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REPORTAGE  —  7 septembre 2003

 
Le virus du Nil

Depuis 1999, le virus du Nil occidental poursuit ses ravages sur la faune nord-américaine. Son arrivée en sol canadien soulève des questions importantes sur notre gestion des pathogènes exotiques.

Journaliste : Michel Rochon
Réalisateur : Yves Lévesque

 

Dans un cimetière de la Nouvelle-Angleterre, un homme est à la recherche du gardien des lieux. Kevin McGowan, ornithologue au Laboratoire d'ornithologie de Cornell, cherche en fait des corneilles d'Amérique, une espèce d'oiseaux qu'il étudie depuis de nombreuses années. Or, les corneilles du cimetière ne survivront peut-être pas jusqu'à la fin de l'été. Une maladie dévastatrice les guette : le virus du Nil occidental. Cette maladie, transmise par les moustiques, fait beaucoup plus de victimes chez les corneilles que chez les humains. Une fois infectés, ces oiseaux meurent presque tous d'une encéphalite en moins de six jours.

À l'aide d'une antenne, Kevin McGowan peut suivre les corneilles qu'il a munies d'un petit émetteur radio. Il veut comprendre l'impact du virus du Nil à la fois sur leur comportement social et sur la taille de leur population. Dans un stationnement, il retrouve une famille qu'il connaît bien. Les corneilles sont sédentaires et forment des couples pour la vie. Curieusement, certaines d'entre elles ne se reproduisent pas. Elles ne font qu'aider à l'éducation des jeunes. Mais l'arrivée du virus du Nil, avec un taux de mortalité de 90 % dans certaines régions, a chambardé ce comportement.

Kevin McGowan a été un des premiers scientifiques à s'inquiéter de l'arrivée du virus du Nil à New York au mois d'août 1999. Depuis, Kevin McGowan n'a pu que constater la progression fulgurante du virus. Entre 1999 et 2001, le virus a rapidement infecté les corneilles de la Nouvelle-Angleterre, des États du Sud et de l'Ontario. En 2002, il était présent dans 44 États et envahissait le Canada.

Pourtant, les corneilles ne sont pas des oiseaux migrateurs, et le déplacement des moustiques est très limité. Selon Kevin McGowan, il faut donc qu'il y ait un autre joueur : les oiseaux migrateurs. Tous les corvidés, c'est-à-dire les corbeaux, les corneilles et les geais bleus, sont les oiseaux les plus touchés par le virus du Nil. Au total, c'est plus de 130 autres espèces d'oiseaux qui sont actuellement infectés par le virus du Nil.

Au tour des mammifères

Depuis quatre ans, des mammifères ont aussi été atteints. Les chevaux sont particulièrement susceptibles d'être infectés par la maladie. Près du quart des chevaux infectés en meurent. L'an passé, aux États-Unis, environ 4000 chevaux en sont morts. Le virus s'attaque même aux reptiles. En Floride, des alligators ont succombé à la maladie.

Tout cela s'explique par l'arrivée d'un nouveau virus dans un écosystème vulnérable, sans anticorps pour se défendre. Ce nouveau venu en Amérique a sa façon bien à lui d'infecter. Une fois dans le sang, le virus du Nil entre dans le cerveau et cause une inflammation souvent mortelle, l'encéphalite. Les mécanismes exacts sont encore inconnus. Alors comment combattre cet ingénieux virus?

Le seul vaccin présentement utilisé est pour les chevaux. Il s'agit du vaccin Fort Dodge, sur le marché depuis 2001. Au Québec, un programme, sur une base volontaire seulement, a permis de vacciner un nombre indéterminé de chevaux. L'idée d'utiliser un vaccin efficace pour les oiseaux commence à faire son chemin chez certains scientifiques, dont Kevin McGowan. Mais pour l'instant, il n'existe pas de tels vaccins pour les oiseaux. En attendant, on s'attaque au vecteur : le moustique.

La relation virus-moustique

Le moustique est le principal mode de transmission de la maladie. Il y a d'abord un type de moustique qui pique et transmet le virus du Nil d'un oiseau à l'autre. Il amplifie la maladie dans le réservoir que sont les oiseaux. Ensuite, un autre type de moustique va piquer un oiseau porteur et ensuite un mammifère, occasionnellement un humain.

Dans la région de Saint-Donat, en mai dernier, les autorités ont procédé à l'épandage de BTI, un insecticide biologique, sur les marécages et les zones humides des milieux urbains pour détruire les larves de moustiques. L'objectif : éliminer le plus de larves possible pour éviter d'utiliser des pesticides chimiques sur les moustiques adultes plus tard en saison.

Le BTI est utilisé au Québec depuis près de 25 ans avec un taux de destruction des larves de près de 100 %. Selon les études, la toxicité du BTI est quasi inexistante, et le produit est dégradé en quelques heures. L'autre avantage est que le BTI agit spécifiquement sur les larves de moustiques.

Les invasions barbares

Il est trop tôt pour évaluer l'effet de ce larvicide. Une chose est certaine, le virus du Nil est ici pour rester. Après quatre années consécutives de mortalité chez les oiseaux, le virus a eu un impact certain sur l'écosystème, mais il est pour l'instant difficile à évaluer. Ce virus fait partie de toute une panoplie d'organismes exotiques - du SRAS à la moule zébrée - qui envahissent le Canada à un rythme accéléré depuis plusieurs années.

Mais d'ici quelques années, une résistance au virus se développera, et un nouvel équilibre s'installera dans l'écosystème.

 

Pour en savoir plus :

Le virus du Nil occidental
Site de Santé Canada

Nil n'est à l'abri : protégez-vous contre les maringouins
Site du ministère de la Santé et des Services sociaux, Gouvernement du Québec.

Virus du Nil occidental
Dossier de Radio-Canada.ca

Journaliste : Michel Rochon
Réalisateur : Yves Lévesque


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