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REPORTAGE  —  28 septembre 2003

 
Le mystère iroquoien

Dans la région de Saint-Anicet, au sud-ouest de Montréal, l'archéologue Michel Gagné a mis au jour une véritable province culturelle autochtone. Trois sites archéologiques permettent de reconstituer 200 ans d'occupation iroquoienne. Ces recherches aboutiront peut-être à la résolution d'un mystère vieux de plus de 400 ans. En effet, en 1535, Jacques Cartier a fait la connaissance de ces Iroquoiens du Saint-Laurent. Soixante-dix ans plus tard, Samuel de Champlain ne les a pas retrouvés. Où sont-ils passés? Les archéologues espèrent pouvoir répondre à cette question.

Journaliste: Sylvain Bascaron
Réalisateur: Pascal Gélinas
(les gravures diffusées dans ce reportage ont été réalisées par Marc Laberge)

 

 

L'archéologue Michel Gagné et son équipe n'auraient jamais pensé trouver la trace des Iroquoiens du Saint-Laurent sur ce coteau, au milieu d'un champ. Il s'agit du site McDonald, à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Montréal. C'est un livre qui l'a entraîné dans la région de Huntingdon, un ouvrage du 19e siècle dans lequel le journaliste Robert Sellar rapporte les événements qu'un colon irlandais lui avait racontés en 1826. Il aurait trouvé, au sommet d'une butte, des pièces de poterie et autres objets permettant de croire à un ancien campement amérindien. Cent ans plus tard, ce livre devient une carte au trésor. Et quel trésor! Des tessons de vases iroquoiens, des pointes de flèches, des outils en os… même les écailles de poissons sont très bien conservées.

L'équipe de Michel Gagné a localisé d'anciens trous qui pouvaient servir de poubelles ou de garde-manger. La coloration rougeâtre du sol permet de deviner la présence d'anciens feux de cuisson. L'alignement parfait de quatre sites de feux est un signe clair : une maison longue s'est déjà dressée ici. Ce vaste bâtiment abritait entre 25 et 40 autochtones. Michel Gagné n'a pas découvert un simple site. Il a mis au jour le plus ancien village connu des Iroquoiens du Saint-Laurent. Ce village regroupait possiblement trois maisons longues.

La datation au carbone 14 révèle que le village était habité autour de 1320. L'analyse du style des pièces de céramiques vient confirmer cette hypothèse. Une petite quantité de grains de maïs carbonisés a été retrouvée sur le site. Toutefois, la présence d'aucune autre culture végétale n'est notée dans les parages. Ces résultats démontrent qu'en 1320, l'agriculture et la sédentarisation des Iroquoiens du Saint-Laurent ne faisaient que commencer au Québec, alors qu'en Ontario, le processus s'était amorcé 700 ans plus tôt.

Droulers : le plus important site archéologique au Québec

En 1450, Droulers est le chef-lieu de l'Iroquoisie laurentienne. Près de 600 amérindiens vivent ici, dans un village qui s'étend sur 12 000 mètres carrés. La civilisation iroquoienne du Saint-Laurent atteint alors son apogée. En plus de cultiver le maïs, les autochtones cultivent le haricot, la courge et le tournesol, sans arrêter de chasser et de pêcher. Une telle découverte repose sur la trouvaille fortuite d'une herminette par un agriculteur de l'endroit. L'herminette est une pierre pour nettoyer les peaux, les peaux de castors, les peaux de tous les animaux qui arrivaient.

Les archéologues ont découvert là tout un village. Ils y ont déterré pendant trois ans une quantité époustouflante de matériel amérindien. Plus de 150 000 artéfacts. La facture stylistique des tessons de vase est unique. Les pipes, destinées aux hommes iroquoiens, portent aussi la marque d'un art singulier. La province culturelle de Saint-Anicet se définit.

Quand Jacques Cartier arrive au Canada en 1535, le site Droulers n'est plus habité. Dans son journal, Cartier mentionne que les Iroquoiens sont aux prises avec des guerres tribales. En 1603, Champlain note la disparition des Iroquoiens du Saint-Laurent. Mais où se cachent-ils?

Le site Mailhot-Curran : un élément de réponse

Le site Mailhot-Curran, également découvert par Michel Gagné, apporte peut-être un élément de réponse. Des autochtones ont vécu ici, loin de toute source d'eau et à une dizaine de kilomètres du fleuve. « La vie des Iroquoiens qui vivaient ici devait être très pénible, surtout pendant les périodes de sécheresse où on devait faire de longues marches pour aller chercher de l'eau, pour la ramener au village, et probablement aussi que les zones de culture étaient très éloignées pour ne pas attirer les envahisseurs », explique Michel Gagné.

Durant les fouilles, peu de pipes sont retrouvées. Leur petit nombre signifie que plusieurs hommes du groupe sont probablement tombés au combat, dans les guerres évoquées par Champlain et Cartier. Mais pourquoi une population décimée s'exile-t-elle dans ces conditions? Pour se terrer dans l'arrière-pays en attendant que les guerres tribales se calment, suppose l'archéologue. Ce qui semble n'être jamais arrivé.

Les maladies apportées par les Européens et le commerce agressif sur les routes de traite n'ont pas aidé les autochtones dans leur bataille pour survivre. Nul ne sait ce que sont devenus les Iroquoiens du Saint-Laurent. Mais dans les parages du site Droulers, autour de 1820, les colons irlandais cohabitent avec des familles autochtones. Certains croient que ces groupes seraient les derniers descendants des premiers agriculteurs du Québec.

Dans la région de Saint-Anicet, une véritable province culturelle de l'Iroquoisie laurentienne se définit. McDonald, le berceau de l'agriculture au Québec. Droulers, la capitale de la province, à l'apogée de la civilisation. Mailhot-Curran, la terre d'exil d'une population en fuite. À ce jour, 13 autres sites ont révélé des traces d'occupation iroquoienne. La région de Saint-Anicet cache sûrement d'autres villages qui pourraient mieux documenter l'histoire de l'Iroquoisie laurentienne.

Pour en savoir plus :

Saint-Anicet : La vie villageoise des Amérindiens avant l'arrivée des Européens
Site du ministère de la Culture et des Communications du Québec sur les découvertes archéologiques à Saint-Anicet.

Réseau Archéo-Québec
Site qui permet de connaître les actualités de l'archéologie au Québec et les lieux où se font la recherche et la diffusion de l'archéologie.

 


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