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REPORTAGE  —  19 octobre 2003

 
Le retour du SRAS : sommes-nous prêts?

L'économie de Toronto a été durement frappée par l'épidémie de pneumonie atypique qui a forcé la mise en quarantaine de 15 000 citoyens le printemps dernier. Or, ce genre d'épidémie mortelle - pour laquelle nous n'avons ni médicament ni vaccin - risque de revenir en force dès cet automne, selon les autorités sanitaires internationales. Sommes-nous prêts? Certes, tous les hôpitaux canadiens ont tiré quelques enseignements de l'expérience torontoise, mais ailleurs au Canada, on ne s'est pas autant mobilisé contre les infections en milieu hospitalier. C'est ce qui pourrait nous perdre!

Journaliste: Gilles Provost
Réalisateur : Pascal Gélinas

 

En mars dernier, une Canadienne est revenue de Hong Kong avec des symptômes de grippe. À son contact, l'épidémie s'est déclenchée. Le bilan : 43 morts, 251 personnes infectées et 15 000 Canadiens mis en quarantaine.

Vu de l'extérieur, un hôpital de Toronto ressemble à n'importe quel autre hôpital au Canada. Mais passez la porte et vous vous heurtez à des infirmières masquées, avec visière. Personne n'entre sans d'abord décliner son identité et son état de santé. Au moindre signe de grippe ou de rhume, on impose le masque. Depuis la crise du SRAS (la pneumonie atypique qui a frappé Toronto au printemps dernier), personne ne peut entrer ni sortir d'un hôpital sans, chaque fois, se désinfecter les mains. Pourquoi ces précautions? Parce qu'on sait maintenant qu'il suffit d'une seule per-sonne pour déclencher une épidémie.

Dès le début pourtant, les médecins ont bien vu le danger d'épidémie. Or, on n'est pas parvenu à contenir l'infection, qui s'est vite communiquée au personnel hospitalier. La première leçon du SRAS : sous l'apparence d'une simple grippe peut se cacher un microbe inconnu, mortel et conta-gieux, pour lequel on n'a aucun remède. Alors prudence! Malheureusement, les hôpitaux n'ont pas agi avec prudence, puisque 70 % des victimes du SRAS l'ont attrapé à l'hôpital, et 40 % étaient même des employés d'hôpitaux. C'est ce qui a paralysé le système : il a fallu fermer les hôpitaux pour enrayer l'épidémie! Au North York Hospital, on a même aménagé des chambres d'isolement à l'ex-térieur de l'urgence, dans le débarcadère des ambulances. Une première!

Au Québec, les hôpitaux sont moins mobilisés. Le SRAS les a épargnés jusqu'à maintenant. Mais cela pourrait changer, selon François Lamothe, qui dirige la lutte aux infections au Centre hospitalier de l'Université de Montréal. « Si c'est arrivé une fois, il est fort possible que ça revienne! » Pourquoi le SRAS peut-il revenir? Parce qu'il vient d'un coronavirus, comme le rhume ordinaire. Les Chinois pensent que le virus vient de la civette, un petit animal à la chair délicieuse, mais il y a bien d'autres sources possibles : on a trouvé des souches presque identiques chez plusieurs espèces d'animaux domestiques. Tôt ou tard, un de ces virus va réinfecter un être humain, et à nouveau menacer les grandes villes de la planète. La prochaine épidémie pourrait même être pire que le SRAS.

Voilà pourquoi on se mobilise! Jusqu'à maintenant, le Québec n'avait aucun laboratoire de haute sécurité pour le diagnostic du SRAS ou de la maladie du charbon (anthrax) par exemple. Or, la santé publique vient d'inaugurer un nouveau laboratoire dans l'ouest de Montréal. On peut y faire chaque jour des milliers de diagnostics, sans danger pour le voisinage.

La crise du SRAS a aussi révélé que les hôpitaux canadiens manquaient de chambres de sécurité pour isoler les personnes contagieuses. Des chambres à pression négative, où l'air est toujours aspiré vers l'intérieur de la pièce pour que les microbes ne puissent pas en sortir. Le système de ventilation capte l'air à proximité du malade pour le filtrer avant de l'évacuer à l'extérieur. Dans la foulée du SRAS, on vient d'aménager à Montréal 10 nouvelles chambres d'isola-tion dans une aile spéciale du pavillon Saint-Luc, au CHUM, et 10 autres au Royal Victoria. Tous les hôpitaux doivent maintenant en avoir.

Mais il faut aussi que le personnel puisse entrer dans ces chambres pour soigner le malade. Depuis Toronto, on a découvert que ça exigeait beaucoup de vêtements de protection et une bonne dose de patience. D'abord, le masque, qu'on applique avec fermeté. Ensuite, la cagoule. Puis, la visière qui protège les yeux, et finalement le sarrau. On se lave les mains, on enfile une première paire de gants, puis une deuxième. Ce n'est qu'après ce rituel qu'on peut enfin pénétrer dans la chambre. Au moment de sortir, c'est le processus inverse. Résultat : un costume très chaud, avec lequel la moindre manœuvre devient compliquée. À un point tel que les membres du personnel ne veulent plus travailler dans ces conditions. Surtout qu'à Toronto, on a découvert que même ce rituel n'élimine pas tout danger lors de certaines manœuvres.

À Montréal, ces équipements sont maintenant en place, mais est-ce que ce sera suffisant si on affronte une nouvelle épidémie semblable au SRAS? Est-ce qu'il ne faudrait pas également un changement de mentalité? En dehors de Toronto, combien d'hôpi-taux imposent une désinfection des mains à l'entrée et à la sortie, ou encore le port du masque en cas de rhume? Partout, nos urgences demeurent surchargées : de vrais nids à infections où les malades attendent tous ensemble pendant des heures. Ce n'est pas étonnant qu'un patient sur huit attrape une infection à l'hôpital!

Comment contenir une nouvelle épidémie quand à peine la moitié des hôpitaux québécois font une surveillance de leurs principales infections? Pourtant, toutes les études montrent que la prévention des infections est un investissement rentable : 1 $ investi dans la prévention sauve 5 $ en traitements. Le ministre de la Santé du Québec s'entête toutefois à favoriser des solutions peu coûteuses. Se laver les mains ne coûte rien, ou presque, et a fait ses preuves scientifiquement. Une solution qui ne plaît pas à tous. Les employés d'hôpitaux jugent qu'avec leurs nouvelles tâches, ils n'ont même plus le temps de se laver les mains.

En somme, il nous faudra sans doute une deuxième crise du SRAS avant qu'on investisse vraiment dans la lutte aux infections.

Pour en savoir plus :

SRAS, ce qu'il faut savoir
Dossier de Radio-Canada

Le Québec face au SRAS
Gouvernement du Québec

Syndrome respiratoire aigu sévère
Page spéciale sur le SRAS de Santé Canada

 


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