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REPORTAGE  —  16 mars 2003

 
La plus vieille roche du monde

Voici l'une des plus vieilles roches jamais découvertes sur Terre. C'est au pavillon des sciences de l'UQAM, à Montréal, qu'elle a terminé récemment son long voyage dans le temps. Un voyage amorcé il y a plus de 3 milliards d'années.

 


Une roche provenant de la baie d'Hudson


Jean David
est géologue au ministère des Ressources naturelles du Québec. À l'été 2002, il a ramené du Nord-du-Québec quelques dizaines de kilos de roches comme celle-ci. À première vue, ce sont des échantillons assez banals constitués principalement de quartz, de feldspath et de mica.

 


Ces roches proviennent d'un très ancien territoire, situé sur la rive de la baie d'Hudson, à 30 kilomètres du village d'Inukjuak. Un secteur qu'on croit riche en minéraux à haute valeur commerciale, comme le nickel, le cuivre ou l'or.



Sur les lieux, le géologue constate que la formation rocheuse s'étend sur au moins 16 km carrés et qu'elle semble très âgée. Mais surtout, elle est pratiquement intacte, c'est-à-dire que les couches de roches — qui représentent des événements géologiques qui se sont déroulés il y a très longtemps — ont été peu perturbées par la suite.



Le Québec est un territoire varié au plan géologique. Les Appalaches ont environ 500 millions d'années, le Grenville un milliard d'années, le Supérieur 2,7 milliards d'années et le secteur de Nain 3,3 milliards d'années.

Mais ce qui intéresse les chercheurs, ce sont les territoires encore plus anciens, formés peu après la formation de la Terre, il y a 4,6 milliards d'années, car ceux-ci peuvent nous fournir des indices sur l'apparition de la vie. Or, jusqu'à présent, on n'en connaissait qu'un seul, à Isua, au sud du Groenland.

L'art de faire « parler une roche »

Pour faire « parler une roche », il faut employer les grands moyens. D'abord, on en broie plusieurs kilos mécaniquement jusqu'à ce qu'on obtienne un mélange aussi fin qu'un sable de plage. Puis, on lessive le sable sur la table à secousse. L'eau et la gravité vont séparer les minéraux légers des minéraux lourds, qu'on va recueillir précieusement au bout de la table.

« Dans ces étapes, on élimine 98 % de l'échantillon qu'on a ramené difficilement du terrain dans le sac à dos. Donc beaucoup de traitements pour réussir à concentrer l'échantillon », explique M. David.


Au laboratoire, on purifie l'échantillon pour sélectionner un seul type de minéral : le zircon. Ce cristal est presque aussi dur et résistant que le diamant. Pourquoi le zircon? Parce qu'il est souvent contaminé par des atomes d'uranium, un élément radioactif. Or, c'est l'uranium, enfermé depuis des milliards d'années dans le cristal de zircon, qui va permettre aux chercheurs de dater les roches.

 


On observe ensuite la poussière de zircon au microscope.
Puis, le cristal sélectionné est dissous dans une solution acide et purifié une dernière fois. À la fin, des vingt kilos de roches broyées au départ, il ne reste qu'une goutte de solution imprégnée d'uranium qu'on va soumettre au spectromètre de masse.

 


Le spectromètre de masse


Cet appareil est capable de mesurer la quantité d'uranium qui s'est lentement transformée en plomb à l'intérieur du zircon. Comme l'uranium se transforme en plomb à un rythme constant, les chercheurs obtiennent une datation précise du zircon, et donc de la formation rocheuse dans laquelle il se trouvait.




Résultat final : l'âge de la roche correspond à 3 milliards 825 millions d'années. Ce qui en fait la plus vieille formation rocheuse connue sur Terre.


La plus vieille roche de la Terre

Connaissant son âge et son état de préservation exceptionnel, Jean David est prêt à avancer certaines hypothèses :

« La terre à trois point huit... Ce qu'on finit par comprendre [...] c'est qu'il y avait déjà des morceaux de croûte qui représentaient des terrains émergés. Donc, on pouvait déjà avoir des bassins, des morceaux de terre, il y avait déjà de l'érosion. Est-ce qu'il y avait déjà des rivières, des choses comme ça? C'est peut-être un peu prématuré, mais il y avait des matériaux qu'on retrouve actuellement dans les rivières. »
- Jean David, géologue, ministère des Ressources naturelles du Québec

Pour en savoir plus, il faudra retourner sur la rive de la baie d'Hudson et chercher des traces chimiques des toutes premières structures vivantes apparues sur Terre. En effet, on pense que c'est durant cette période cruciale de l'histoire de la Terre, alors que les bombardements météoriques se terminaient et que la planète se refroidissait, que la première page de la vie aurait été tournée.


 

Pour faire évaluer l'âge d'une roche que vous soupçonnez être très vieille, communiquez avec :

Département des Sciences de la Terre et de l'Atmosphère de l'Université du Québec à Montréal
(514) 937-4194, demandez à parler à un géologue

ou

Département de Géologie et de Génie Géologique de l'Université Laval de Québec
(418) 656-2131, poste 8127, M. André Lévesque, géologue.


Journaliste : Normand Grondin
Réalisateur : Bernard Laroche

 

La plus vieille roche du monde :
(version vidéo)

 

 


 


 

 

 



« Quand on trouve ça sur le terrain on se dit : “C'est intéressant, on va prendre des échantillons.” [...] Mais la vraie découverte, c'est lorsqu'on l'analyse en laboratoire et qu'on réalise que c'est un truc qu'on n'a jamais vu! »

- Jean David, géologue, ministère des Ressources naturelles du Québec



 

 

 


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