En
février 2003, une épidémie
d'un nouveau syndrome a fait son apparition. Il
s'agit du syndrome respiratoire aigu sévère,
le SRAS. Cette pneumonie atypique s'est répandue
depuis la province chinoise de Guangdong. Des efforts
considérables ont été déployés
pour contrôler la propagation du SRAS. Il
a malgré cela engendré une peur médiatique.
Était-elle justifiée? Sommes-nous
face à une nouvelle pandémie dévastatrice?
Une mise au point sur ce syndrome qui, malgré
les nombreux décès, a fait plus de
peur que de mal.
Février
2003. Hong-Kong. Une nouvelle maladie prend d'assaut
cette ville de 7 millions d'habitants, la plus dense
d'Asie. Il s'agit d'une pneumonie atypique :
le syndrome respiratoire aigu sévère,
le SRAS. Elle se répand rapidement à
Singapour, puis au Viêtnam, et elle atteint
même le Canada. Plusieurs personnes en meurent.
L'OMS déclenche alors
une alerte mondiale. La principale peur? Que cette
maladie soit la nouvelle souche mortelle tant redoutée
de la grippe, l'influenza. Bilan après deux
mois de propagation : plus de 4000 cas d'infection,
et près de 300 morts. L'histoire fait la
une des médias. Une panique s'empare des
villes touchées. Mais y a-t-il lieu de s'inquiéter?
« Je
pense que dans la mentalité humaine,
il y a toujours cette peur de la maladie,
ça c'est la première chose.
Il y a la peur de l'inconnu. Et c'est toujours
intéressant de voir comment, finalement,
on se retrouve un peu comme au Moyen-Âge.
C'est tout juste si on ne voit pas les gens
mettre des croix devant les maisons des
gens qui étaient malades, un peu
comme pour les épidémies de
peste. [...] Alors, je pense que ce qu'il
faut, c'est savoir que c'est une maladie,
que ça cause une certaine mortalité,
qu'il y a des conséquences, mais
que pour la majorité des gens qui
vont faire leur épicerie, ce n'est
certainement pas là qu'ils vont attraper
le SRAS. C'est un peu comme ça qu'il
faut essayer de voir la maladie dans son
ensemble. »
Dr Karl Weiss,
microbiologiste et infectiologue à
l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont
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Première
constatation : la majorité des personnes
en santé ne vont pas nécessairement
en mourir. Comme le suggère le Dr Weiss,
ceux qui décèdent sont surtout des
personnes au système immunitaire affaibli.
Par contre, de récentes victimes chinoises
dans la trentaine, et apparemment en bonne santé,
sont décédées. Il faudra attendre
l'évolution de l'épidémie pour
voir si c'est une tendance ou un cas isolé.
Mais chose certaine, le taux de mortalité
du SRAS est comparable à d'autres maladies
infectieuses pulmonaires. Il se situe actuellement
à environ 6 %. Ce n'est pas beaucoup
plus que la grippe, dont le taux de décès
est de 5 %. Et c'est moins que la pneumonie :
10 % de ceux qui sont hospitalisés en
meurent. Au total, ces deux maladies respiratoires
causent 8000 décès par année
au Canada.
Le coupable est le « coronavirus ».
Corona veut dire couronne. Sa membrane est entourée
de protéines qui lui donnent une forme de
couronne. Il est aussi un des virus responsables
du rhume. Les symptômes se résument
d'ailleurs à un rhume accompagné d'une
fièvre.
Il proviendrait peut-être
d'un animal comme un oiseau de basse-cour
qui l'aurait transmis à un humain.
Une piste qui reste à vérifier. Par
contre, le coronavirus n'est pas présent
chez toutes les victimes. Ce qui soulève
l'idée qu'il y aurait peut-être un
autre agent infectieux encore inconnu.
Le
risque de pandémie une épidémie
à l'échelle mondiale demeure
pour le moment faible car le virus se transmet principalement
par contact direct ou par les gouttelettes de la
toux et des éternuements. Par contre, cette
semaine, on a découvert qu'il peut survivre
jusqu'à 24 h à l'extérieur
du corps. Des surfaces et objets du quotidien seraient
une route de transmission additionnelle. Mais pour
avoir une transmission plus efficace, il faudrait
que le virus se transmette d'abord par la voie des
airs, comme c'est le cas avec l'influenza, la grippe.
Prenons la grippe espagnole de 1918.
En moins de trois semaines entre le 14 septembre
et le 15 octobre la maladie avait envahi
les États-Unis. Près du tiers des
Américains ont développé la
maladie, tuant 675 000 personnes, la majorité
entre l'âge de 20 et 40 ans. Au Canada, 50 000
personnes sont décédées en
quelques semaines. Dans le monde, ce fut près
de 30 millions.
C'est pour éviter une telle
pandémie que l'OMS a sonné l'alarme.
La stratégie : premièrement,
isoler systématiquement chaque cas. C'est
la seule façon de stopper l'épidémie.
C'est ce qu'ont fait plusieurs hôpitaux de
Toronto. Mais comme la période d'incubation
va de 2 à 10 jours, de nouveaux cas surgissent
encore, malgré les efforts de quarantaine.
Quels seront les pays les plus vulnérables?
Les pays les plus pauvres et les plus populeux.
En Chine, par exemple, bien que la quarantaine ait
été décrétée
à Pékin cette semaine, les conditions
d'hygiène dans le pays rendent la propagation
plus facile. À cela s'ajoute le fait que
les autorités médicales n'ont pas
réagi assez rapidement, et que les ressources
médicales ne sont pas suffisantes dans bien
des régions rurales. D'autres pays populeux,
comme l'Inde, n'ont peut-être pas déclaré
tous les cas et mis en place les structures nécessaires
pour contenir la propagation.
Quant
à un médicament et un vaccin, il faudra
être patient. Bien qu'on ait séquencé
le génome du coronavirus, on a découvert
qu'il se transforme rapidement. Il faudra trouver
un médicament et un vaccin qui puissent tenir
compte de toutes les formes du virus. En attendant,
un cocktail d'antibiotiques et d'antiviraux, dont
la ribavirine, semble avoir une certaine activité.
L'avenir sera rose ou noir. Rose
si un effort massif est déployé par
l'ensemble des autorités sanitaires pour
contenir la propagation du virus. Noir si on ne
prend pas les mesures nécessaires. Si c'est
le cas, on risque une pandémie qui fera des
ravages, surtout dans les pays en voie de développement.
Journaliste : Michel
Rochon
Réalisateur : Yves Lévesque
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