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REPORTAGE  —  21 septembre 2003

 
Alzheimer et cholestérol

Des recherches québécoises indiquent qu'il pourrait y avoir un lien entre la maladie d'Alzheimer et une incapacité des cellules cérébrales à absorber le cholestérol nécessaire à la santé du cerveau. Des recherches qui pourraient prévenir ou même freiner la progression de la maladie.

Journaliste: Marianne Boire
Réalisatrice : Marièle Choquette

Consultez notre dossier sur l'Alzheimer >>


 

 

« Lorsqu'un patient commence à avoir des symptômes, [ça signifie qu'au] moins 70 à 80 % de ses cellules sont mortes. »
- Dr Judes Poirier, directeur du Centre d'études du vieillissement à l'Université McGill.

« Ce qu'il a de plus difficile, c'est de voir sous ses yeux se désagréger un être humain qui a partagé votre vie. C'est une femme intelligente, qui l'est encore d'ailleurs, mais qui se réfugie, à certains moments, dans un univers qui m'est inaccessible. »
- Claude Désorcy, époux de Micheline Fréchette, atteinte de la maladie d'Alzheimer.

La vie de Micheline Fréchette a basculé il y a trois ans. Cette ancienne travailleuse sociale, amoureuse de la peinture et des arts de la scène, apprend, lors d'une visite chez le médecin, que sa vie ne sera plus jamais la même. Elle doit maintenant vivre avec la maladie d'Alzheimer.

La maladie d'Alzheimer recèle encore bien des mystères. Depuis 10 ans, les scientifiques ont concentré leurs efforts sur les plaques de protéine béta-amyloïde, caractéristiques de la maladie. Mais des chercheurs comme Judes Poirier, de l'Université McGill, croient que la recherche a fait fausse route. La clé de l'énigme serait ailleurs. La maladie d'Alzheimer pourrait être due à un tout autre problème : un problème de cholestérol. Pas le bon et le mauvais cholestérol, dont on parle constamment, ni celui qui circule dans le sang et qui peut causer des maladies cardiovasculaires.

Non, le type de cholestérol qui a attiré l'attention du Dr Judes Poirier est celui qui se loge dans le cerveau et qui est essentiel à sa régénération. « Quand on parle de cholestérol dans le cerveau, c'est vraiment le cholestérol qui constitue la fibre même, la texture du cerveau. C'est l'ensemble de ce qui constitue les branchements, les connections à l'intérieur du cerveau. »

À la naissance, notre cerveau est équipé de 30 milliards de neurones. Vers l'âge de 30 ans, ces cellules commencent à mourir, laissant derrière elles des débris gorgés de cholestérol. Une cellule nourricière récupère ces résidus pour construire une grosse molécule de graisse. Cette molécule est transportée par une autre protéine vers les neurones voisins. Elle y sera utilisée pour construire de nouveaux branchements entre les neurones toujours existants. Les neurones disparus ne sont donc pas remplacés. Mais l'essentiel est sauvé : l'information peut continuer à circuler.

Les premiers symptômes, les pertes de mémoire ou les moments de confusion, sont le signe que ce système de réparation neuronale commence à avoir des ratés. Lorsque le recyclage ou le transport de cholestérol est insuffisant à la reconstruction de branchements cellulaires, le cerveau doit en produire du nouveau. Il semble que ce mécanisme de compensation serait défectueux chez les patients atteints de la maladie d'Alzheimer. « Lorsque le vieillissement continue inexorablement à détruire les cellules, le mécanisme de compensation, de réparation, devient important. Vers l'âge de 50 ans, ça fait déjà presque 3 décennies qu'on perd des cellules, il devient crucial d'avoir accès à un maximum de cholestérol. Une déficience génétique, une protéine anormale qui ne travaille qu'à 50 % ne donne naissance qu'à 50 % du cholestérol normal. Cela devient problématique lorsque le niveau de dommages est élevé et que la capacité de compenser pour la perte neuronale est [moindre que] la perte neuronale », explique le Dr Poirier.

L'équipe de Judes Poirier a étudié les cerveaux de plusieurs patients atteints de la maladie. Tous présentaient cette anomalie. Ces résultats suggèrent que cette mutation pourrait être une des causes de la maladie. Reste à voir comment on peut soigner les gens qui ont cette prédisposition génétique. Pour le moment, aucun traitement n'existe pour corriger le gène défectueux. Mais on pourrait peut-être prévenir le développement de la maladie chez les personnes à risque.

Au cours des dernières années, trois grandes études épidémiologiques ont montré que les statines, des médicaments bien connus pour réduire le cholestérol sanguin, seraient des agents protecteurs particulièrement efficaces. Elles permettraient de réduire jusqu'à 70 % le risque de développer des démences comme la maladie d'Alzheimer. « Ça paraît paradoxal, effectivement, qu'une baisse du cholestérol dans le sang ne reflète pas nécessairement une baisse du cholestérol dans le cerveau. Il semble que les statines rendent le cholestérol plus facilement accessible aux cellules nerveuses, qui en ont bien besoin pour maintenir la santé de leur membrane et favoriser le développement de connections entre cellules nerveuses », précise de Dr Poirier. L'action des statines sur la maladie d'Alzheimer demeure inexpliquée. Leur effet sur le niveau de cholestérol dans le cerveau doit encore être vérifié. D'importantes études internationales sont en cours pour confirmer leur effet bénéfique. Leur utilisation pourrait peut-être révolutionner le traitement de la maladie.

Mais quand près de 80 % des neurones ont disparu, les statines ont-elles vraiment une chance contre la maladie d'Alzheimer? « Une fois que la maladie est déclarée, c'est trop tard. Les statines sont efficaces pour ralentir la progression avant d'avoir les symptômes. C'est trop tard une fois que la maladie est déclarée », regrette le chercheur. Les statines ne pourront donc pas à elles seules triompher de la maladie d'Alzheimer. Si elles s'avèrent efficaces en prévention, elles pourraient s'intégrer à d'autres médicaments qui ont déjà fait leurs preuves pour ralentir la perte de mémoire.

Ces traitements arriveront probablement trop tard pour Micheline Fréchette et tous ceux qui sont déjà très touchés par la maladie, mais ils permettront peut-être à leurs enfants d'échapper à cette fatalité.

Pour en savoir plus :

Alzheimer et vieillissement cérébral
Un dossier du Centre hospitalier et universitaire de Lille, affilié à l'Institut national de la santé de de la recherche médicale de France.

Société canadienne de l'Alzheimer
Organisme canadien qui propose plusieurs sources d'appui et d'information.

Société Alzheimer
La maladie d'Alzheimer et l'hérédité

Le traitement étiologique de la maladie d'Alzheimer : réalité ou fiction?
Article écrit par le Dr. Judes Poirier sur les traitements de l'Alzheimer dans la revue Sélections Médecine Sciences (version pdf)

 


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