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REPORTAGE  —  9 mars 2003

 
L'acidose lactique

On le cherchait depuis longtemps : on a enfin trouvé le défaut génétique responsable de l'acidose lactique. Pour annoncer la bonne nouvelle, on retrouvait des chercheurs du Saguenay, de Montréal, de Toronto et de Boston. C'est l'aboutissement de plusieurs années de recherches. Cette découverte touche surtout la région du Saguenay- Lac-Saint-Jean, où 1 personne sur 23 est porteuse de ce gène.

« Des enfants malades avec l'acidose lactique : tu vis avec une bombe à la maison qui est programmée pour exploser, mais tu ne sais pas à quelle heure, quelle journée. »
-Pierre Lavoie


Un gène défectueux récessif

Comme tant d'autres couples de cette région, Lyne Routhier et Pierre Lavoie ne savaient rien de l'acidose lactique. Bruno-Pierre, leur premier enfant, est en parfaite santé. Lorsqu'ils apprennent que Laurie souffre d'une maladie héréditaire, la surprise est totale.

Tant chez le père que chez la mère, les gènes se tiennent toujours deux par deux. Les parents de Laurie étaient porteurs du même gène défectueux, sans le savoir. Comme l'autre gène est normal, il cache les déficiences du gène défectueux. Ce gène défectueux est dit récessif. Chaque parent donne à son enfant une des deux copies de ces gènes. Comme Laurie a hérité à la fois du gène défectueux de sa mère et du gène défectueux de son père, elle souffre de la maladie. La petite avait une chance sur quatre d'être atteinte de l'acidose lactique.


Dysfonctionnement des mitochondries


Dans chacune des cellules des enfants atteints, il y a un problème. À l'extérieur du noyau, dans le cytoplasme, les mitochondries, de petits organites, fonctionnent mal. Responsables de fournir l'énergie à la cellule, ils ne le font qu'à 50 %. L'énergie manquant, le corps vit au ralenti.

 

 


Le cerveau, les muscles et le foie sont particulièrement atteints. L'enfant, qui risque à tout moment de connaître un taux élevé d'acide lactique dans le sang, peut tomber dans le coma.

La petite Laurie est morte à l'âge de 4 ans. Puis, on décèle également la maladie chez Raphaël, le troisième enfant des Lavoie-Routhier. Pour le couple, c'est trop. Il faut faire quelque chose.



Un défi pour faire connaître la maladie

Le 4 septembre 1999 commence le premier « Défi Pierre Lavoie ». Ce triathlète pédale jour et nuit pour faire connaître la maladie et ramasse des fonds pour stimuler la recherche. Un trajet de 600 kilomètres. Pour lui, il n'est plus question d'être passif! Dans cette aventure, on a demandé l'aide d'un chercheur au MIT à Boston : Tom Hudson, un natif du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui travaillait à l'époque sur le séquençage du génome humain.


Pendant que Pierre Lavoie pédalait et ramassait des fonds,
les chercheurs séquençaient.

Ils épelaient les lettres de l'ADN.


Puis, la découverte du gène.

En 2001, on avait réussi à cibler, sur le chromosome 2, où se cachait le gène. Dans le petit bras du chromosome, il ne restait plus qu'à le débusquer, parmi à peine 200 gènes. Deux ans travail acharné, pendant lesquels les scientifiques n'ont pas compté les coups de pipettes. Pierre Lavoie, pendant ce temps, donnait des coups de pédale! Il ne fallait pas lâcher!

La puce à ADN

Le gène demeurait insaisissable. Aucun des 200 gènes de cette région du chromosome 2 n'avait de rôle connu dans la mitochondrie.

C'est alors qu'on décida d'utiliser une puce à ADN, une première pour débusquer un gène. Cette petite merveille permet de voir l'activité de milliers de gènes à la fois.

On connaissait déjà une cinquantaine de gènes qui jouaient un rôle dans la mitochondrie. Est-ce que l'un des 200 gènes suspects s'activait en même temps qu'eux?




« Il y en avait juste un. Juste un gène qui était de fonction inconnue mais qui s'était exprimé en même temps, activé ou désactivé en même temps que d'autres gènes mitochondriaux classiques. On s'est dit : “Ça, c'est un bon candidat”.
 » - Tom Hudson.

 




Le coupable : le gène LRPPRC

Les chercheurs ont fouillé dans les lettres du gène, cherchant les différences entre une personne normale et un individu atteint. Ils ont trouvé le défaut : une lettre à la place d'une autre. Un T plutôt qu'un C. Un changement insignifiant aux conséquences dramatiques. Après avoir vérifié et contre-vérifié, ils tenaient enfin le coupable : le gène LRPPRC. Deux mutations expliquaient la maladie.

Lyne et Pierre furent parmi les premiers à être avertis. Mais ils ne devaient rien dire avant la publication scientifique.

Détenant le gène défectueux, les chercheurs pourront maintenant l'introduire dans une cellule. Ils vont tester des milliers de médicaments. Qui sait, l'un d'eux pourrait peut-être améliorer le fonctionnement des mitochondries! Pour les enfants atteints, ce serait la possibilité d'un traitement. On pourra aussi fabriquer une souris souffrant de la maladie.

La découverte du gène ouvre aussi la porte au dépistage. On peut savoir qui est porteur, qui ne l'est pas. Les premiers visés seront les frères, les sœurs, les cousins, les cousines des familles ayant connu la maladie. Même le dépistage prénatal devient possible : le couple sera certain que l'enfant à naître ne souffrira pas de l'acidose lactique.

Avec le gène de l'acidose lactique, on connaît maintenant les gènes des cinq principales maladies héréditaires récessives du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de Charlevoix. ll y a encore beaucoup de travail à faire avant de pouvoir offrir le dépistage sur une base volontaire à la population. C'est le but que c'est fixé Pierre Lavoie. Il n'a pas fini de pédaler.

Journaliste : Claude D'Astous
Réalisatrice : Marièle Choquette

L'acidose lactique :
(version vidéo)

 

 

Pour en savoir plus :

Acidose lactique
Association de l'acidose lactique du Saguenay-Lac-Saint-Jean (AAL)

Le défi Pierre Lavoie
Association de l'acidose lactique du Saguenay-Lac-Saint-Jean (AAL)

La révolution génomique
Dossier Découverte, mai 2001.

Corporation de recherche sur les maladies héréditaires (CORAMH)
Association de l'acidose lactique du Saguenay-Lac-Saint-Jean (AAL)

La révolution de l'ADN a 50 ans
Science et communications, Zone Nouvelles, 28 février 2003.

 


 



 

 

 



Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, environ 14 000 personnes sont porteuses du gène. La conséquence à la naissance : 1 enfant sur 2000 souffre de la maladie. Il meurt normalement dès les premières années de sa vie.




 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


« Ce n'est pas terminé, ça continue, il faut trouver une médication. Il ne faut pas que les gens pensent que voilà, tous nos problèmes sont réglés. On ne vient de régler qu'une partie du problème. »
- Lyne Routhier

« On nageait dans un océan d'ADN, trois milliards de lettres. On vient de sortir de l'océan. Il n'y a plus de danger de se noyer : on a les deux pieds sur terre. Et là, on a l'Everest à monter et on sait où est le sommet. »
- Pierre Lavoie

 

 


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