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REPORTAGE  —  29 septembre 2002

Apnée et maladies pulmonaires

Mandy Cruickshank peut maintenir sa tête sous l'eau pendant 5 minutes. Cet exercice fait partie de son entraînement régulier. Cette jeune femme est la détentrice du record mondial féminin de plongée en apnée, établi l'an dernier aux Îles Cayman : une descente vers une profondeur record de 136 mètres ... sur une seule respiration. .

Pour Mandy Cruickshank, la plongée en apnée n'est qu'un sport extrême, qui a le mérite de la pousser au bout de ses limites. Mais pour Andrew Blaber, c'est beaucoup plus que ça. C'est une porte ouverte sur la mécanique même de la respiration.

En tant que directeur du département de kinésiologie de l'Université Simon Fraser en Colombie Britannique, il vient d'entreprendre une recherche afin d'évaluer les réactions du corps humain lorsqu'il est privé d'oxygène pendant de longues minutes.

Les adeptes de la plongée en apnée ne sont pas très nombreux en Amérique du Nord. Le sport est surtout connu en Europe où il s'est développé sous l'influence de films comme Le grand bleu, de Luc Besson. Mais depuis quelques années, cette discipline gagne en popularité au Canada, particulièrement sur la côte ouest.


Grâce à de nouvelles techniques d'entraînement et à la création d'une association nationale de plongée en apnée, les personnes qui aspirent à atteindre de nouvelles profondeurs apprennent justement à retenir leur souffle le plus longtemps possible. Les grands champions peuvent retenir leur respiration pendant 5, 6, 7 et même 8 minutes, ce qui semble incroyable.

Pour Andrew Blaber, de l'Université Simon Fraser, les adeptes de la plongée en apnée représentent une occasion en or d'étudier comment le psychique peut en arriver à contrôler un mécanisme physique aussi essentiel que la respiration : « Reconnaître la différence entre " si je retiens ma respiration plus longtemps, je vais m'évanouir ! " et la réalité, cela fait partie de l'entraînement de Mandy Cruickshank et des autres membres de cette élite de la plongée. En fait, au moment où on croit que ce sera impossible de retenir sa respiration plus longtemps, il y a probablement encore deux bonnes minutes pendant lesquelles la quantité d'oxygène dans le sang est suffisante pour soutenir l'activité cérébrale. »

Pour connaître la quantité d'oxygène dans le sang nécessaire au maintien de l'activité cérébrale, on a soumis Mandy Cruickshank à toutes sortes d'expériences. Pendant qu'elle ralentit graduellement sa respiration jusqu'à ne plus respirer du tout, les chercheurs analysent son rythme cardiaque, son influx nerveux et sa circulation sanguine.

Ce qu'on veut comprendre, c'est comment réagissent les organes cardio-vasculaires, en particulier le cœur, quand le système respiratoire est complètement arrêté. C'est ce qui arrive, par exemple, quand, avant de l'opérer, on plonge un patient dans une sorte d'hibernation en diminuant la température de son corps. Il en va de même lorsque quelqu'un se noie.

« Si on parvient à comprendre ce qui se passe dans le corps humain de quelqu'un qui retient sa respiration pendant 8 minutes, ça nous aidera à traiter ceux qui ont été privé d'oxygène pendant 8 minutes, explique Andrew Blaber. Lorsqu'on sauve quelqu'un qui a cessé de respirer, on lui donne la respiration artificielle, mais en étudiant ceux qui traversent volontairement ce type de situation, ça nous donne une idée de ce qu'il faut faire pour traiter ceux qui ont ce genre d'accident. »

Mais cette technique de plongée en apnée, peut-elle être apprise par des gens souffrant de maladies respiratoires ? Si oui, présente-t-elle des risques ?

Le principal danger provient du CO2, un gaz produit pendant la respiration, et qu'il faut absolument exhaler pour faire place à l'oxygène essentiel à la vie.

« Quand j'étais en médecine, on disait que la réaction du corps au CO2 était génétique et demeurait constante. C'est donc nouveau et emballant, parce que si nous pouvons découvrir comment ces gens s'y prennent pour augmenter leur tolérance au CO2, nous pourrons être en mesure d'aider ceux qui souffrent d'emphysème ou d'asthme à mieux réagir à leur difficulté respiratoire »", explique le docteur Peter Paré, pneumologue à l'Hôpital St Paul de Vancouver.

Le réflexe de la respiration est directement en prise avec la présence de CO2 dans le sang. Dès que le taux de CO2 atteint un certain seuil, il agit comme un interrupteur qui déclenche le désir de respirer. Comment les plongeurs en apnée s'y prennent-ils pour résister pendant si longtemps aux appels instinctifs du cerveau qui demande de l'air ?

« Je suppose que les plongeurs parviennent à entraîner cette région du cerveau pour qu'il ignore ce message... pour croire, en tout cas, qu'ils ne sont pas en danger. Je pense donc que c'est davantage une question de raisonnement que de capacité pulmonaire », dit le docteur Peter Paré.

Les résultats préliminaires des expériences scientifiques en cours et les exploits de Mandy Cruickshank semblent indiquer que le réflexe de la respiration peut être contrôlé beaucoup plus qu'on ne le croyait jusqu'à maintenant.

Pour les asthmatiques, cela pourrait bien faire la différence entre la vie et la mort. « Si nous parvenons à découvrir le secret de ces plongeurs, nous pourrions être en mesure d'aider ceux qui souffrent d'asthme ou d'emphysème à résister à la panique le temps nécessaire pour obtenir des soins médicaux », croit le docteur Peter Paré.

La recherche faite au département de kinésiologie de l'Université Simon Fraser ne fait que commencer. Il reste donc encore beaucoup à apprendre sur l'apnée et sur les techniques de ces plongeurs. Mais d'ici 4 ou 5 ans, les chercheurs espèrent être en mesure d'identifier clairement les bénéfices et les inconvénients des techniques d'entraînement de ces athlètes remarquables.

Pour en savoir plus

Mandy-Rae Cruickshank
Statistiques sur cette athlète

Journaliste-réalisateur: Pierre Claveau
Production: SRC - Vancouvers


 

 

 

 




 

La Canadienne Mandy Cruickshank, de Vancouver, détient le record féminin de plongée en apnée.




 


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