L'espace
entourant la planète Terre est aujourd'hui
recouvert de millions de déchets. Cette
nouvelle forme de pollution est le fruit de 45 années
d'exploration spatiale. Il y a d'abord les gros
débris : à chaque lancement,
une fusée laisse en orbite ses différents
étages. Les petits débris se forment
lorsque les étages se séparent, libérant
de petits fragments de peinture, d'acier et des
résidus de carburant.
Déchets
inusités, déchets domestiques
D'autres déchets
sont plus inusités. Malgré les nombreuses
précautions, même les astronautes ont
déjà laissé partir de volumineux
objets : caméras, outils, etc. Les Soviétiques
ont aussi vidangé leurs déchets domestiques
par le « sas » arrière
de la station MIR, directement dans l'espace. À
chaque fois que la navette américaine s'approchait
de MIR, elle devait naviguer entre ces déchets !
Quels
sont les chances que tout ces débris
nous tombent sur la tête ?
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Un
danger pour les terriens ?
Le
27 janvier 1997, un fermier du Texas a eu la surprise
de sa vie, alors qu'un très large fragment
est tombé sur son terrain, à quelques
mètres de sa maison. Mais rassurez-vous :
ce genre d'incident est très rare. Preuve
à l'appui : une impressionnante désintégration
du réservoir de carburant d'une navette a
démontré que seulement 10 %
des larges fragments survivent à la descente.
Les trois quarts tombent à l'eau, et le reste
dans des zones non habitées.
Le vrai danger se trouve dans l'espace
Le
vrai danger est d'abord et avant tout dans l'espace,
car ces déchets sont une menace pour la navette,
les satellites, la station spatiale internationale
et les astronautes. En 1996, à Fylingdales
en Grande-Bretagne, un puissant radar de l'armée
britannique a permis de démontrer comment
un satellite a été frappé de
plein fouet par un déchet de l'espace. Le
mat de stabilisation du satellite militaire français
Cerise a été coupé par un fragment,
ce qui l'a rendu inopérant. Même si
l'on croit qu'une vingtaine de satellites on subit
le même sort, c'est la première fois
qu'on a pu en faire la preuve. Ironiquement, le
déchet était d'origine française,
un débris de la fusée Ariane !
Collision : vitesse et énergie
Ces
déchets sont de véritables bombes.
Ils voyagent à des vitesses vertigineuses,
à plus de 7 km par seconde. C'est en fait
250 fois plus rapide qu'une voiture qui circule
à 100 km/h sur l'autoroute. L'énergie
emmagasinée dans un petit fragment pourrait
même faire exploser un satellite.
Une expérience
de la Nasa le démontre bien : « Nous
avons lancé une particule de cette taille,
soit environ 6 millimètres, qui est allée
se loger dans cette plaque d'aluminium. Nous pouvons
voir le cratère qui s'est formé devant
la plaque. En la tournant de l'autre côté,
nous pouvons voir que beaucoup de matériel
a été retiré de la surface
de la plaque ».
- Justin Kerr, ingénieur,
NASA
Fragmentation
Chaque
collision engendre de nombreux fragments, créant
un effet de cascade. Résultat : certaines
orbites autour de la Terre voient leur quantité
de déchets croître à une vitesse
exponentielle. Il se crée plus de fragments
que ce qui retombe par l'effet de la gravité.
À la NASA, on mesure l'effet de dispersion
des déchets lors d'une collision. On a découvert
que les débris forment une bande étroite
immédiatement après la collision.
Avec le temps, les orbites de ces débris
sont perturbées et finissent par former une
coquille autour de la terre.
Surveillance
de la NASA
La
NASA et les autorités militaires
n'ont pas d'autre solution que de suivre
leur trajectoire à l'aide de puissants
radars. Résultat : on a trouvé
100 000 objets dont la taille varie
entre 1 et 10 centimètres, et 10 000
autres qui ont plus de 10 centimètres.
« Tout objet, peu importe
son origine, est une menace pour un engin
spatial si son diamètre est de un
centimètre ou plus. »
- Nicholas Johnson, scientifique
en chef et gestionnaire de programme, Orbital
Debris program Office, NASA
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Explosion de Columbia : est-ce la cause ?
C'est
une des hypothèses présentement à
l'étude pour expliquer l'explosion de
la navette Columbia le premier février 2003.
Après chaque mission, les navettes reviennent
toujours avec des impacts de tout petits déchets
sur la surface des carlingues et sur les fenêtres.
Les sorties des astronautes
dans l'espace posent aussi un risque pour leur vie.
La navette leur sert maintenant de bouclier, car
on la déplace dans la direction des principaux
déchets !
La
station en péril
Mais
l'engin le plus à risque demeure
la station spatiale internationale.
Des petits déchets ont déjà
heurté sa carlingue, sans jusqu'à
maintenant causer de dommages. Dans le but
de résoudre le problème, les
chercheurs de la NASA ont mis au point des
plaques d'aluminium qui pulvérisent
les débris, ainsi qu'un système
de protection composé de fines couches
de céramiques. Les parties les plus
vulnérables de la station orbitale
ont été recouvertes de ces
différents types de protection.
Mais un débris de plus de 10 centimètres
pourrait pénétrer et dépressuriser
les compartiments habités de la station.
Les astronautes devraient alors sortir de
la station et boucher le trou à l'aide
d'une plaque métallique.
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Des solutions ?
Les solutions ne sont pas simples,
car ramasser ou détruire ces déchets
est impossible ! Certains satellites qui ont
terminé leur vie utile ont été
envoyés dans une orbite cimetière,
là où la gravité terrestre
ne risque pas de les faire retomber. Alors, doit-on
réduire le nombre de nouveaux lancements ?
Non, estime Ram Jamku, directeur de l'Institut
de droit aérien spatial de l'Université
McGill : « Ce qu'il faut faire,
c'est modifier le design des lanceurs et des engins
spatiaux de telle sorte qu'ils ne créent
pas de débris inutilement. De plus, dès
qu'un satellite est hors fonction ou qu'un lanceur
a livré sa charge utile, il doit être
conçu pour redescendre rapidement sur terre ».
L'avenir
Dans
un siècle, on prévoit qu'il y aura
cinq fois plus de gros débris, soit 50 000.
Plusieurs projets de satellites de télécommunication
tels que Irridium et Teledesic ajouteront à
eux seuls des centaines de nouveaux déchets
dans l'espace. Mais d'autres projets sont plus inquiétants :
la sonde Cassini, lancée en direction de
Saturne le 17 août 1999, avait à son
bord 140 kilos de plutonium ! D'autres
sondes à propulsion nucléaire sont
prévues. Mais la source la plus inutile de
pollution demeure celle de la compagnie américaine
Celestis : elle envoie dans l'espace des urnes
funéraires qui resteront en orbite des années,
voire des décennies.
Pour
en savoir plus :
NASA
Site officiel
Journaliste : Michel
Rochon
Réalisatrices :
Chantal Théorêt
et Hélène
Naud