Le retour du SRAS : sommes-nous prêts?
L'économie
de Toronto a été durement frappée
par l'épidémie de pneumonie atypique qui
a forcé la mise en quarantaine de 15 000 citoyens
le printemps dernier. Or, ce genre d'épidémie
mortelle - pour laquelle nous n'avons ni médicament
ni vaccin - risque de revenir en force dès cet
automne, selon les autorités sanitaires internationales.
Sommes-nous prêts? Certes, tous les hôpitaux
canadiens ont tiré quelques enseignements de
l'expérience torontoise, mais ailleurs au Canada,
on ne s'est pas autant mobilisé contre les infections
en milieu hospitalier. C'est ce qui pourrait nous perdre!
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Journaliste:
Gilles Provost
Réalisateur : Pascal Gélinas |
Vu de l'extérieur, un hôpital
de Toronto ressemble à n'importe quel autre hôpital
au Canada. Mais passez la porte et vous vous heurtez
à des infirmières masquées, avec
visière. Personne n'entre sans d'abord décliner
son identité et son état de santé.
Au moindre signe de grippe ou de rhume, on impose le
masque. Depuis la crise du SRAS (la pneumonie atypique
qui a frappé Toronto au printemps dernier), personne
ne peut entrer ni sortir d'un hôpital sans, chaque
fois, se désinfecter les mains. Pourquoi ces
précautions? Parce qu'on sait maintenant qu'il
suffit d'une seule per-sonne pour déclencher
une épidémie.
Dès le début pourtant,
les médecins ont bien vu le danger d'épidémie.
Or, on n'est pas parvenu à contenir l'infection,
qui s'est vite communiquée au personnel hospitalier.
La première leçon du SRAS : sous l'apparence
d'une simple grippe peut se cacher un microbe inconnu,
mortel et conta-gieux, pour lequel on n'a aucun remède.
Alors prudence! Malheureusement, les hôpitaux
n'ont pas agi avec prudence, puisque 70 % des victimes
du SRAS l'ont attrapé à l'hôpital,
et 40 % étaient même des employés
d'hôpitaux. C'est ce qui a paralysé le
système : il a fallu fermer les hôpitaux
pour enrayer l'épidémie! Au North York
Hospital, on a même aménagé des
chambres d'isolement à l'ex-térieur de
l'urgence, dans le débarcadère des ambulances.
Une première!
Au
Québec, les hôpitaux sont moins mobilisés.
Le SRAS les a épargnés jusqu'à
maintenant. Mais cela pourrait changer, selon François
Lamothe, qui dirige la lutte aux infections au Centre
hospitalier de l'Université de Montréal.
« Si c'est arrivé une fois, il
est fort possible que ça revienne! »
Pourquoi le SRAS peut-il revenir? Parce qu'il vient
d'un coronavirus, comme le rhume ordinaire. Les Chinois
pensent que le virus vient de la civette, un petit animal
à la chair délicieuse, mais il y a bien
d'autres sources possibles : on a trouvé des
souches presque identiques chez plusieurs espèces
d'animaux domestiques. Tôt ou tard, un de ces
virus va réinfecter un être humain, et
à nouveau menacer les grandes villes de la planète.
La prochaine épidémie pourrait même
être pire que le SRAS.
Voilà pourquoi on se mobilise!
Jusqu'à maintenant, le Québec n'avait
aucun laboratoire de haute sécurité pour
le diagnostic du SRAS ou de la maladie du charbon (anthrax)
par exemple. Or, la santé publique vient d'inaugurer
un nouveau laboratoire dans l'ouest de Montréal.
On peut y faire chaque jour des milliers de diagnostics,
sans danger pour le voisinage.
La crise du SRAS a aussi révélé
que les hôpitaux canadiens manquaient de chambres
de sécurité pour isoler les personnes
contagieuses. Des chambres à pression négative,
où l'air est toujours aspiré vers l'intérieur
de la pièce pour que les microbes ne puissent
pas en sortir. Le système de ventilation capte
l'air à proximité du malade pour le filtrer
avant de l'évacuer à l'extérieur.
Dans la foulée du SRAS, on vient d'aménager
à Montréal 10 nouvelles chambres d'isola-tion
dans une aile spéciale du pavillon Saint-Luc,
au CHUM, et 10 autres au Royal Victoria. Tous les hôpitaux
doivent maintenant en avoir.
Mais
il faut aussi que le personnel puisse entrer dans ces
chambres pour soigner le malade. Depuis Toronto, on
a découvert que ça exigeait beaucoup de
vêtements de protection et une bonne dose de patience.
D'abord, le masque, qu'on applique avec fermeté.
Ensuite, la cagoule. Puis, la visière qui protège
les yeux, et finalement le sarrau. On se lave les mains,
on enfile une première paire de gants, puis une
deuxième. Ce n'est qu'après ce rituel
qu'on peut enfin pénétrer dans la chambre.
Au moment de sortir, c'est le processus inverse. Résultat
: un costume très chaud, avec lequel la moindre
manuvre devient compliquée. À un
point tel que les membres du personnel ne veulent plus
travailler dans ces conditions. Surtout qu'à
Toronto, on a découvert que même ce rituel
n'élimine pas tout danger lors de certaines manuvres.
À Montréal, ces équipements
sont maintenant en place, mais est-ce que ce sera suffisant
si on affronte une nouvelle épidémie semblable
au SRAS? Est-ce qu'il ne faudrait pas également
un changement de mentalité? En dehors de Toronto,
combien d'hôpi-taux imposent une désinfection
des mains à l'entrée et à la sortie,
ou encore le port du masque en cas de rhume? Partout,
nos urgences demeurent surchargées : de vrais
nids à infections où les malades attendent
tous ensemble pendant des heures. Ce n'est pas étonnant
qu'un patient sur huit attrape une infection à
l'hôpital!
Comment
contenir une nouvelle épidémie quand à
peine la moitié des hôpitaux québécois
font une surveillance de leurs principales infections?
Pourtant, toutes les études montrent que la prévention
des infections est un investissement rentable :
1 $ investi dans la prévention sauve 5 $
en traitements. Le ministre de la Santé du Québec
s'entête toutefois à favoriser des solutions
peu coûteuses. Se laver les mains ne coûte
rien, ou presque, et a fait ses preuves scientifiquement.
Une solution qui ne plaît pas à tous. Les
employés d'hôpitaux jugent qu'avec leurs
nouvelles tâches, ils n'ont même plus le
temps de se laver les mains.
En somme, il nous faudra sans doute une
deuxième crise du SRAS avant qu'on investisse
vraiment dans la lutte aux infections.
Pour en savoir plus :
SRAS,
ce qu'il faut savoir
Dossier de Radio-Canada
Le
Québec face au SRAS
Gouvernement du Québec
Syndrome
respiratoire aigu sévère
Page spéciale sur le SRAS de Santé Canada
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