Le virus du Nil
Depuis 1999, le virus du
Nil occidental poursuit ses ravages sur la faune nord-américaine.
Son arrivée en sol canadien soulève des
questions importantes sur notre gestion des pathogènes
exotiques.
Journaliste :
Michel Rochon
Réalisateur :
Yves Lévesque |
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Dans
un cimetière de la Nouvelle-Angleterre, un homme
est à la recherche du gardien des lieux. Kevin
McGowan, ornithologue au Laboratoire d'ornithologie
de Cornell, cherche en fait des corneilles d'Amérique,
une espèce d'oiseaux qu'il étudie depuis
de nombreuses années. Or, les corneilles du cimetière
ne survivront peut-être pas jusqu'à la
fin de l'été. Une maladie dévastatrice
les guette : le virus du Nil occidental. Cette maladie,
transmise par les moustiques, fait beaucoup plus de
victimes chez les corneilles que chez les humains. Une
fois infectés, ces oiseaux meurent presque tous
d'une encéphalite en moins de six jours.
À l'aide d'une antenne, Kevin
McGowan peut suivre les corneilles qu'il a munies d'un
petit émetteur radio. Il veut comprendre l'impact
du virus du Nil à la fois sur leur comportement
social et sur la taille de leur population. Dans un
stationnement, il retrouve une famille qu'il connaît
bien. Les corneilles sont sédentaires et forment
des couples pour la vie. Curieusement, certaines d'entre
elles ne se reproduisent pas. Elles ne font qu'aider
à l'éducation des jeunes. Mais l'arrivée
du virus du Nil, avec un taux de mortalité de
90 % dans certaines régions, a chambardé
ce comportement.
Kevin
McGowan a été un des premiers scientifiques
à s'inquiéter de l'arrivée du virus
du Nil à New York au mois d'août 1999.
Depuis, Kevin McGowan n'a pu que constater la progression
fulgurante du virus. Entre 1999 et 2001, le virus a
rapidement infecté les corneilles de la Nouvelle-Angleterre,
des États du Sud et de l'Ontario. En 2002, il
était présent dans 44 États et
envahissait le Canada.
Pourtant, les corneilles ne sont pas
des oiseaux migrateurs, et le déplacement des
moustiques est très limité. Selon Kevin
McGowan, il faut donc qu'il y ait un autre joueur :
les oiseaux migrateurs. Tous les corvidés, c'est-à-dire
les corbeaux, les corneilles et les geais bleus, sont
les oiseaux les plus touchés par le virus du
Nil. Au total, c'est plus de 130 autres espèces
d'oiseaux qui sont actuellement infectés par
le virus du Nil.
Au tour des mammifères
Depuis quatre ans, des mammifères
ont aussi été atteints. Les chevaux sont
particulièrement susceptibles d'être infectés
par la maladie. Près du quart des chevaux infectés
en meurent. L'an passé, aux États-Unis,
environ 4000 chevaux en sont morts. Le virus s'attaque
même aux reptiles. En Floride, des alligators
ont succombé à la maladie.
Tout cela s'explique par l'arrivée
d'un nouveau virus dans un écosystème
vulnérable, sans anticorps pour se défendre.
Ce nouveau venu en Amérique a sa façon
bien à lui d'infecter. Une fois dans le sang,
le virus du Nil entre dans le cerveau et cause une inflammation
souvent mortelle, l'encéphalite. Les mécanismes
exacts sont encore inconnus. Alors comment combattre
cet ingénieux virus?
Le
seul vaccin présentement utilisé est pour
les chevaux. Il s'agit du vaccin Fort Dodge, sur le
marché depuis 2001. Au Québec, un programme,
sur une base volontaire seulement, a permis de vacciner
un nombre indéterminé de chevaux. L'idée
d'utiliser un vaccin efficace pour les oiseaux commence
à faire son chemin chez certains scientifiques,
dont Kevin McGowan. Mais pour l'instant, il n'existe
pas de tels vaccins pour les oiseaux. En attendant,
on s'attaque au vecteur : le moustique.
La relation virus-moustique
Le moustique est le principal mode de
transmission de la maladie. Il y a d'abord un type de
moustique qui pique et transmet le virus du Nil d'un
oiseau à l'autre. Il amplifie la maladie dans
le réservoir que sont les oiseaux. Ensuite, un
autre type de moustique va piquer un oiseau porteur
et ensuite un mammifère, occasionnellement un
humain.
Dans
la région de Saint-Donat, en mai dernier, les
autorités ont procédé à
l'épandage de BTI, un insecticide biologique,
sur les marécages et les zones humides des milieux
urbains pour détruire les larves de moustiques.
L'objectif : éliminer le plus de larves possible
pour éviter d'utiliser des pesticides chimiques
sur les moustiques adultes plus tard en saison.
Le BTI est utilisé au Québec
depuis près de 25 ans avec un taux de destruction
des larves de près de 100 %. Selon les études,
la toxicité du BTI est quasi inexistante, et
le produit est dégradé en quelques heures.
L'autre avantage est que le BTI agit spécifiquement
sur les larves de moustiques.
Les invasions barbares
Il est trop tôt pour évaluer
l'effet de ce larvicide. Une chose est certaine, le
virus du Nil est ici pour rester. Après quatre
années consécutives de mortalité
chez les oiseaux, le virus a eu un impact certain sur
l'écosystème, mais il est pour l'instant
difficile à évaluer. Ce virus fait partie
de toute une panoplie d'organismes exotiques - du SRAS
à la moule zébrée - qui envahissent
le Canada à un rythme accéléré
depuis plusieurs années.
Mais d'ici quelques années, une
résistance au virus se développera, et
un nouvel équilibre s'installera dans l'écosystème.
Pour en savoir plus :
Le
virus du Nil occidental
Site de Santé Canada
Nil
n'est à l'abri : protégez-vous contre
les maringouins
Site du ministère de la Santé et des Services
sociaux, Gouvernement du Québec.
Virus
du Nil occidental
Dossier de Radio-Canada.ca
Journaliste :
Michel Rochon
Réalisateur : Yves Lévesque |