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REPORTAGE  —  23 mars 2003

 
Le sommeil et la mémoire

Caroline Pelletier, une patineuse qui vise l'excellence. De longues heures à répéter le même mouvement, encore et encore, en oubliant sa fatigue. Pourtant, certains chercheurs pensent qu'elle gagnerait peut-être à s'entraîner moins, et à dormir davantage!




Plus de sommeil = plus d'apprentissage

Carlyle Smith, chercheur à l'université Trent à Peterborough et sommité mondiale de la recherche sur le sommeil, est de ceux qui partagent cette opinion. Selon lui, notre sommeil est bien plus qu'un moment de repos : il est aussi celui où notre mémoire intègre et consolide toutes les nouvelles habiletés acquises pendant la journée. Il faut donc surtout bien dormir APRÈS un apprentissage!

 


L'étude de Carlyle Smith

Pour analyser le phénomène, les sujets sont d'abord soumis à un entraînement, comme par exemple suivre une tache lumineuse avec une baguette.
Le soir venu, on analyse leur sommeil. Des électrodes enregistrent le mouvement des yeux, le tonus musculaire et les ondes électriques du cerveau. On peut les suivre à mesure qu'ils plongent dans les stades successifs du sommeil. Très vite, les sujets atteignent les stades 3 puis 4, correspondant au sommeil le plus profond.
Au bout d'à peu près une heure et demie, on constate que leur sommeil devient plus léger, avec une courte phase de « sommeil paradoxal » : le cerveau est très actif, il y a beaucoup de rêves et les yeux sont agités.
Puis, un nouveau cycle : le retour au sommeil profond.
Au bout d'une autre heure et demie : remontée vers le sommeil paradoxal, et ainsi de suite.
Au beau milieu de cette première nuit, on réveille la moitié des sujets. Interdit de se rendormir! Une semaine plus tard, retour au laboratoire.

 

 


Surprise : ceux qui ont eu une nuit complète après l'entraînement sont devenus meilleurs : ils ont affiché 25 % de progrès! Quant à ceux qu'on avait tirés du lit, leur performance était inférieure. Pourquoi? Simplement parce qu'ils ont été privés de la deuxième partie de leur nuit, période pendant laquelle le sommeil paradoxal prend beaucoup plus de place et où notre cerveau travaille!


Apprentissage difficile : l'importance du sommeil paradoxal

À l'université d'Ottawa, le psychologue Joseph de Koninck s'intéresse plus particulièrement au rôle du sommeil dans un contexte d'apprentissage difficile.

L'étude de Joseph de Koninck

En laboratoire, les sujets doivent porter des lunettes qui renversent la vision, ce qui les force à tout réapprendre, même les gestes les plus simples.

Première constatation :
leur sommeil paradoxal s'allonge de 50 %.

« Ce qui suggérait donc que le sommeil paradoxal joue un rôle dans l'assimilation de nouvelles informations, dans l'apprentissage et la mémoire. »
- Joseph de Koninck, psychologue

D'ailleurs, chez le jeune enfant qui doit tout apprendre, le sommeil paradoxal joue un rôle majeur : il dure la moitié de la nuit!


Les rêves : un facteur important?


Mais qu'y a-t-il donc de si important, pendant le sommeil paradoxal? Afin de tenter d'y répondre, Joseph de Koninck s'est d'abord attardé aux rêves, particulièrement intenses dans cette portion de la nuit. Il a donc réveillé les sujets pendant leurs rêves et leur a demandé de les décrire.

 


Le psychologue a constasté que, même pendant qu'une personne se débat pour maîtriser un apprentissage complexe, on n'en retrouve aucune trace dans ses rêves. En fait, cela n'apparaît que beaucoup plus tard.


Sommeil paradoxal, apprentissages consolidés

Alors, si on exclut le rêve, il faut que cela se passe dans l'inconscient. Chose certaine, les régions les plus primitives du cerveau sont très actives pendant le sommeil paradoxal. Ce sont d'ailleurs elles qui provoquent le mouvement des yeux. On sait aussi que si une région du cerveau supérieur a été active pendant l'apprentissage, elle va se réactiver pendant le sommeil paradoxal.


Pendant le sommeil paradoxal, « les choses qu'on a apprises sont consolidées, rangées. Et on se rend compte que le sommeil paradoxal consolide surtout les apprentissages intellectuels ou les choses complexes qui exigent de nouveaux réflexes ou une nouvelle stratégie », affirme M. de Koninck.

 



Les nuits qui suivent l'apprentissage

Carlyle Smith a aussi étudié le rôle des autres nuits qui suivent l'apprentissage (soit celles excluant la première). Résultat : il a constaté que les sujets qui avaient dormi les deux nuits suivant l'apprentissage, mais qui avaient été réveillés la troisième, oubliaient autant les notions apprises que ceux qui n'avaient pas pu dormir la première. Bref, comme si le cerveau prenait une nuit de congé et se réservait pour la troisième nuit une tâche très importante à accomplir!


Plus précisément, on a constaté qu'en interrompant cette 3e nuit de sommeil,
30 % des connaissances étaient perdues!


Imaginez l'adolescent qui doit assimiler des notions complexes pendant ses études et qui, souvent, se couche tard! Et si celui-ci fait la grasse matinée le lendemain? « C'est trop tard, explique M. de Koninck. Comme si on devait retravailler ce qu'on a appris toujours à la même heure. »

Ce qui a mené certains chercheurs, tout récemment, à suggérer qu'on commence les classes chez les adolescents plus tard le matin, par exemple à 9 h, ce qui leur donnerait le temps d'avoir tout le sommeil dont ils ont besoin et de l'avoir à un moment où leur horloge biologique le favorise.

Mieux encore : pourquoi ne pas regrouper en début de semaine tous les cours difficiles (mathématiques, philosophie, etc.) qu'il faut consolider pendant le sommeil? Et pourquoi ne pas remettre au jeudi et au vendredi les cours de « par cœur » qui, eux, n'en ont pas besoin? Les adolescents pourraient ainsi passer la fin de semaine à fêter, sans jamais compromettre ce qu'ils ont appris!

Journaliste : Gilles Provost
Réalisatrice : Chantal Théorêt


Pour joindre :

Carlyle Smith, université Trent à Peterborough
Tél.: 1 (705) 748-1011 #1406
Courriel : csmith@trentu.ca

Joseph de Koninck, Université d'Ottawa :
Tél.: 1 (613) 562-5800 #1234
Courriel : jdekonin@uottawa.ca

 


 


 



Les études de Carlyle Smith ont révélé que mieux dormir améliore de 25 % nos compétences.



 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 



Autres découvertes : c'est le stade 2 du sommeil qui nous apporte ce surcroît d'habileté dans le sport : précision du mouvement, polissage des réflexes.

On a aussi examiné le « par cœur » : si on ne fait que mémoriser des mots ou des chiffres, le sommeil n'a aucune utilité!





 


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