SOS Columbia
Premier
février 2003, 9 h, Floride. La NASA
perd le contact avec la navette Columbia, alors
que celle-ci survole la ville de Dallas, au Texas,
à une altitude de 60 kilomètres
et avec une vitesse de 20 000 km/h. En
route vers le centre spatial Kennedy, elle devait
y atterrir à 9 h 16, heure locale.
Puis, la catastrophe : la navette spatiale
se désintègre et provoque la mort
des sept astronautes à bord. Imaginons que
la NASA ait su, juste à temps, que la navette
Columbia se désintégrerait dans l'atmosphère,
et qu'elle ait ordonné in extremis à
l'équipage de demeurer en orbite. Dans ce
cas, aurait-on pu sauver les 7 astronautes?
Rappelons-nous d'Apollo XIII.
Un réservoir d'oxygène avait explosé,
laissant le module de commande sans énergie,
sans air. L'ingéniosité de l'équipe
au sol et le sang-froid des astronautes ont permis
de ramener sur terre les trois hommes en perdition.
Un scénario hollywoodien qui a tenu en haleine
la planète entière.
Réparer
le bouclier thermique?
Mais qu'en
est-il de Columbia? La cause la plus probable de
la catastrophe semble avoir été la
défaillance du bouclier thermique. Il aurait
été endommagé par des débris
de mousse isolante provenant du réservoir
principal lors du décollage. Isolés
dans l'espace, les astronautes peuvent-ils réparer
le bouclier thermique? Non, pour la simple raison
qu'il n'existe pas de trousse de réparation.
Rester
en orbite?
Dans ce cas, l'équipage peut-il demeurer
en orbite et attendre tranquillement que la Terre
leur vienne en aide? Tranquillement? Non. Cela fait
déjà 15 jours qu'ils sont en orbite.
Leur temps est compté. L'air de la navette
deviendra irrespirable. Les astronautes mourront
d'intoxication au gaz carbonique relâché
par leur respiration.
Un
refuge à la Station spatiale internationale?
Peuvent-ils
trouver refuge à la Station spatiale internationale?
Impossible! Les deux vaisseaux n'ont pas la même
altitude et leurs orbites sont différentes.
La trajectoire de Columbia a
une inclinaison orbitale de 39 degrés. Celle
de la Station spatiale, de 51,6 degrés. Chaque
vaisseau voyage à une vitesse de 28 000
kilomètres à l'heure. Changer
de direction à cette vitesse et rejoindre
la station spatiale exige une dépense énorme
d'énergie. Columbia n'a pas le carburant
pour effectuer cette manuvre. Les astronautes
sont donc piégés. Seule la Terre peut
les aider.
Une
navette à la rescousse?
En théorie, une navette pourrait venir les
sauver. Atlantis doit décoller un mois plus
tard, le premier mars. Pour accélérer
son départ, il faut oublier les procédures
de sécurité et prendre d'énormes
risques. Mais même en tournant les coins rond,
Atlantis ne peut pas arriver à temps. Que
faire pour permettre à l'équipage
de Columbia d'attendre plus longtemps?
Attendre
oui, mais avec une cargaison de survie!
Le 1er février, une fusée Ariane 4
est sur son pas de tir. Elle pourrait transporter
sur l'orbite de Columbia une cargaison de survie,
comprenant entre autres des cylindres d'hydroxyde
de lithium, pour éliminer le CO2, et de l'oxygène.
Pour cela, on doit fabriquer en toute hâte
un contenant adapté à cette fusée.
Mais encore plus, il faut revoir en catastrophe
sa trajectoire. Ce qui rend problématique
le succès de la mission. Aussi,
il ne faut pas s'en tenir à Ariane, il faut
envoyer d'autres lanceurs américains ou étrangers
avec la même cargaison, en espérant
que l'un atteigne son but. Oublions les Russes.
Ils lancent leurs fusées vers le nord-est,
engendrant une orbite qui n'est pas compatible avec
celle de Columbia.
Imaginons
qu'on réussisse malgré tout à
envoyer une cargaison de survie près de Columbia,
c'est maintenant aux astronautes d'entrer en action.
Normalement, pour saisir un objet dans l'espace,
les astronautes font appel au bras canadien. Columbia
ne l'a pas. Il a fallu le sacrifier en faveur du
spacelab. Les astronautes n'ont pas le choix, ils
doivent agripper cette cargaison manuellement.
Cela
s'est déjà fait pour un satellite.
En 1981, des astronautes spécialement
entraînés avaient essayé
de saisir un satellite avec un équipement
sur mesure. Par deux fois, ce fut l'échec.
Puis lors de l'ultime tentative, trois astronautes
ont réussi à empoigner le satellite.
Chacun était fermement ancré
à la navette ou au bras spatial. C'était
une opération risquée! Elle
a duré 8 heures et demie.
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La situation de Columbia est
plus dramatique. L'équipage n'a que deux
combinaisons de sortie, pas beaucoup d'oxygène
en réserve. Pour eux, saisir manuellement
la cargaison de secours, même munie de poignées
spécialement conçues, est de la haute
voltige. Un défi extrêmement difficile.
Mais
imaginons que tout se passe bien, que les astronautes
réussissent à décharger la
cargaison et à l'installer à bord.
Alors pour Columbia, c'est l'attente. Atlantis décolle
enfin avec deux astronautes et cinq combinaisons
de sortie additionnelles. Les deux navettes ne peuvent
pas s'amarrer, elles ne sont pas équipées
pour le faire. Les astronautes n'ont pas le choix.
Pour rejoindre Atlantis, ils doivent marcher dans
l'espace. Une sortie périlleuse! Une fois
à bord d'Atlantis, ils sont sauvés.
Ce scénario hollywoodien aurait pu être
celui de la dernière chance pour les sept
membres de l'équipage de Columbia.
Un
retour progressif dans l'atmosphère?
Et si rien de tout cela n'avait fonctionné,
plutôt que de laisser mourir les astronautes
en orbite, la NASA aurait risqué un retour
progressif dans l'atmosphère terrestre afin
de ménager le bouclier thermique. Dans
ce cas, la navette aurait plané plus longtemps.
Elle n'aurait pas atterri en Floride, mais en Espagne
ou en Australie.
Aurait-on pu sauver la vie
des astronautes de Columbia? Peut-être. Mais
pour cela, il aurait fallu que la NASA comprenne
la gravité de la situation à temps.
Cette tragédie nous rappelle qu'aller dans
l'espace n'est pas une promenade pour touristes.
Journalistes :
Charles Tisseyre
et Claude D'Astous
Réalisatrice : Marièle
Choquette
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SOS
Columbia :
(version vidéo) |
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