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REPORTAGE  —  5 octobre 2003

 
Cellulaire et automobile

Une trentaine de pays interdisent partiellement ou totalement l'usage du cellulaire au volant. Mais au Canada, seule Terre-Neuve a banni l'utilisation du téléphone portable. Pourtant, de nombreuses études, sur simulateur et sur la route, démontrent que la conversation téléphonique diminue l'attention des conducteurs. Et dans certains cas, autant que deux consommations d'alcool!

Journaliste : Normand Grondin
Réalisatrice : Chantal Théorêt
En raison des droits d'auteur, ce reportage ne sera pas disponible sur Internet.

 

 

Au mois d'août dernier, un jeune homme qui roulait sur une grande artère montréalaise a violemment percuté un lampadaire. Au moment de l'accident, il avait en main un téléphone cellulaire. Distrait par sa conversation, il a probablement perdu la route de vue pendant une fraction de seconde. Heureusement, les accidents aussi dramatiques sont peu fréquents. Mais on sait que la majorité des conducteurs utilisent leur cellulaire au volant. C'est d'ailleurs ce qui a incité plusieurs chercheurs à étudier ce phénomène.

Ils sont tous d'accord sur un point. Lorsque vous parlez en conduisant, vous n'êtes plus le conducteur que vous croyez être. « Lorsque vous utilisez votre cellulaire au volant, vous et votre interlocuteur pénétrez littéralement dans un univers virtuel. Et durant la conversation, vous réagissez à ce qui se passe dans cet univers plutôt que de vous préoccuper de ce qui se passe véritablement autour de vous, pendant que vous conduisez », explique David Strayer, psychologue et directeur de l'Applied Cognition Laboratory. David Strayer est l'auteur de plusieurs études sur l'utilisation du cellulaire au volant.

Dans sa plus récente étude, il a testé les réflexes de 110 personnes dans un puissant simulateur de conduite. Durant le parcours, les participants devaient soutenir une conversation téléphonique. Le chercheur n'a utilisé que des appareils main-libre. Selon lui, tenir un appareil en main ou composer un numéro est une distraction importante, mais de courte durée. Le vrai problème, c'est la conversation elle-même.

Le test du chercheur a démontré qu'au téléphone cellulaire, les conducteurs ont une conduite très inégale. Leur temps de réaction est plus lent, ils freinent plus brusquement et, surtout, ils sont moins attentifs à la signalisation routière. C'est un peu comme s'ils étaient hypnotisés par la conversation téléphonique. On a également découvert que l'effet distrayant du cellulaire peut être amplifié par le type de conversation. Plus elle est intense, plus vous risquez de commettre une faute de conduite.

Mesurer l'effet d'une conversation au cellulaire sur un conducteur est possible. Durant une expérience sur la route, des chercheurs de Transport Canada ont simulé une conversation intense en demandant aux participants de résoudre mentalement différents problèmes mathématiques. En même temps, ils suivaient le mouvement de leurs yeux. Normalement, le regard d'un conducteur balaie sans arrêt la route afin d'en retirer l'information nécessaire à la conduite. Mais au cellulaire, ce mouvement est beaucoup moins prononcé. C'est ce qu'on appelle l'effet tunnel. D'abord, on consulte de moins en moins ses instruments, ses miroirs et son rétroviseur. Puis, on porte moins attention aux autres voitures. Finalement, le champ de vision se réduit à une zone étroite, au centre du pare-brise, avec tous les risques que cela comporte.

On peut se demander si les comportements à risque que les chercheurs ont observé conduisent à une véritable augmentation du nombre d'accidents sur la route. La plus importante étude à ce sujet a été réalisée au Québec à partir des dossiers de conduite et des relevés téléphoniques de 36 000 conducteurs. On a découvert que les utilisateurs du téléphone cellulaire, autant hommes que femmes, ont plus de collisions, en moyenne 38 % plus de collisions que les non-utilisateurs. L'étude révèle également une statistique inquiétante : plus vous faites d'appels, plus votre risque de collision est élevé. Or, on sait que le nombre de grands utilisateurs est en progression constante.

Une solution à ce problème consisterait à interdire carrément l'utilisation du cellulaire au volant. Comme l'a fait le Japon, par exemple. Une trentaine d'autres pays ont choisi une solution intermédiaire : on permet le main-libre, mais on interdit le portable. Chez nous, la Société de l'assurance automobile préfère employer la méthode douce : on opte pour la sensibilisation. Deux sondages réalisés l'an dernier indiquent cependant que 90 % des Canadiens sont en faveur d'une réglementation du cellulaire au volant. Et la majorité d'entre eux considèrent qu'il s'agit d'un problème sérieux. Mais la SAAQ considère le problème d'alcool au volant prioritaire à celui du cellulaire. Pourtant, une étude a démontré que le problème du cellulaire pourrait se comparer à celui de l'alcool au volant.

L'an dernier, une compagnie d'assurance britannique a évalué sur simulateur les réflexes d'une vingtaine de conducteurs dans différentes situations. Le test le plus intéressant : celui du freinage à 70 km/h. À jeun, il a fallu en moyenne 31 mètres aux conducteurs pour arrêter leur véhicule. Avec un taux d'alcoolémie de 0,08, soit la limite légale permise : 35 mètres. Avec un téléphone main-libre : 39 mètres. Et avec un téléphone portable : 45 mètres. La conclusion de l'étude : un conducteur au cellulaire est aussi dangereux qu'un conducteur ivre au volant.

De quoi réfléchir…

Pour en savoir plus :

Le téléphone cellulaire et la conduite automobile : Consignes de sécurité
Page de Transports Canada. Questions et réponses sur l'utilisation du cellulaire en auto.

Conduite automobile et l'utilisation d'un cellulaire
Article du Journal du Barreau du Québec. Comparaison des différentes réglementations sur l'utilisation du cellulaire au volant dans plusieurs pays.

Les Canadiens et le téléphone cellulaire
Étude de Léger Marketing-Presse canadienne sur l'utilisation du téléphone cellulaire au Canada (2001) - version pdf.

Les risques du cellulaire
Dossier de Découverte inspiré d'un reportage de Michel Rochon, réalisé par Hélène Naud et Chantal Théorêt.

 


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