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REPORTAGE  —  25 janvier 2004

 
Le point sur le saumon d'élevage

Selon une nouvelle étude parue dans le magazine Science du 9 janvier dernier, les niveaux de polluants sont 10 fois plus élevés chez les saumons d'élevage que chez les saumons sauvages. Les chercheurs qui ont mené l'étude conseillent même aux consommateurs de ne pas manger de saumons d'élevage plus d'une fois par mois pour la majorité des gens, et pas du tout dans le cas des femmes enceintes et des enfants. Bien sûr, l'industrie de l'aquaculture ne partage pas ce point de vue. Faut-il réellement s'alarmer?

Journaliste: Mario Masson
Réalisatrice: Jeannita Richard
En raison des droits d'auteur, ce reportage ne sera pas disponible sur Internet.

 

Le saumon d'élevage canadien est un mets très prisé. Sa chair ferme, son goût à la fois délicat et robuste en font un aliment de choix, une source de santé. Mais des doutes commencent à planer.

Tout a commencé lorsque le laboratoire Axis, à Vancouver, a commencé à recevoir des colis contenant des saumons d'élevage. Achetés dans les supermarchés de 16 grandes villes, ces saumons provenaient de huit pays d'Europe, d'Amérique du Nord et d'Amérique du Sud. La chimiste Coreen Hamilton et ses collègues ont étudié les poissons et ont publié leurs résultats. Cela a eu l'effet d'une bombe. «La grande conclusion de cette étude, c'est que les gens devraient être prudents en ce qui concerne la quantité de saumons d'élevage qu'ils consomment», avertit la scientifique. L'équipe a identifié différents polluants dans les saumons d'élevage, comme des dioxines, des pesticides, et plus particulièrement des BPCs et des organochlorés, qu'on pense être responsables de certains cancers et des retards de développement chez l'être humain.

L'équipe de Coreen Hamilton a aussi comparé les saumons d'élevage aux saumons sauvages. Les résultats ont démontré que le niveau moyen de BPCs dans les saumons d'élevage est, de façon constante et significative, beaucoup plus élevé que dans les saumons sauvages. En outre, ce niveau varie selon la région. Il est beaucoup plus élevé en Europe du Nord qu'il ne l'est au Canada, aux États-Unis ou au Chili. Mais les saumons d'élevage canadiens ne sont pas au-dessus de tout soupçon pour autant. «Les consommateurs canadiens seraient exposés à un niveau de polluants 10 fois plus élevé chez les saumons d'élevage que chez les saumons sauvages», avance Mme Hamilton.

D'après les recherches, cette pollution semble provenir de la nourriture donnée en quantité industrielle aux saumons d'élevage. Les saumons sont des carnivores voraces qu'il faut gaver en vitesse pour les mettre sur le marché le plus rapidement possible. Pour cela, on leur donne des boulettes riches en protéines et en huile de poissons. Il faut en moyenne 3 kg de cette nourriture pour produire 1 kg de saumon. La relation de cause à effet entre la nourriture donnée aux saumons d'élevage et les forts niveaux de polluants qu'ils contiennent est incontournable, selon le chercheur principal de l'étude, David Carpenter. «La pollution provient essentiellement de la nourriture donnée aux saumons d'élevage. Nous avons analysé des échantillons de cette nourriture provenant de partout dans le monde. Les saumons sont gavés de poissons sans valeur commerciale, moulus et transformés en farine et en huile de poisson. L'analyse de cette nourriture a démontré qu'il y avait pollution dans chaque cas, et que très souvent, la quantité de polluants dans la nourriture correspondait à la quantité de polluants dans les saumons.»

L'industrie de l'aquaculture conteste avec véhémence les conclusions de cette recherche. «Notre intérêt premier, c'est le consommateur. Nous n'aimons pas qu'il y ait des polluants dans notre environnement, et nous n'aimons pas qu'il y en ait dans notre nourriture. Nous faisons tout pour en réduire la quantité», avance David Rideout, de l'Alliance canadienne de l'industrie de l'aquaculture. Selon l'organisation, le niveau trouvé dans les saumons d'élevage est nettement inférieur à ce qui est considéré comme dangereux par les instances gouvernementales. «Nous avons demandé à Santé Canada et à la Food and Drug Administration des États-Unis s'il y avait un problème. Leur réponse: "Il n'y en a pas, de problème."»

Si on se fie à l'industrie de l'aquaculture, comme le saumon est bon pour la santé en raison de la présence des acides gras oméga 3, les Canadiens, qui en consomment des millions de tonnes par année, ne devraient pas arrêter d'en manger. L'équipe de Coreen Hamilton n'est pas du même avis. Elle estime que les critères de santé tels que déterminés par Santé Canada et le FDA américain ne sont pas assez sévères. Par conséquent, l'équipe recommande aux femmes enceintes et aux jeunes enfants d'éviter complètement le saumon d'élevage. Pour les autres adultes, elle conseille de réduire leur consommation à une fois par mois. Elle suggère aussi à la population de trouver d'autres sources riches en oméga 3, comme l'huile de lin. Enfin, selon les chercheurs, tous les saumons devraient être étiquetés de manière à ce que les consommateurs en connaissent la provenance.

Et ce n'est pas tout... «L'aquaculture doit trouver une nourriture pour ses poissons d'élevage libre de polluants, ou à tout le moins avec des niveaux moins élevés. On peut y parvenir en remplaçant les huiles et les farines de poissons par des huiles et des protéines végétales ou en utilisant des farines de poissons provenant d'océans moins pollués, ou encore en trouvant une astuce pour retirer les polluants des farines de poissons», ajoute David Carpenter.

Les chercheurs de Pêches et Océans Canada, à Saint-Andrew, au Nouveau-Brunswick, ont justement commencé à travailler sur des nourritures pour saumons plus saines, et surtout moins polluées. Ils ne sont pas les seuls. Mais en attendant que l'industrie de l'aquaculture corrige le tir et applique ces nouvelles recherches, il est conseillé de modifier la façon de faire cuire le saumon. «Nous conseillons aux gens d'enlever la peau et la partie foncée des saumons, là où se concentre le gras, avant la cuisson. En plus, les gens devraient cuire le saumon de façon à que le gras qui sort de la chair puisse s'égoutter, parce c'est justement ce gras qui contient les polluants», précise David Carpenter.

Le problème, c'est que le gras de saumon, s'il contient les polluants, contient aussi une bonne quantité d'oméga 3. Alors que faire? Manger ou ne pas manger de saumons d'élevage? Et en quelle quantité? Pour dissiper tous les doutes, d'autres études seront nécessaires.

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