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REPORTAGE  —  29 septembre 2002

 L'Amérique du Nord s'embrase-t-elle ?

Été 2002. Un été d'enfer. L'Amérique du Nord s'embrase. À la fin juin, au Colorado, en Arizona, 215 000 hectares de forêt se transforment en brasier. En Alberta, en Saskatchewan, c'est plus de 540 000 hectares. Début juillet, c'est au tour de la forêt boréale au nord du Québec : 235 000 hectares. Partout, des feux spectaculaires, intenses, sur de grandes superficies.

Est-ce un effet du réchauffement planétaire? En climatologie rien n'est aussi simple. Dans les faits, il faut aborder le réchauffement région par région car les données varient beaucoup d'un point à l'autre du globe.

Alain Bourque est climatologue. Il fait partie du groupe Ouranos mis sur pied au Québec, en 2001, pour étudier les impacts des changements climatiques. Pour lui, tenir compte des différences entre régions est un impératif si l'on veut cibler adéquatement les problèmes que posent le réchauffement.

« Pendant la période de 1961 à 1990, le climat de l'Ouest canadien, des Prairies canadiennes par exemple, s'est systématiquement et graduellement réchauffé, raconte-t-il. Donc vraiment les gens de l'Ouest canadien peuvent dire que leur climat des années 90 a été pas mal plus chaud que le climat des années 60, ce que les gens du Québec ne peuvent pas dire. »

La sécheresse qui a sévi au nord de la forêt boréale en 2002, est liée à un printemps tardif. En juin, au nord du 50e parallèle, le sol était encore gelé. Impossible pour les racines de puiser l'eau du sol. Pas de sève donc pour alimenter les troncs et branches des résineux. Même chose pour la végétation herbacée. Tout était sec, très sec. Dans la nuit du 30 juin au 1er juillet, des cellules orageuses s'abattent sur la région. La foudre frappe en succession, embrasant la forêt de résineux en une quarantaine de points. Près de 235 000 hectares vont s'envoler en fumée. Un nuage gris se répand partout vers le sud et même au delà de notre frontière. Le soleil se voile, le ciel s'obscurcit. Une année record, se dit-on. En fait, avec ses 235 000 hectares disparus en fumée, le feu de 2002 n'occupe que le 5e rang du palmarès du siècle.


Sans un grand vent du Nord, plutôt rare à la belle saison, ce feu n'aurait pas laissé une impression aussi dramatique. Le feu que nous avons tous sentis, cet été, n'a donc rien à voir avec le réchauffement global. En fait, un réchauffement plus prononcé pourrait même avoir des effets bénéfiques pour la forêt boréale.

Étudier le passé pour imaginer l'avenir

« La prédiction c'est une diminution du danger de feu. Et ça parce que la température augmente, mais les précipitations augmentent et l'humidité augmente de telle façon que ça compense pour l'augmentation de la température », explique Yves Bergeron. Ce biologiste étudie la forêt du lac Duparquet, au nord de Rouyn-Noranda, en Abitibi : 15 000 km2 de grande nature, de forêts boréales, d'îles sauvages, où chaque kilomètre a été exploré, cartographié. Le but : reconstituer l'historique des feux dans la région, évaluer leur fréquence en fonction du climat.

Les feux sont le moteur naturel de la régénération d'une forêt. Après un feu, certaines espèces adaptées à ce type d'environnement viennent prendre place. Chacune de ces espèces possède une espérance de vie bien définie. Après un certain temps d'autres espèces prennent la succession. Au lac Duparquet, c'est le tremble qui s'est établi le premier. Le sapin et l'épinette ont suivi. Enfin, après 250 ans, on trouve surtout du cèdre et du sapin.

Une opération relativement simple, le carottage, va permettre de connaître avec précision l'âge des arbres qui ont colonisé un site immédiatement après un feu. Il suffit de compter le nombre d'anneaux de croissance.

Ces mesures, répétées sur de grandes superficies ont permis de répertorier le nombre de feux survenus depuis 400 ans. Première constatation importante : 1850 représente une année charnière pour la fréquence des feux. Elle marque la fin du petit âge glaciaire, période de refroidissement qui s'étend de 1600 à 1850. Les feux y étaient plus fréquents qu'après 1850, alors que le réchauffement climatique commence à se manifester. Une observation assez déconcertante, à première vue.

La découverte inattendue de quelques vieux cèdres rabougris accrochés à la falaise d'une île du lac Duparquet a fourni la lumière nécessaire pour comprendre.

Ce cèdre rabougri, c'est le plus vieil arbre connu au Québec : 964 ans bien sonnés. Un témoin privilégié du climat passé.

Au lac Duparquet, 38 cèdres plusieurs fois centenaires ont été répertoriés. Chez tous, on peut observer une augmentation progressive des anneaux de croissance après 1850, ce qui indique que les précipitations sont plus abondantes. Une bonne nouvelle, confirmée par l'étude des fluctuations du niveau des eaux du lac Duparquet, un lac qui ne subit aucun contrôle de son niveau d'eau. Depuis 1915, le niveau du lac a augmenté de 1 mètre par rapport au petit âge glaciaire.

Troisième élément de preuve : l'analyse du charbon de bois fossilisé il y a 6000 ans, une période pendant laquelle la température s'était réchauffée. Cette analyse confirme que le réchauffement est associé à un moins grand nombre de feux de forêt.

L'intérêt, une fois le passé de nos forêts connu, c'est d'imaginer l'avenir. Dans quelle mesure peut-on le faire? En fait, si nous atteignons le doublement de CO2 prévu d'ici 100 ans, le réchauffement planétaire qui atteint, aujourd'hui, une moyenne de 0,6 degré Celsius, va passer à 4 ou 6 degrés Celsius. Un bond spectaculaire jamais vu… Biologistes, forestiers, climatologues et tous les autres devront alors refaire leurs devoirs.

Pour en savoir plus

L'ABCD des feux de forêt
Document du ministère des richesses naturelles de l'Ontario

La forêt boréale
Document de Ressources naturelles Canada

Journaliste : Solange Gagnon
Réalisatrice : Jo-Ann Demers


 

Un réchauffement du climat pourrait avoir des effets bénéfiques sur la forêt boréale, en augmentant la fréquence des précipitations.


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Les sécheresses dans l'Ouest canadien pourraient être liées au réchauffement, qui atteint là-bas quelque 1,5- à 2 degrés Celsius. Plus que le double de la moyenne planétaire. Au Québec, ce n'est pas le cas. Les premiers indices d'un réchauffement ne sont apparus qu'en 1994.


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La forêt boréale représente 35 % de la superficie totale du Canada et 77 % des forêts canadiennes.








 


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