Voici
l'une des plus vieilles roches jamais découvertes
sur Terre. C'est au pavillon des sciences de l'UQAM,
à Montréal, qu'elle a terminé
récemment son long voyage dans le temps.
Un voyage amorcé il y a plus de 3 milliards
d'années.
Une roche provenant de la baie d'Hudson
Jean David est géologue au ministère
des Ressources naturelles du Québec. À
l'été 2002, il a ramené du
Nord-du-Québec quelques dizaines de kilos
de roches comme celle-ci. À première
vue, ce sont des échantillons assez banals
constitués principalement de quartz, de feldspath
et de mica.
Ces
roches proviennent d'un très ancien
territoire, situé sur la rive de la
baie d'Hudson, à 30 kilomètres
du village d'Inukjuak. Un secteur qu'on croit
riche en minéraux à haute valeur
commerciale, comme le nickel, le cuivre ou
l'or.
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Sur les lieux, le géologue constate que la
formation rocheuse s'étend sur au moins 16 km
carrés et qu'elle semble très âgée.
Mais surtout, elle est pratiquement
intacte, c'est-à-dire que les couches de
roches qui représentent des événements
géologiques qui se sont déroulés
il y a très longtemps ont été
peu perturbées par la suite.
Le
Québec est un territoire varié
au plan géologique. Les Appalaches
ont environ 500 millions d'années,
le Grenville un milliard d'années,
le Supérieur 2,7 milliards d'années
et le secteur de Nain 3,3 milliards d'années.
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Mais ce qui intéresse les
chercheurs, ce sont les territoires encore plus
anciens, formés peu après la formation
de la Terre, il y a 4,6 milliards d'années,
car ceux-ci peuvent nous fournir des indices sur
l'apparition de la vie. Or,
jusqu'à présent, on n'en connaissait
qu'un seul, à Isua, au sud du Groenland.
L'art
de faire « parler une roche »
Pour faire « parler
une roche », il faut employer les grands
moyens. D'abord, on en broie plusieurs kilos
mécaniquement jusqu'à ce qu'on obtienne
un mélange aussi fin qu'un sable de plage.
Puis, on lessive le sable sur
la table à secousse. L'eau et la gravité
vont séparer les minéraux légers
des minéraux lourds, qu'on va recueillir
précieusement au bout de la table.
« Dans
ces étapes, on élimine 98 % de
l'échantillon qu'on a ramené difficilement
du terrain dans le sac à dos. Donc beaucoup
de traitements pour réussir à concentrer
l'échantillon », explique M. David.
Au laboratoire, on purifie l'échantillon
pour sélectionner un seul type de minéral :
le zircon. Ce cristal est presque aussi dur et résistant
que le diamant. Pourquoi le zircon? Parce qu'il
est souvent contaminé par des atomes d'uranium,
un élément radioactif. Or, c'est l'uranium,
enfermé depuis des milliards d'années
dans le cristal de zircon, qui va permettre aux
chercheurs de dater les roches.
On observe ensuite la poussière de zircon
au microscope. Puis, le cristal sélectionné
est dissous dans une solution acide et purifié
une dernière fois. À la fin, des vingt
kilos de roches broyées au départ,
il ne reste qu'une goutte de solution imprégnée
d'uranium qu'on va soumettre au spectromètre
de masse.
Le spectromètre de masse
Cet appareil est capable de mesurer la quantité
d'uranium qui s'est lentement transformée
en plomb à l'intérieur du zircon.
Comme l'uranium se transforme en plomb à
un rythme constant, les chercheurs obtiennent une
datation précise du zircon, et donc de la
formation rocheuse dans laquelle il se trouvait.
Résultat
final : l'âge de la roche correspond
à 3 milliards 825 millions d'années.
Ce qui en fait la plus vieille formation rocheuse
connue sur Terre.
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La plus vieille roche de la Terre
Connaissant
son âge et son état de préservation
exceptionnel, Jean David est prêt à
avancer certaines hypothèses :
« La
terre à trois point huit... Ce qu'on finit
par comprendre [...] c'est qu'il y avait déjà
des morceaux de croûte qui représentaient
des terrains émergés. Donc, on pouvait
déjà avoir des bassins, des morceaux
de terre, il y avait déjà de l'érosion.
Est-ce qu'il y avait déjà des rivières,
des choses comme ça? C'est peut-être
un peu prématuré, mais il y avait
des matériaux qu'on retrouve actuellement
dans les rivières. »
- Jean David, géologue, ministère
des Ressources naturelles du Québec
Pour en savoir plus, il faudra retourner
sur la rive de la baie d'Hudson et chercher des
traces chimiques des toutes premières structures
vivantes apparues sur Terre. En
effet, on pense que c'est durant cette période
cruciale de l'histoire de la Terre, alors que les
bombardements météoriques se terminaient
et que la planète se refroidissait, que la
première page de la vie aurait été
tournée.
Pour
faire évaluer l'âge d'une roche que
vous soupçonnez être très vieille,
communiquez avec :
Département des Sciences de la Terre et de
l'Atmosphère de l'Université du Québec
à Montréal
(514) 937-4194, demandez à parler à
un géologue
ou
Département
de Géologie et de Génie Géologique
de l'Université Laval de Québec
(418) 656-2131, poste 8127, M. André
Lévesque, géologue.
Journaliste : Normand
Grondin
Réalisateur : Bernard Laroche
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La
plus vieille roche du monde :
(version vidéo)
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