La vie dans les nuages
On
découvre que les nuages abritent une foule de
microorganismes : bactéries, algues, virus, champignons.
Et ces organismes sont bien vivants! Ils se reproduisent,
se nourrissent et se déplacent sur des milliers
de kilomètres dans les nuages d'eau ou de sable.
Une équipe américaine a découvert
que d'immenses nuages de sable de la taille de l'Espagne
traversent l'Atlantique, de l'Afrique jusqu'aux Caraïbes.
Résultat : des dizaines d'espèces de bactéries
et de champignons pathogènes viennent endommager
les récifs de coraux et la végétation
des Caraïbes.
Journaliste : Michel Rochon
Réalisatrice : Marièle Choquette |
En raison des droits d'auteur,
ce reportage ne sera pas disponible sur Internet. |
Dans les Caraïbes et en Floride,
les récifs de coraux sont malades. Une proportion
importante des récifs blanchissent. La gorgone,
un magnifique corail, disparaît à un rythme
alarmant. Le diadème - un oursin de mer - se
meurt, et le corail avec lui.
Pendant
des années, les scientifiques ont cherché en vain la
cause de ces maladies. Et voilà que sur la plage de
St. Petersburg, en Floride, un homme croit avoir trouvé
la réponse, et elle est pour le moins surprenante. Dale
Griffin, microbiologiste pour le United States Geological
Survey, croit que la cause des maux qui affligent les
coraux vient d'un autre continent. « Quand
des tempêtes de sable arrivent au-dessus de la Floride
et des Caraïbes, il y a de 3 à 10 fois plus de microorganismes
qui flottent dans l'air : des virus, des bactéries et
des champignons. » Des microorganismes
bien vivants qui auraient voyagé avec les poussières
provenant d'aussi loin que le désert du Sahara, en Afrique.
En Afrique, des centaines de tonnes de
sable du désert du Sahara sont emprisonnées
dans d'énormes nuages. C'est l'harmattan. De
plus en plus fréquentes, ces tempêtes sont
même visibles de l'espace. En février 2000,
des images-satellites de la NASA nous en ont montré
une de la taille de l'Espagne. Des quantités
astronomiques de virus, de bactéries et de champignons
voyagent au centre d'un tel nuage, d'une épaisseur
de cinq kilomètres. En une semaine, ces microorganismes
traversent l'Atlantique et retombent dans les Caraïbes
et en Floride. En fait, les chercheurs évaluent
qu'il y aurait de 1 à 2 trillions d'organismes
présents dans l'atmosphère.
Comment ces organismes font-ils
pour survivre à la traversée dans des
conditions aussi difficiles?
À
l'intérieur du nuage, certains microorganismes
s'abritent dans de minuscules crevasses des grains de
sable. Ils évitent ainsi les dangereux rayons
ultraviolets du soleil. Ils ont également accès
à des molécules organiques nécessaires
à leur survie. L'immensité du nuage les
protège du vent et des variations de température.
« Un pourcentage assez élevé
de microorganismes meurent au cours de leur long voyage,
explique Dale Griffin. En comparant leurs concentrations
dans les nuages de sable en Afrique avec celles des
Caraïbes, on constate un taux de mortalité
de 90 %. Mais il en reste tellement de vivants que même
10 % est un chiffre énorme. »
Dans les îles Vierges au cur
des Caraïbes, sa collègue écologiste
Ginger Garrison a confirmé cette hypothèse.
Au fond des eaux limpides, les gorgones - ces gracieux
coraux - se meurent. Elle a isolé dans ces coraux
malades un champignon bien particulier. C'est un champignon
de sol, introuvable dans les Caraïbes, mais présent
en Afrique. Seule explication possible : ce champignon
a voyagé du désert africain jusqu'aux
îles Vierges.
Une chose est certaine. On est en mesure
de faire un lien entre les grandes tempêtes de
sable du Sahel et d'autres maladies qui affectent le
corail. Par exemple, en 1983, une importante tempête
de sable est survenue au même moment où
le déclin de l'oursin diadème donnait
un dur coup aux récifs de la Barbade. Une autre
importante tempête de sable, en 1987, correspond
au blanchiment généralisé du corail.
Une corrélation intéressante.
Mais s'il y a de la vie dans les
nuages de sable, peut-il y en avoir dans des nuages
d'eau? Est-ce que l'atmosphère pourrait être
un écosystème avec sa propre vie?
Parisa
Ariya, de l'Université McGill, a fait une surprenante
découverte en ce sens. En prenant des échantillons
d'air, cette chimiste a trouvé que des bactéries
et des champignons vivaient dans l'atmosphère.
En analysant les échantillons, elle a identifié
la présence de plusieurs molécules essentielles
à la survie de ces microorganismes : sucres,
gras et acides aminés. Donc, les microorganismes
peuvent proliférer, se diviser et se multiplier
en grand nombre. À un point tel qu'ils pourraient
même participer à la création des
nuages.
Pourtant, on a longtemps cru que la formation
des nuages était un phénomène purement
physique et chimique. En basse altitude, les molécules
d'eau se condensent autour de noyaux - des poussières,
du pollen ou des molécules comme les sulfates
- pour former les nuages. En plus haute altitude, ce
sont des noyaux de glace qui déclenchent la formation
de nuages. Mais voilà que l'on découvre
que les microorganismes et leurs produits organiques
serviraient aussi de noyaux pour la formation des nuages.
Or, les nuages jouent un rôle important dans le
climat de la planète. Ils peuvent non seulement
réfléchir la chaleur provenant du soleil,
mais aussi emprisonner la chaleur provenant de la terre.
Si les microorganismes jouent un rôle
important dans la formation des nuages, il faudra revoir
nos modèles climatiques.
On a toujours sous-estimé la quantité
et la viabilité des organismes présents
dans l'atmosphère. Maintenant, on découvre
qu'ils ont un rôle à jouer dans l'écosystème
de la planète. Ces organismes pourraient transporter
des maladies sur des milliers de kilomètres.
Ou bien participer à la création des nuages
et, qui sait, avoir une influence encore insoupçonnée
sur notre climat.
Pour en savoir plus :
Poussières
dans le vent
Page du site État de la planète (associé
à World watch) sur les répercussions des
retombées des poussières africaines sur
les coraux des Caraïbes.
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