Chez l'être humain, l'odorat est un sens relativement négligé et peu sollicité. Pourtant, c'est
le plus ancien et le plus primitif de nos sens. Il est aussi le plus mystérieux: il suffit parfois
d'une odeur pour ressusciter, de façon soudaine, des souvenirs très anciens qu'on croyait perdus.
En référence à la description que donne Marcel Proust des souvenirs qu'évoquait chez lui le parfum
de madeleines trempées dans du thé, les psychologues ont donné à ce phénomène de mémoire olfactive
le nom de "syndrome de Proust". Loin d'être une anomalie, il mettrait en évidence des différences
fondamentales dans le processus de l'olfaction et des influences - peut-être insoupçonnées - des
odeurs sur notre comportement.
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L'odeur familière du popcorn dans une salle de cinéma.
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Les odeurs qui flottent dans l'air agissent sur notre cerveau. On les dit même capables de modifier
notre comportement. Dans les salles de cinéma, on place parfois des diffuseurs d'odeur artificielle
de maïs à éclater pour accroître la consommation des spectateurs! De la même manière, dans certains
casinos, on sollicite vos narines. Près des machines à sous, on diffuse une agréable odeur de fleurs
pour inciter les joueurs à dépenser un peu plus. Au Japon, on va beaucoup plus loin: on diffuse des
arômes dans les milieux de travail pour augmenter la productivité des travailleurs!
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Plusieurs chercheurs fondent beaucoup d'espoir dans les vertus des odeurs. |
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Mais peut-on réellement modifier les comportements d'un grand nombre de personnes par les odeurs?
Pour certains spécialistes, comme le Dr Alain Hirsch de Chicago, l'odorat est un continent inexploité.
Interviewé par de nombreux médias d'information, ce gourou des odeurs est enthousiaste. Il dirige une
clinique soignant des gens atteints de déficits olfactifs. Mais ses activités ne s'arrêtent pas là.
Il effectue des recherches, notamment pour le compte de la firme Inscentivation, présidée par son
frère. Malheureusement, la plupart des études de Hirsch et de ses semblables ne sont pas publiées.
Et leurs résultats mirobolants sont difficilement reproductibles. Bref, ce n'est pas de la science
très rigoureuse.
Au centre de recherche Monell, à Philadelphie, on se spécialise dans l'olfaction et le goût depuis
plus de 25 ans. Cet organisme indépendant regroupe une cinquantaine de chercheurs de différentes
disciplines. Malgré cela, si on les compare à la vision et à l'audition, les études sur l'odorat
sont encore à un stade plutôt fondamental.
Ce qu'on connaît de l'olfaction, c'est son processus. D'abord, les molécules chimiques qui
constituent l'odeur pénètrent dans les narines et se dirigent jusqu'au fond de la cavité nasale.
Ces molécules sont ensuite captées par environ un millier de récepteurs différents, et transmettent
l'information reçue au bulbe olfactif. Cet organe, de la grosseur d'un petit pois, transmet à son
tour l'information neuronale aux différents centres du cerveau pour interprétation.
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Une odeur peut provoquer le souvenir d'événements très anciens.
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Fait remarquable, il existe des liens neuronaux directs entre les bulbes olfactifs et le système
limbique, le siège des émotions et de la mémoire. Les chercheurs pensent que ces liens facilitent
la formation d'associations entre une odeur et un événement. Ceci expliquerait notamment qu'une
odeur peut rappeler, de façon très nette, le souvenir d'événements anciens et nous en faire revivre
tout le contexte émotionnel. Par contre, ce que cela met surtout en évidence, c'est que les
différences entre les individus sont très importantes; le contexte détermine grandement l'expérience
des odeurs pour chaque individu. À titre d'exemple, un enfant qui sent l'odeur des roses pour la
première fois de sa vie en se promenant dans un jardin avec ses parents vivra l'expérience de
l'odeur de rose de manière très différente de celui qui a senti la même odeur pour la première fois
lors des funérailles d'un parent. À l'âge adulte, ces individus auront des souvenirs très différents
qui influenceront leur réponse à cette odeur.
Il faut également tenir compte des différences culturelles dans la perception des odeurs. Les
sociologues parlent d'ailleurs de codes des odeurs, variables selon les sociétés: si l'odeur de
tourtière est agréable pour les Canadiens français, elle ne dit strictement rien aux Norvégiens,
qui préfèrent, et de loin, l'odeur du hareng fumé.
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Agréable ou désagréable? Tout est dans la tête... |
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Une étude sur la perception olfactive a aussi révélé une dimension fondamentale venant mettre un
bémol aux ambitions de ceux qui veulent changer le comportement par les odeurs. Dans cette étude,
on a placé deux groupes de volontaires dans une pièce, en leur disant qu'une odeur y serait diffusée
pendant 20 minutes à des concentrations variables. Les volontaires devaient indiquer à intervalles
réguliers comment ils percevaient cette concentration. Au premier groupe, on a dit que l'odeur était
agréable, tandis qu'aux sujets du second, on a indiqué qu'elle serait désagréable et peut-être
même dangereuse pour leur santé. Résultat: les sujets du second groupe, à qui on a dit que l'odeur
serait désagréable, ont perçu l'odeur comme étant de plus en plus forte. Ils ont même éprouvé des
malaises. Quant aux sujets du premier groupe, ils ont qualifié l'odeur de très faible en général,
avec une intensité qui tendait même à diminuer. En réalité, les deux groupes étaient exposés à la
même odeur, jugée plutôt neutre lors des tests préalables! De plus, sa concentration dans l'air
n'avait jamais varié pendant l'expérience! Ce qu'on a pu ainsi démontrer, c'est que nos expériences
antérieures ainsi que l'attitude que nous adoptons devant une nouvelle odeur peuvent fortement
influencer notre réaction.
Le lien entre les odeurs et le comportement de l'être humain est manifestement complexe. Dans
l'état actuel des connaissances, les chercheurs ne comprennent pas très bien comment les odeurs
peuvent influencer le comportement. On ne sait pas comment modifier ces comportements par la
manipulation d'odeurs, ni même si cela peut être vraiment efficace. D'autres études seront
nécessaires.
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