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REPORTAGE  —  18 janvier 2004
 
La schizophrénie

Depuis deux ans, plusieurs découvertes fondamentales ont permis une meilleure compréhension de la schizophrénie, une maladie mentale complexe qui affecte 1 % de la population. Cette maladie a longtemps été perçue comme un trouble affectant un neurotransmetteur en particulier, la dopamine. Mais les dernières découvertes pointent vers un désordre plus étendu dans le fonctionnement des neurones.

Journaliste : Michel Rochon
Réalisatrice : Chantal Théorêt

 

Jocelyn, un jeune homme de 23 ans, se passionne pour la philosophie, la psychologie et la sociologie. En avril 2001, il a participé aux manifestations du Sommet des Amériques. C'est à ce moment que s'est déclenchée sa première crise de schizophrénie. Il a alors perdu contact avec la réalité. Il s'est replié dans un monde intérieur, caractérisé par le délire et les idées de grandeur. Les symptômes de Jocelyn avaient toutefois commencé dès l'adolescence. Avant d'en arriver à ses idées de grandeur, il avait d'abord eu le sentiment d'être dominé, d'être constamment menacé par les autres. Il s'était souvent isolé, esclave de sa paranoïa.

La paranoïa et les idées de grandeur de Jocelyn sont deux manifestations parmi d'autres de la schizophrénie. Les plus connues sont celles des hallucinations auditives, mais il y a aussi une grande désorganisation de la pensée. « Cette désorganisation amène de la difficulté à communiquer avec les autres, explique le Dr Marc-André Roy, psychiatre travaillant au Centre de recherche Université Laval Robert-Giffard. Le patient en arrive à s'isoler pour se protéger, et développe même parfois des idées délirantes. »

Les médecins utilisent des antipsychotiques depuis près de 50 ans pour contrôler les crises, même s'ils ne comprennent pas exactement leurs modes d'action. Ces médicaments contrôlent en partie les hallucinations et les délires, mais l'efficacité de ces drogues est limitée. « Dans plusieurs cas, de 25 à 50 %, on a affaire à des phénomènes de résistance au traitement, c'est-à-dire que les symptômes psychotiques persistent malgré l'utilisation du médicament. Les antipsychotiques produisent des symptômes négatifs, tels que le fait de manquer de motivation, de manquer d'intérêt et de ne plus avoir envie de socialiser. On voit souvent aussi une perte de performance dans certains tests de mémoire, d'attention, de planification et ainsi de suite. »

Les antipsychotiques n'agiraient donc pas sur les véritables causes de la maladie. Alors, que se passe-t-il dans le cerveau des schizophrènes?

 

Les neurones sont un peu comme des fils électriques. Ils sont entourés d'un isolant électrique - la myéline - qui facilite le passage du courant. Si cet isolant disparaît, le courant ne passe plus. Résultat: différentes régions du cerveau ne communiquent plus entre elles. Le lobe frontal, la région des prises de décisions, ne reçoit plus d'information des autres régions associées à la maladie.

La myéline

À l'hôpital Mount Sinai, en plein cœur de Manhattan, l'équipe du docteur Kenneth Davis a examiné le cerveau de schizophrènes à l'aide de la résonance magnétique. Son équipe a découvert que chez les patients schizophrènes, près de 30 % des neurones de leur cerveau avaient perdu leur myéline.

Cette perte de myéline influence particulièrement les régions du cerveau responsables des hallucinations et des délires. Ces régions sont aussi impliquées dans le contrôle des émotions, la logique et la mémoire. Mais la force de cette théorie, c'est qu'elle a été prouvée à la fois par la résonance magnétique et par la génétique. En effet, après avoir analysé le cerveau de schizophrènes décédés, le chercheur en neurosciences Vahram Haroutunian a découvert qu'ils possédaient six gènes défectueux. Et ces six gènes seraient responsables de la perte de myéline, ce qui vient prouver que le manque de myéline est un facteur important dans la maladie.

 

Les synapses et l'hérédité

La synapse est un peu comme la fiche d'un câble électrique. Une perte du nombre de synapse mène encore une fois à une perte de courant dans le système. Un phénomène que nous vivons tous à la fin de l'adolescence, mais qui est plus marqué chez les schizophrènes.

Chez les schizophrènes, des chercheurs ont remarqué qu'une autre partie neurologique était affectée. Cette autre partie, la synapse, permettrait d'expliquer pourquoi la schizophrénie survient plus souvent à la fin de l'adolescence.

« On connaît maintenant un peu plus la chronologie de la synaptogénèse, ce processus normal par lequel, à l'adolescence, on élimine les synapses inutiles. Cette chronologie pourrait expliquer pourquoi la schizophrénie émerge généralement vers la fin de l'adolescence et le début de l'âge adulte. De plus, puisque ce processus est influencé par les hormones sexuelles, et particulièrement par les œstrogènes, cela expliquerait pourquoi les psychoses et la schizophrénie apparaissent plus tard chez la femme, et que ces maladies ont une meilleure évolution », en déduit le Dr Roy.

La schizophrénie aurait également un caractère héréditaire, encore difficile à quantifier. Mais la récente découverte de gènes de susceptibilité à la maladie pourrait un jour permettre un dépistage. « Pour développer la maladie, il faut probablement une combinaison de gènes de susceptibilité. Un seul gène ne suffit pas », conclut le psychiatre. Et il ne faut pas oublier que d'autres facteurs entrent en ligne de compte. Le stress, par exemple, peut déclencher la maladie. Pour Jocelyn, ce fut le Sommet des Amériques, pour d'autres, ce sera un conflit familial, amoureux ou scolaire.

On est loin d'avoir tout compris sur la schizophrénie, car ces nouvelles découvertes n'expliquent pas la cause première de la maladie. Mais une chose est certaine: la schizophrénie est maintenant vue comme un désordre de connexions entre plusieurs régions du cerveau, ce qui pourra mener, éventuellement, à de nouvelles thérapies.

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