Caroline Pelletier, une
patineuse qui vise l'excellence. De longues heures
à répéter le même mouvement,
encore et encore, en oubliant sa fatigue. Pourtant,
certains chercheurs pensent qu'elle gagnerait peut-être
à s'entraîner moins, et à dormir
davantage!
Plus de sommeil = plus d'apprentissage
Carlyle
Smith, chercheur
à l'université Trent à Peterborough
et sommité mondiale de la recherche sur le
sommeil, est de ceux qui partagent cette opinion.
Selon lui, notre sommeil est bien plus qu'un moment
de repos : il est aussi celui où notre
mémoire intègre et consolide toutes
les nouvelles habiletés acquises pendant
la journée. Il faut donc surtout bien dormir
APRÈS un apprentissage!
L'étude de Carlyle
Smith
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Pour
analyser le phénomène,
les sujets sont d'abord soumis à
un entraînement, comme par exemple
suivre une tache lumineuse avec une
baguette. |
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Le
soir venu, on analyse leur sommeil.
Des électrodes enregistrent le
mouvement des yeux, le tonus musculaire
et les ondes électriques du cerveau.
On peut les suivre à mesure qu'ils
plongent dans les stades successifs
du sommeil. Très vite, les sujets
atteignent les stades 3 puis 4, correspondant
au sommeil le plus profond. |
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Au
bout d'à peu près une
heure et demie, on constate que leur
sommeil devient plus léger, avec
une courte phase de « sommeil
paradoxal » : le cerveau
est très actif, il y a beaucoup
de rêves et les yeux sont agités. |
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Puis,
un nouveau cycle : le retour au
sommeil profond. |
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Au
bout d'une autre heure et demie :
remontée vers le sommeil paradoxal,
et ainsi de suite. |
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Au
beau milieu de cette première
nuit, on réveille la moitié
des sujets. Interdit de se rendormir!
Une semaine plus tard, retour au laboratoire.
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Surprise : ceux qui ont eu une nuit
complète après l'entraînement
sont devenus meilleurs : ils ont affiché
25 % de progrès! Quant à
ceux qu'on avait tirés du lit, leur performance
était inférieure. Pourquoi? Simplement
parce qu'ils ont été privés
de la deuxième partie de leur nuit, période
pendant laquelle le sommeil paradoxal prend beaucoup
plus de place et où notre cerveau travaille!
Apprentissage difficile : l'importance du sommeil
paradoxal
À l'université
d'Ottawa, le psychologue Joseph de Koninck
s'intéresse plus particulièrement
au rôle du sommeil dans un contexte d'apprentissage
difficile.
L'étude de Joseph
de Koninck
En laboratoire, les sujets doivent porter
des lunettes qui renversent la vision, ce
qui les force à tout réapprendre,
même les gestes les plus simples.
Première constatation :
leur sommeil paradoxal s'allonge de 50 %.
« Ce qui suggérait
donc que le sommeil paradoxal joue un rôle
dans l'assimilation de nouvelles informations,
dans l'apprentissage et la mémoire. »
- Joseph de Koninck,
psychologue
D'ailleurs, chez le jeune enfant qui
doit tout apprendre, le sommeil paradoxal
joue un rôle majeur : il dure
la moitié de la nuit!
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Les rêves : un facteur important?
Mais qu'y a-t-il donc de si important, pendant le
sommeil paradoxal? Afin de tenter d'y répondre,
Joseph de Koninck s'est d'abord attardé
aux rêves, particulièrement intenses
dans cette portion de la nuit. Il a donc réveillé
les sujets pendant leurs rêves et leur a demandé
de les décrire.
Le psychologue a constasté que,
même pendant qu'une personne se débat
pour maîtriser un apprentissage complexe,
on n'en retrouve aucune trace dans ses rêves.
En fait, cela n'apparaît que beaucoup
plus tard.
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Sommeil paradoxal, apprentissages consolidés
Alors, si on exclut le rêve,
il faut que cela se passe dans l'inconscient. Chose
certaine, les régions les plus primitives
du cerveau sont très actives pendant le sommeil
paradoxal. Ce sont d'ailleurs elles qui provoquent
le mouvement des yeux. On sait aussi que si une
région du cerveau supérieur a été
active pendant l'apprentissage, elle va se réactiver
pendant le sommeil paradoxal.
Pendant le sommeil paradoxal, « les
choses qu'on a apprises sont consolidées,
rangées. Et on se rend compte que le sommeil
paradoxal consolide surtout les apprentissages intellectuels
ou les choses complexes qui exigent de nouveaux
réflexes ou une nouvelle stratégie »,
affirme M. de Koninck.
Les nuits qui suivent l'apprentissage
Carlyle
Smith a aussi étudié le rôle
des autres nuits qui suivent l'apprentissage (soit
celles excluant la première). Résultat :
il a constaté que les sujets qui avaient
dormi les deux nuits suivant l'apprentissage, mais
qui avaient été réveillés
la troisième, oubliaient autant les notions
apprises que ceux qui n'avaient pas pu dormir la
première. Bref, comme si le cerveau prenait
une nuit de congé et se réservait
pour la troisième nuit une tâche très
importante à accomplir!
Plus précisément, on a constaté
qu'en interrompant cette 3e nuit de sommeil,
30 % des connaissances étaient
perdues!
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Imaginez l'adolescent qui doit assimiler
des notions complexes pendant ses études
et qui, souvent, se couche tard! Et si celui-ci
fait la grasse matinée le lendemain? « C'est
trop tard, explique M. de Koninck. Comme
si on devait retravailler ce qu'on a appris toujours
à la même heure. »
Ce
qui a mené certains chercheurs, tout récemment,
à suggérer qu'on commence les classes
chez les adolescents plus tard le matin, par exemple
à 9 h, ce qui leur donnerait le temps
d'avoir tout le sommeil dont ils ont besoin et de
l'avoir à un moment où leur horloge
biologique le favorise.
Mieux encore : pourquoi ne pas regrouper en
début de semaine tous les cours difficiles
(mathématiques, philosophie, etc.) qu'il
faut consolider pendant le sommeil? Et pourquoi
ne pas remettre au jeudi et au vendredi les cours
de « par cur » qui,
eux, n'en ont pas besoin? Les
adolescents pourraient ainsi passer la fin de semaine
à fêter, sans jamais compromettre ce
qu'ils ont appris!
Journaliste :
Gilles Provost
Réalisatrice : Chantal
Théorêt
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Pour
joindre :
Carlyle Smith,
université Trent à Peterborough
Tél.: 1 (705) 748-1011 #1406
Courriel :
csmith@trentu.ca
Joseph
de Koninck, Université d'Ottawa :
Tél.: 1 (613) 562-5800 #1234
Courriel : jdekonin@uottawa.ca