Cellulaire et automobile
Une
trentaine de pays interdisent partiellement ou totalement
l'usage du cellulaire au volant. Mais au Canada, seule
Terre-Neuve a banni l'utilisation du téléphone
portable. Pourtant, de nombreuses études, sur
simulateur et sur la route, démontrent que la
conversation téléphonique diminue l'attention
des conducteurs. Et dans certains cas, autant que deux
consommations d'alcool!
Journaliste
: Normand Grondin
Réalisatrice : Chantal Théorêt
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En raison des droits d'auteur,
ce reportage ne sera pas disponible sur Internet. |
Au mois d'août dernier, un jeune
homme qui roulait sur une grande artère montréalaise
a violemment percuté un lampadaire. Au moment
de l'accident, il avait en main un téléphone
cellulaire. Distrait par sa conversation, il a probablement
perdu la route de vue pendant une fraction de seconde.
Heureusement, les accidents aussi dramatiques sont peu
fréquents. Mais on sait que la majorité
des conducteurs utilisent leur cellulaire au volant.
C'est d'ailleurs ce qui a incité plusieurs chercheurs
à étudier ce phénomène.
Ils
sont tous d'accord sur un point. Lorsque vous parlez
en conduisant, vous n'êtes plus le conducteur
que vous croyez être. « Lorsque
vous utilisez votre cellulaire au volant, vous et votre
interlocuteur pénétrez littéralement
dans un univers virtuel. Et durant la conversation,
vous réagissez à ce qui se passe dans
cet univers plutôt que de vous préoccuper
de ce qui se passe véritablement autour de vous,
pendant que vous conduisez », explique
David Strayer, psychologue et directeur de l'Applied
Cognition Laboratory. David Strayer est l'auteur de
plusieurs études sur l'utilisation du cellulaire
au volant.
Dans sa plus récente étude,
il a testé les réflexes de 110 personnes
dans un puissant simulateur de conduite. Durant le parcours,
les participants devaient soutenir une conversation
téléphonique. Le chercheur n'a utilisé
que des appareils main-libre. Selon lui, tenir un appareil
en main ou composer un numéro est une distraction
importante, mais de courte durée. Le vrai problème,
c'est la conversation elle-même.
Le test du chercheur a démontré
qu'au téléphone cellulaire, les conducteurs
ont une conduite très inégale. Leur temps
de réaction est plus lent, ils freinent plus
brusquement et, surtout, ils sont moins attentifs à
la signalisation routière. C'est un peu comme
s'ils étaient hypnotisés par la conversation
téléphonique. On a également découvert
que l'effet distrayant du cellulaire peut être
amplifié par le type de conversation. Plus elle
est intense, plus vous risquez de commettre une faute
de conduite.
Mesurer
l'effet d'une conversation au cellulaire sur un conducteur
est possible. Durant une expérience sur la route,
des chercheurs de Transport Canada ont simulé
une conversation intense en demandant aux participants
de résoudre mentalement différents problèmes
mathématiques. En même temps, ils suivaient
le mouvement de leurs yeux. Normalement, le regard d'un
conducteur balaie sans arrêt la route afin d'en
retirer l'information nécessaire à la
conduite. Mais au cellulaire, ce mouvement est beaucoup
moins prononcé. C'est ce qu'on appelle l'effet
tunnel. D'abord, on consulte de moins en moins ses instruments,
ses miroirs et son rétroviseur. Puis, on porte
moins attention aux autres voitures. Finalement, le
champ de vision se réduit à une zone étroite,
au centre du pare-brise, avec tous les risques que cela
comporte.
On peut se demander si les comportements
à risque que les chercheurs ont observé
conduisent à une véritable augmentation
du nombre d'accidents sur la route. La plus importante
étude à ce sujet a été réalisée
au Québec à partir des dossiers de conduite
et des relevés téléphoniques de
36 000 conducteurs. On a découvert que les
utilisateurs du téléphone cellulaire,
autant hommes que femmes, ont plus de collisions, en
moyenne 38 % plus de collisions que les non-utilisateurs.
L'étude révèle également
une statistique inquiétante : plus vous faites
d'appels, plus votre risque de collision est élevé.
Or, on sait que le nombre de grands utilisateurs est
en progression constante.
Une solution à ce problème
consisterait à interdire carrément l'utilisation
du cellulaire au volant. Comme l'a fait le Japon, par
exemple. Une trentaine d'autres pays ont choisi une
solution intermédiaire : on permet le main-libre,
mais on interdit le portable. Chez nous, la Société
de l'assurance automobile préfère employer
la méthode douce : on opte pour la sensibilisation.
Deux sondages réalisés l'an dernier indiquent
cependant que 90 % des Canadiens sont en faveur d'une
réglementation du cellulaire au volant. Et la
majorité d'entre eux considèrent qu'il
s'agit d'un problème sérieux. Mais la
SAAQ considère le problème d'alcool au
volant prioritaire à celui du cellulaire. Pourtant,
une étude a démontré que le problème
du cellulaire pourrait se comparer à celui de
l'alcool au volant.
L'an
dernier, une compagnie d'assurance britannique a évalué
sur simulateur les réflexes d'une vingtaine de
conducteurs dans différentes situations. Le test
le plus intéressant : celui du freinage
à 70 km/h. À jeun, il a fallu en moyenne
31 mètres aux conducteurs pour arrêter
leur véhicule. Avec un taux d'alcoolémie
de 0,08, soit la limite légale permise :
35 mètres. Avec un téléphone main-libre :
39 mètres. Et avec un téléphone
portable : 45 mètres. La conclusion de l'étude
: un conducteur au cellulaire est aussi dangereux qu'un
conducteur ivre au volant.
De quoi réfléchir
Pour en savoir plus :
Le
téléphone cellulaire et la conduite automobile
: Consignes de sécurité
Page de Transports Canada. Questions et réponses
sur l'utilisation du cellulaire en auto.
Conduite
automobile et l'utilisation d'un cellulaire
Article du Journal du Barreau du Québec. Comparaison
des différentes réglementations sur l'utilisation
du cellulaire au volant dans plusieurs pays.
Les
Canadiens et le téléphone cellulaire
Étude de Léger Marketing-Presse canadienne
sur l'utilisation du téléphone cellulaire
au Canada (2001) - version pdf.
Les
risques du cellulaire
Dossier de Découverte inspiré d'un
reportage de Michel Rochon, réalisé par
Hélène Naud et Chantal Théorêt.
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