en anglais : « Peter visits the kitchen », en mettant un accent sur la première syllabe des mots principaux. En français, la rythmique est différente. On dira : « Pierre visite la cuisine. » En français, chaque syllabe est prononcée avec la même intonation, sauf pour la dernière syllabe de la phrase. Il y a donc un lien entre l'apprentissage du langage et de la musique. Le rythme en est la clé. Selon Linda Polka, c'est d'ailleurs ce qui fait le succès de la musique d'Annie Brocoli, qui offre un large éventail en ce qui a trait au vocabulaire.

Exposer les tout-petits à autre chose que des comptines pourrait donc contribuer au développement du langage et de la musicalité. « Le rôle de la musique dans les étapes initiales du développement varie énormément d'une culture à une autre. Pour moi, une des plus importantes implications de notre recherche est qu'il n'y a pas de bonnes raisons de restreindre un enfant en bas âge à des différences culturelles ou à des goûts individuels. Si c'est quelque chose que les parents aiment, ils devraient le partager avec leur enfant », conclut la psychologue.

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