Une
piqûre d'insecte comme tant d'autres ? Pas
nécessairement. Ce moustique injecte un virus
potentiellement mortel : le Virus du Nil occidental.
C'est au cours de l'été 1999 que ce
virus tropical arrive mystérieusement en
Amérique.
Il prend la ville de New York par surprise. Rapidement,
on découvre qu'il s'attaque aux oiseaux et
aux humains. Cette année-là, six personnes
et des milliers d'oiseaux en meurent. .
Le virus suit les
routes migratoires des oiseaux. Aujourd'hui, on
le retrouve dans 43 états, dont la Louisiane
qui est fortement touchée. Bilan pour les
États-Unis: 163 morts et près de 3
000 personnes infectées.
C'est en 2001 que
le virus arrive au Canada. À ce jour, un
seul Canadien est décédé. Mais
les oiseaux par contre, meurent par milliers, comme
aux États-Unis.
« C'est un virus des oiseaux tout
d'abord et la particularité de la souche
qui circule en Amérique du Nord, c'est de
causer un taux de mortalité très élevé
chez les oiseaux. Chez certaines espèces
comme les corneilles, il y a plus de la moitié
de la population qui y passe lors du premier passage
du virus »,
explique Christian Back, entomologiste à
la firme GDG Environnement. À
ce jour, au moins 110 espèces d'oiseaux seraient
atteintes en Amérique. Les plus touchées
sont les corvidés : corbeaux, corneilles
et geais bleus.
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Voici la séquence
d'événements qui mène à
l'infection. Un oiseau est porteur du virus du Nil.
Il est ensuite piqué par un moustique de
la famille des culex. Ce moustique va déclencher
une cascade d'infections en allant piquer d'autres
oiseaux. Par la suite, ces oiseaux infectés
vont se faire piquer par un autre moustique, le
Coquillettidia perturbans. C'est lui qui
va transmettre le virus à d'autres mammifères,
y compris l'humain.
Au Québec, on a eu l'avantage de voir venir
l'ennemi. Les entomologistes de la firme GDG Environnement
ont été mandatés par le gouvernement
pour suivre la progression du virus dans les populations
de moustiques.
Sur
57 espèces de moustiques présentes
au Québec, trois semblent être porteuses
du virus. On les retrouve concentrées dans
la grande région de Montréal.
Le gouvernement suit également
la progression de l'infection chez les corvidés.
On a demandé aux citoyens de prélever
les oiseaux morts. Ils ont été acheminés
par centaines au laboratoire de médecine
vétérinaire de l'Université
de Montréal à Sainte-Hyacinthe, où
on les a identifiés, numérotés,
triés et disséqués.
Au laboratoire, on cherche
les signes cliniques d'une encéphalite causée
par le virus. Les reins puis le cerveau sont prélevés,
deux organes qui abritent normalement le virus.
Près de 20% des corvidés analysés
sont porteurs du virus.
Il
semble que les corvidés d'Amérique
soient plus vulnérables qu'ailleurs dans
le monde, peut-être parce que la souche de
virus qu'on trouve ici est plus virulente.
Les
risques pour la santé humaine
Mais quels risques courent les humains ? D'abord,
il faut savoir que le virus ne se transmet pas d'une
personne infectée à une autre.
Une
personne infectée par une piqûre de
moustique risque de n'avoir aucun symptôme.
Seule une personne sur mille aura de légers
symptômes ressemblant à ceux d'une
grippe. Dans de rares cas, le virus déclenchera
une encéphalite, une infection du cerveau
ou une méningo-encéphalite, une infection
de l'enveloppe du cerveau.
On a toujours
pensé que les personnes à l'immunité
affaiblie, les personnes âgées et les
enfants seraient les plus à risque. Mais
voilà qu'une nouvelle hypothèse est
avancée.
À
l'Institut Pasteur, on a découvert
que certaines personnes pourraient avoir
une prédisposition génétique
à développer l'encéphalite
du virus du Nil lorsqu'elles sont infectées
par le virus. En travaillant sur des souris,
le généticien Jean-Louis Guénet
a isolé un gène qui code pour
une enzyme dont le rôle est de détruire
le virus. Ce gène est présent
chez tous les vertébrés, y
compris les humains.
Cette
découverte d'un gène de susceptibilité
est très prometteuse puisqu'elle
permettra la création éventuelle
d'un nouveau médicament pour traiter
le virus du Nil et les autres virus de la
famille des flavivirus.
Durant
l'été 2002, aux États-Unis,
quatre personnes ont été contaminés
par le virus du Nil à la suite du
don d'organes d'une femme habitant la Georgie.
On a eu peur que les banques de sang soient
une nouvelle voie de transmission du virus.
Le Center for Disease Control à
Atlanta a fait enquête. Bonne nouvelle
: le virus ne demeure que quelques jours
dans la circulation sanguine. Le risque
est donc faible que les banques de sang
soient infectées.
En
attendant, que faire pour contrôler
le virus dans l'environnement ? À
New York en 1999, un vent de panique avait
amené les autorités à
épandre du malathion, un insecticide
controversé à cause de sa
toxicité. Chez les enfants, une simple
exposition peut occasionner des maux de
tête, des nausées et des problèmes
respiratoires. Chez les oiseaux, elle peut
être mortelle.
Au
Québec, on est plus prudent. On propose
une approche graduelle.
Première ligne de défense
: la protection personnelle contre les moustiques.
L'utilisation du DEET ou de la citronnelle
et le port de vêtements longs sont
des précautions efficaces.
Quelle sera la situation
l'année prochaine, après l'hiver
? « On sait que le virus peut
passer l'hiver notamment chez les moustiques
qui hibernent à l'état adulte
dans les caves, les caniveaux ou les abris
naturels, explique Christian Back.
Au printemps 2003, plusieurs de ces moustiques
infectés risquent de se répandre
dans la nature et de recommencer un cycle,
peut-être beaucoup plus précocement
que cette année. »
Au
printemps 2003, si la situation a empiré,
le gouvernement devra peut-être procéder
à l'utilisation d'un larvicide, une
substance qu'on dépose dans les eaux
stagnantes et qui s'attaque aux larves des
moustiques. On utiliserait le BTI, un produit
biologique qui n'est pas dangereux pour
la santé.
Et
si le BTI ne s'avère pas aussi efficace
que prévu, on devra utiliser un pesticide
contre les moustiques adultes. On aurait
donc recours à un pesticide moins
toxique que le malathion, la resméthrine.
Mais il y a quand
même une bonne nouvelle : à
force de s'exposer aux moustiques, la population
risque d'être immunisée malgré
elle, et sera en mesure à long terme
de combattre le virus.
Pour
en savoir plus
Information
de surveillance du virus West Nile
Santé Canada
GDG
Environnement
Firme spécialisée dans le
contrôle des insectes piqueurs
Journaliste : Michel Rochon
Réalisatrice : Marièle
Choquette