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REPORTAGE  —  13 avril 2003

 
SOS Columbia

Premier février 2003, 9 h, Floride. La NASA perd le contact avec la navette Columbia, alors que celle-ci survole la ville de Dallas, au Texas, à une altitude de 60 kilomètres et avec une vitesse de 20 000 km/h. En route vers le centre spatial Kennedy, elle devait y atterrir à 9 h 16, heure locale. Puis, la catastrophe : la navette spatiale se désintègre et provoque la mort des sept astronautes à bord. Imaginons que la NASA ait su, juste à temps, que la navette Columbia se désintégrerait dans l'atmosphère, et qu'elle ait ordonné in extremis à l'équipage de demeurer en orbite. Dans ce cas, aurait-on pu sauver les 7 astronautes?

Rappelons-nous d'Apollo XIII. Un réservoir d'oxygène avait explosé, laissant le module de commande sans énergie, sans air. L'ingéniosité de l'équipe au sol et le sang-froid des astronautes ont permis de ramener sur terre les trois hommes en perdition. Un scénario hollywoodien qui a tenu en haleine la planète entière.


Réparer le bouclier thermique?

Mais qu'en est-il de Columbia? La cause la plus probable de la catastrophe semble avoir été la défaillance du bouclier thermique. Il aurait été endommagé par des débris de mousse isolante provenant du réservoir principal lors du décollage. Isolés dans l'espace, les astronautes peuvent-ils réparer le bouclier thermique? Non, pour la simple raison qu'il n'existe pas de trousse de réparation.

Rester en orbite?
Dans ce cas, l'équipage peut-il demeurer en orbite et attendre tranquillement que la Terre leur vienne en aide? Tranquillement? Non. Cela fait déjà 15 jours qu'ils sont en orbite. Leur temps est compté. L'air de la navette deviendra irrespirable. Les astronautes mourront d'intoxication au gaz carbonique relâché par leur respiration.



Un refuge à la Station spatiale internationale?
Peuvent-ils trouver refuge à la Station spatiale internationale? Impossible! Les deux vaisseaux n'ont pas la même altitude et leurs orbites sont différentes. La trajectoire de Columbia a une inclinaison orbitale de 39 degrés. Celle de la Station spatiale, de 51,6 degrés. Chaque vaisseau voyage à une vitesse de 28 000 kilomètres à l'heure. Changer de direction à cette vitesse et rejoindre la station spatiale exige une dépense énorme d'énergie. Columbia n'a pas le carburant pour effectuer cette manœuvre. Les astronautes sont donc piégés. Seule la Terre peut les aider.

Une navette à la rescousse?
En théorie, une navette pourrait venir les sauver. Atlantis doit décoller un mois plus tard, le premier mars. Pour accélérer son départ, il faut oublier les procédures de sécurité et prendre d'énormes risques. Mais même en tournant les coins rond, Atlantis ne peut pas arriver à temps. Que faire pour permettre à l'équipage de Columbia d'attendre plus longtemps?



Attendre oui, mais avec une cargaison de survie!
Le 1er février, une fusée Ariane 4 est sur son pas de tir. Elle pourrait transporter sur l'orbite de Columbia une cargaison de survie, comprenant entre autres des cylindres d'hydroxyde de lithium, pour éliminer le CO2, et de l'oxygène. Pour cela, on doit fabriquer en toute hâte un contenant adapté à cette fusée. Mais encore plus, il faut revoir en catastrophe sa trajectoire. Ce qui rend problématique le succès de la mission.
Aussi, il ne faut pas s'en tenir à Ariane, il faut envoyer d'autres lanceurs américains ou étrangers avec la même cargaison, en espérant que l'un atteigne son but. Oublions les Russes. Ils lancent leurs fusées vers le nord-est, engendrant une orbite qui n'est pas compatible avec celle de Columbia.

Imaginons qu'on réussisse malgré tout à envoyer une cargaison de survie près de Columbia, c'est maintenant aux astronautes d'entrer en action. Normalement, pour saisir un objet dans l'espace, les astronautes font appel au bras canadien. Columbia ne l'a pas. Il a fallu le sacrifier en faveur du spacelab. Les astronautes n'ont pas le choix, ils doivent agripper cette cargaison manuellement.


Cela s'est déjà fait pour un satellite. En 1981, des astronautes spécialement entraînés avaient essayé de saisir un satellite avec un équipement sur mesure. Par deux fois, ce fut l'échec. Puis lors de l'ultime tentative, trois astronautes ont réussi à empoigner le satellite. Chacun était fermement ancré à la navette ou au bras spatial. C'était une opération risquée! Elle a duré 8 heures et demie.

La situation de Columbia est plus dramatique. L'équipage n'a que deux combinaisons de sortie, pas beaucoup d'oxygène en réserve. Pour eux, saisir manuellement la cargaison de secours, même munie de poignées spécialement conçues, est de la haute voltige. Un défi extrêmement difficile.

Mais imaginons que tout se passe bien, que les astronautes réussissent à décharger la cargaison et à l'installer à bord. Alors pour Columbia, c'est l'attente. Atlantis décolle enfin avec deux astronautes et cinq combinaisons de sortie additionnelles. Les deux navettes ne peuvent pas s'amarrer, elles ne sont pas équipées pour le faire. Les astronautes n'ont pas le choix. Pour rejoindre Atlantis, ils doivent marcher dans l'espace. Une sortie périlleuse! Une fois à bord d'Atlantis, ils sont sauvés. Ce scénario hollywoodien aurait pu être celui de la dernière chance pour les sept membres de l'équipage de Columbia.


Un retour progressif dans l'atmosphère?
Et si rien de tout cela n'avait fonctionné, plutôt que de laisser mourir les astronautes en orbite, la NASA aurait risqué un retour progressif dans l'atmosphère terrestre afin de ménager le bouclier thermique.
Dans ce cas, la navette aurait plané plus longtemps. Elle n'aurait pas atterri en Floride, mais en Espagne ou en Australie.

Aurait-on pu sauver la vie des astronautes de Columbia? Peut-être. Mais pour cela, il aurait fallu que la NASA comprenne la gravité de la situation à temps. Cette tragédie nous rappelle qu'aller dans l'espace n'est pas une promenade pour touristes.

Journalistes : Charles Tisseyre
et Claude D'Astous

Réalisatrice : Marièle Choquette

SOS Columbia :
(version vidéo)

 

 


 

Un an après l'écrasement de la navette Columbia, le 1er février 2004, l'émission Découverte a présenté un reportage de la BBC sur les derniers résultats de l'enquête.

À la suite de l'émission, Charles Tisseyre a répondu aux questions du public lors d'une session de clavardage.

Accédez par ici à la transcription des réponses

 


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