Rien
de plus banal que des moisissures. Il y en a dans
des déchets végétaux qui pourrissent,
il y en a dans l'air environnant : des milliers
d'espèces différentes. Il y en a aussi
dans nos maisons et, en règle générale,
il n'y a pas lieu de s'en inquiéter outre
mesure. Mais les scientifiques découvrent
que de plus en plus de ces moisissures ont de sérieux
effets allergènes ou toxiques, ce qui donne
l'alerte dans les milieux de santé publique.
Quels sont les véritables dangers des moisissures?
Peut-on s'en protéger? Une équipe
de Découverte s'est penchée sur la
question.
Une
résidence contaminée
Un
quartier cossu de la Rive-Sud, près de Montréal.
Un sous-sol, un enquêteur. Son ennemi :
les moisissures. Il les découvre derrière
une plinthe.
« Quand c'est caché,
c'est encore plus vicieux, plus subtil, parce que
c'est repris par la ventilation, par le système
de chauffage, puis c'est distribué à
l'intérieur de la maison. Les enfants sont
une population à risque. Les gens qui sont
asthmatiques auront énormément de
difficulté à respirer. Il y en a d'autres
qui auront un [manque] d'énergie, des troubles
de la peau et des problèmes de dermatite »,
explique Claude Mainville, ingénieur, chez
Groupe NAK, à Montréal.
Des moisissures dans cette maison, il y en a partout.
Quelques mois plus tôt, lors de travaux de
rénovation, à certains endroits, c'était
très visible. On a cru s'en débarrasser,
mais il en reste. On en trouve aussi dans le filtre
de la fournaise, dans les armoires du sous-sol et
sur un mur de béton.
Moisissure = de l'eau
+ du temps + de la cellulose,
ou des nutriments qui supportent la moisissure
Les moisissures sont des champignons invisibles
à l'il nu.
Il y en a des milliers d'espèces.
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Omniprésentes
dans l'air extérieur, les moisissures pénètrent
facilement à l'intérieur des maisons,
grâce à leurs particularités.
Leurs spores, très petites, à peine
quelques microns, s'accrochent aux poussières
et se déposent très lentement.
Pour les identifier, pas de secret : un bon
laboratoire, un microscope. Par exemple, dans le
cas de notre maison de la Rive-Sud, une moisissure
toxique du nom de « Stachibotrys Chartarum »
et une moisissure allergène, « Chaetomium »,
ont été trouvées en grand nombre.
La famille qui vivait là avec de jeunes enfants
a donc dû déménager le temps
que la maison soit décontaminée, à
grands frais.
Depuis peu, la science a en effet établi
que les moisissures peuvent avoir de sérieux
effets sur la santé. Certaines
sont neurotoxiques, c'est-à-dire
qu'elles affectent le système nerveux
central causant, par exemple, des maux de
tête et des problèmes de mémoire
ou de concentration. D'autres, et c'est
le cas de la majorité des moisissures,
causent des allergies.
Les effets allergènes (maux de tête,
nausée, etc.) sont souvent temporaires
et réversibles, mais parfois, ils
peuvent être permanents.
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Les moisissures : présentes partout?
Tout
cela est plutôt inquiétant, mais les
moisissures sont-elles fréquentes dans l'air
des maisons ou des édifices? Oui, et de plus
en plus, nous indique Marie-France Pinard,
microbiologiste environnementale chez Microvital,
à Montréal : « Avant,
on ne savait pas où chercher. Maintenant,
oui. Par exemple, Travaux publics Canada a détecté
qu'il y avait des problèmes de moisissures
dans 21 % des bâtiments expertisés
en 1994, alors qu'auparavant, ils s'en tenaient
à un chiffre conservateur. [...] On pense
qu'il y a un bâtiment sur quatre, au Québec,
qui a vu assez d'eau pour avoir des problèmes
de moisissures ».
La grande responsable du
développement de colonies de moisissures,
c'est l'eau.
Inondations, refoulement d'égouts,
dégâts de plomberie, toits qui
coulent, c'est toujours l'eau qui crée
les problèmes. Elle réactive
les spores asséchées et cause
des proliférations rapides.
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Les milieux publics
Voici
un cas frappant, qui touche cette fois un bâtiment
public :
En 1999, le CLSC
Marigot à Laval venait à peine
d'être construit. Il y a eu un dégât
d'eau. Les toilettes ont débordé,
on a sommairement nettoyé. Quelques jours
plus tard, Fernande Tapp, absente au moment
de l'incident, a été très incommodée
à son retour au bureau. Celle-ci avait d'ailleurs
remarqué que les cas d'asthmes et de sinusites
avaient sensiblement augmenté à l'hôpital,
et qu'une « fatigue générale
semblait vouloir s'installer ». Elle
a donc consulté un médecin, qui a
exigé qu'elle soit retirée de son
lieu de travail. Le diagnostic : une allergie
très sévère au pénicillium,
un champignon qui avait envahi son bureau suite
au dégât d'eau. Aujourd'hui, Mme Tapp
est hypersensibilisée aux moisissures et
ne peut se déplacer sans ses médicaments.
Les
écoles figurent aussi parmi les
bâtiments publics qui sont affectés
par les moisissures. Au Québec,
contrairement aux États-unis, on ne possède
pas de bilan d'ensemble, mais on a des indices troublants.
Les classes en matériaux préfabriqués,
par exemple, comme celle-ci à Mont-Saint
Hilaire, il y a 3 ans.
« Il y avait des enfants
qui avaient des maux de tête, des maux de
cur, des maux de ventre... puis on trouvait
que c'était beaucoup plus fréquent
que la normale. » - Patricia Boë,
éducatrice
Selon une étude récente,
sur une cinquantaine de classes en préfabriqué
de la région de Montréal, 40 %
avaient des moisissures sur une surface importante.
Depuis on les a enlevées, ou on a rénové
ces écoles de fond en comble.
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Entre-temps, des enfants en ont été
affectés. Si les enfants sont à risque,
les malades, en particulier ceux dont le système
immunitaire est fragilisé, sont encore plus
menacés.
Dans
les hôpitaux, les moisissures ont
déjà semé un véritable
vent de panique. En mars 2001, dans la confusion,
l'Hôpital Royal Victoria fermait ses 16 salles
d'opération. À la suite de deux décès
suspects, il fallait nettoyer les systèmes
de ventilation, dans lesquels on avait trouvé
des moisissures pathogènes, des « aspergillus »,
qui ont la particularité de causer des infections
à l'intérieur même du corps
humain.
Un tueur redoutable
En
général, pour les personnes
en santé, pas de problème. Leur
système immunitaire s'en débarrasse
assez vite. Mais il n'en va pas de même
pour les patients dont l'immunité est
très affaiblie par les traitements
qu'ils subissent, en particulier lors de greffes
et de cancers.
« La spore n'est plus arrêtée,
elle va continuer jusque dans l'arbre, proliférer
et là, elle peut aller infecter, via
la circulation sanguine, le foie, la rate,
le système nerveux central. »
- Dr Céline Laferrière,
pédiatre-infectiologue, Hôpital
Sainte-Justine, Montréal
Dans les unités à haut risque,
l'aspergillose invasive est mortelle près
d'une fois sur deux. En milieu hospitalier,
c'est donc un tueur redoutable.
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Mais
il n'y a pas que le Royal Victoria. La liste est
longue : elle a commencé par l'Hôpital
Saint-Francois d'Assise, en 1985. Depuis, pas moins
de huit autres hôpitaux du Québec ont
publiquement reconnu avoir eu des contaminations
par les moisissures. Dans ces établissements,
pourtant, on connaît bien la cause des problèmes :
les moisissures se répandent lors de travaux
de rénovation mal protégés,
qui remettent en circulation la poussière.
Selon Santé Canada, en 20
ans, ces circonstances ont causé au moins
153 morts dans divers hôpitaux au Canada
et aux États-Unis. Mais surtout, les moisissures
prolifèrent dans les systèmes de ventilation
qui laissent s'accumuler l'eau.
Et
l'avenir?
Le Dr Lafferière fait partie des infectiologues
qui ont décidé de prendre le taureau
par les cornes. Selon elle, on peut éliminer
les moisissures des hôpitaux. Mais il faut,
dit-elle, que les mentalités changent :
« L'ingénieur ne peut travailler
seul et le spécialiste des infections non
plus. Alors, le temps est venu de s'asseoir et de
comprendre les données de l'un et de l'autre ».
Pour
quelqu'un comme Marie- France Pinard, qui
a passé 25 ans dans la lutte aux moisissures,
au moins, on commence à reconnaître
le problème publiquement : « Il
y a une très grande évolution [...].
Maintenant, Santé publique a non seulement
reconnu qu'il existait un problème de contamination
dans beaucoup de bâtiments au Québec,
mais a aussi publié un consensus strict qui
affirme qu'il y a des risques sérieux pour
la santé [...] et qu'il faut s'en occuper ».
En Belgique, des mesures strictes imposées
en milieu hospitalier ont fait chuter de moitié
le taux d'aspergilloses acquises à l'hôpital.
Et cela, en moins de 10 ans. Maisons
privées, écoles, hôpitaux
le temps de la chasse aux moisissures a sonné!
Journaliste : Jean-Pierre
Rogel
Réalisateur : Pascal Gélinas
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Les
moisissures :
(version vidéo) |
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