On
le cherchait depuis longtemps : on a enfin
trouvé le défaut génétique
responsable de l'acidose lactique. Pour annoncer
la bonne nouvelle, on retrouvait des chercheurs
du Saguenay, de Montréal, de Toronto et de
Boston. C'est l'aboutissement de plusieurs années
de recherches. Cette découverte touche surtout
la région du Saguenay- Lac-Saint-Jean, où
1 personne sur 23 est porteuse de ce gène.
« Des
enfants malades avec l'acidose lactique :
tu vis avec une bombe à la maison qui
est programmée pour exploser, mais
tu ne sais pas à quelle heure, quelle
journée. »
-Pierre Lavoie
|
Un gène défectueux récessif
Comme
tant d'autres couples de cette région, Lyne
Routhier et Pierre Lavoie ne savaient rien de
l'acidose lactique. Bruno-Pierre, leur premier enfant,
est en parfaite santé. Lorsqu'ils apprennent
que Laurie souffre d'une maladie héréditaire,
la surprise est totale.
Tant chez le père que chez
la mère, les gènes se tiennent toujours
deux par deux. Les parents de Laurie étaient
porteurs du même gène défectueux,
sans le savoir. Comme l'autre gène est normal,
il cache les déficiences du gène défectueux.
Ce gène défectueux est dit récessif.
Chaque parent donne à son enfant une des
deux copies de ces gènes. Comme Laurie a
hérité à la fois du gène
défectueux de sa mère et du gène
défectueux de son père, elle souffre
de la maladie. La petite avait une chance sur quatre
d'être atteinte de l'acidose lactique.
Dysfonctionnement
des mitochondries
Dans chacune des cellules des
enfants atteints, il y a un problème. À
l'extérieur du noyau, dans le cytoplasme, les
mitochondries, de petits organites, fonctionnent mal.
Responsables de fournir l'énergie à
la cellule, ils ne le font qu'à 50 %.
L'énergie manquant, le corps vit au ralenti.
Le cerveau, les muscles et le foie sont particulièrement
atteints. L'enfant, qui risque à tout moment
de connaître un taux élevé d'acide
lactique dans le sang, peut tomber dans le coma.
La petite Laurie est morte à l'âge
de 4 ans. Puis, on décèle également
la maladie chez Raphaël, le troisième
enfant des Lavoie-Routhier. Pour le couple, c'est
trop. Il faut faire quelque
chose.
Un défi pour faire connaître la maladie
Le 4 septembre 1999
commence le premier « Défi Pierre
Lavoie ». Ce triathlète pédale
jour et nuit pour faire connaître la maladie
et ramasse des fonds pour stimuler la recherche.
Un trajet de 600 kilomètres. Pour lui, il
n'est plus question d'être passif! Dans
cette aventure, on a demandé l'aide d'un
chercheur au MIT à Boston : Tom Hudson,
un natif du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui travaillait
à l'époque sur le séquençage
du génome humain.
Pendant que Pierre Lavoie pédalait
et ramassait des fonds,
les chercheurs séquençaient.
Ils épelaient les lettres de l'ADN.
|
Puis,
la découverte du gène.
En 2001, on avait réussi
à cibler, sur le chromosome 2, où
se cachait le gène. Dans le petit bras du
chromosome, il ne restait plus qu'à le débusquer,
parmi à peine 200 gènes. Deux ans
travail acharné, pendant
lesquels les scientifiques n'ont pas compté
les coups de pipettes. Pierre Lavoie, pendant ce
temps, donnait des coups de pédale! Il ne
fallait pas lâcher!
La
puce à ADN
Le
gène demeurait insaisissable. Aucun
des 200 gènes de cette région
du chromosome 2 n'avait de rôle connu
dans la mitochondrie.
C'est alors qu'on décida
d'utiliser une puce à ADN, une première
pour débusquer un gène. Cette
petite merveille permet de voir l'activité
de milliers de gènes à la fois.
On connaissait déjà
une cinquantaine de gènes qui jouaient
un rôle dans la mitochondrie. Est-ce
que l'un des 200 gènes suspects s'activait
en même temps qu'eux?
|
« Il y en avait juste un. Juste un gène
qui était de fonction inconnue mais qui s'était
exprimé en même temps, activé
ou désactivé en même temps que
d'autres gènes mitochondriaux classiques.
On s'est dit : Ça, c'est un bon
candidat. »
- Tom Hudson.
Le
coupable : le gène LRPPRC
Les
chercheurs ont fouillé dans les lettres
du gène, cherchant les différences
entre une personne normale et un individu
atteint. Ils ont trouvé le défaut :
une lettre à la place d'une autre.
Un T plutôt qu'un C. Un changement
insignifiant aux conséquences dramatiques.
Après avoir vérifié
et contre-vérifié, ils tenaient
enfin le coupable : le gène
LRPPRC. Deux mutations expliquaient la maladie.
Lyne et Pierre furent parmi les premiers
à être avertis. Mais ils ne
devaient rien dire avant la publication
scientifique.
|
Détenant le
gène défectueux, les chercheurs pourront
maintenant l'introduire dans une cellule. Ils vont
tester des milliers de médicaments. Qui sait,
l'un d'eux pourrait peut-être améliorer
le fonctionnement des mitochondries! Pour les enfants
atteints, ce serait la possibilité d'un traitement.
On pourra aussi fabriquer une souris souffrant de
la maladie.
La
découverte du gène ouvre aussi la
porte au dépistage. On peut savoir qui est
porteur, qui ne l'est pas. Les
premiers visés seront les frères,
les surs, les cousins, les cousines des familles
ayant connu la maladie. Même le dépistage
prénatal devient possible : le couple
sera certain que l'enfant à naître
ne souffrira pas de l'acidose lactique.
Avec le gène de l'acidose lactique, on connaît
maintenant les gènes des cinq principales
maladies héréditaires récessives
du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de Charlevoix. ll
y a encore beaucoup de travail à faire avant
de pouvoir offrir le dépistage sur une base
volontaire à la population. C'est le but
que c'est fixé Pierre Lavoie. Il n'a pas
fini de pédaler.
Journaliste : Claude
D'Astous
Réalisatrice : Marièle
Choquette
|