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REPORTAGE  —  21 septembre 2003

 
Le déclin de l'alose

L'alose savoureuse, un poisson de mer, parcourt chaque année des milliers de kilomètres pour venir frayer dans le Saint-Laurent et ses affluents. Mais depuis 50 ans, en raison des nombreux barrages hydroélectriques qui entravent sa progression, le nombre d'aloses diminue d'une manière inquiétante. Des chercheurs québécois ont entrepris de leur donner un coup de pouce.

Journaliste-réalisateur : Normand Grondin

 

Chaque printemps, le début du mois de juin annonce le retour d'une grande voyageuse, l'alose savoureuse. Comme d'habitude, ceux qui pratiquent la pêche sportive sont nombreux à l'attendre. Après un voyage de 3000 kilomètres, des dizaines de milliers d'aloses passent tout près de la berge, à portée de lancer. Mais le véritable danger pour les poissons, ce ne sont pas les pêcheurs. C'est la centrale hydroélectrique. La centrale empêche les aloses d'aller se reproduire en amont, dans les eaux plus calmes de la rivière. Ailleurs, autour de Montréal, c'est la même chose. Plusieurs centrales bloquent l'accès aux meilleurs sites de reproduction situés près de Cornwall et d'Ottawa. Seule la grande frayère du lac des Deux-Montagnes est encore accessible par le fleuve.

En 1985, Hydro-Québec a tenté de résoudre une partie du problème en construisant une passe migratoire à côté de la centrale Rivière-des-Prairies. Mais l'alose a toujours refusé de l'utiliser. « L'alose, c'est une espèce qui a un comportement migratoire assez difficile. Ce n'est pas comme le saumon, c'est une espèce qui migre en banc dans les grandes rivières. Alors ça prend des conditions idéales : gros débit d'eau, peu de tourbillons ou de turbulences dans les passes migratoires », explique Richard Verdon, biologiste.

En attendant de trouver une solution, une équipe de chercheurs essaie de repérer de nouvelles frayères afin de les protéger. Plus il y aura de frayères en santé, meilleures seront les chances de survie de cette espèce, qui connaît un fort déclin depuis le milieu du siècle. L'an dernier, ils ont découvert une nouvelle frayère en aval de la centrale Rivière-des-Prairies. Mais cette dernière est malheureusement située dans un milieu très urbanisé et perturbé par les bateaux de plaisance, la pêche et la pollution, ce qui rend son existence encore plus précaire.

L'alose savoureuse est un poisson très discret, qui fréquente surtout les courants puissants, ce qui rend son observation difficile. C'est également une espèce qui ne se reproduit que dans des conditions spécifiques qu'on ne connaît pas encore très bien. Le travail des chercheurs consiste à cartographier le site de reproduction en mesurant la profondeur de la rivière, la température de l'eau et la force des courants avec un courantomètre. En raison des variations du niveau d'eau, la frayère peut se déplacer. En connaissant les préférences de l'alose, on peut mieux prévoir son comportement. Les chercheurs tentent également d'évaluer si la frayère est importante ou pas. Le meilleur moment pour le faire, c'est à la tombée du jour, lorsque les poissons se rassemblent pour se reproduire.

Cependant, même les aloses qui ont réussi à se rendre au lac des Deux-Montagnes ne sont pas au bout de leur peine. Après avoir frayé, une partie d'entre elles redescendent en mer par le fleuve. Mais des dizaines de milliers d'autres choisissent la rivière des Prairies où, encore une fois, elles frappent un mur : la centrale. Les aloses se méfient du bruit que produisent les moteurs des turbines, mais elles finissent par suivre le puissant courant qui les entraîne sous la centrale. De l'autre coté, c'est l'hécatombe. Frappés par les séparateurs, découpés par les turbines, des milliers de poissons meurent chaque année.

Pour réduire les dommages, Hydro-Québec a développé une méthode ingénieuse qui permet un suivi quotidien du mouvement des aloses près de la centrale. À l'aide d'un ordinateur et d'un sonar installé sur les prises d'eau, on repère les groupes de poissons qui se préparent à franchir l'obstacle. Puis, lorsqu'ils sont assez nombreux, on arrête les turbines. « On a réalisé plusieurs essais les années précédentes qui nous ont montré que pendant une heure, vers 10 h le matin, si on ferme la centrale, si on arrête de produire de l'électricité et que l'eau est détournée vers l'évacuateur, on arrive à sauver 98 % des aloses », a constaté Jacques Camartin. À cause du courant, les aloses sont littéralement propulsées de l'autre côté de la centrale. On pense que ce traitement-choc peut en blesser ou en tuer plusieurs, mais au moins, on a évité le pire.

Quelques semaines plus tard, ce sont les aloses juvéniles, fraîchement arrivées de la frayère, qui vont suivre le même chemin. Heureusement, pour ces poissons minuscules, les turbines ne représentent aucun danger. Elles vont franchir l'obstacle sans peine. C'est donc le début d'un nouveau cycle de reproduction.

Pour en savoir plus :

Société de la faune et des parcs du Québec
Alose savoureuse

 


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