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Procès de Trump : exaspéré par un témoin de la défense, le juge évacue la salle d’audience

La sixième semaine du procès criminel de Donald Trump à New York s'est amorcée de façon mouvementée, avec la fin du témoignage de Michael Cohen et le début de la comparution d'un témoin de la défense à l'attitude frondeuse. Les avocats de l'ancien président américain ont aussi laissé entendre qu'ils n'appelleraient pas leur client à la barre.

Donald Trump regarde vers la droite.

L'ancien président Donald Trump, à son arrivée au tribunal pour son procès criminel à New York, le 20 mai 2024.

Photo : Reuters / Steven Hirsch

Sophie-Hélène Lebeuf

Le comportement d'un témoin de la défense, lundi, a irrité le juge Juan Merchan, à la tête du procès criminel de Donald Trump. Il a même fait sortir de la salle d'audience les jurés et les journalistes.

Le juge Merchan a sermonné le deuxième témoin appelé à la barre par la défense, Robert Costello, qui semblait contester les décisions liées à son témoignage.

M. Costello, pourtant un ancien procureur, a montré des signes d'exaspération et continué de parler après que le juge eut, en plus d'une occasion, acquiescé aux objections soulevées par les procureurs.

Robert Costello est un avocat qui avait été en contact avec Michael Cohen, l'ancien avocat de Donald Trump, après la perquisition menée par le Federal Bureau of Investigation dans ses bureaux et à son domicile, en avril 2018.

Je veux discuter du décorum dans ma salle d'audience. Vous ne me regardez pas de travers et vous ne roulez pas des yeux.
Une citation de Juan Merchan, juge au procès de Donald Trump

Quand un témoin est à la barre, si vous n'aimez pas ma décision, vous ne dites pas "mon Dieu!", vous ne dites pas "rayez ce commentaire", lui a dit le juge.

Robert Costello a alors regardé longuement le juge. Vous me fixez? a tonné le juge, habituellement posé, avant d'ordonner l'évacuation de la salle d'audience pendant quelques minutes. Les jurés, les journalistes qui couvrent le procès et les spectateurs ont dû quitter la salle, mais les partisans de Donald Trump ont cependant pu rester.

Avant de s'attirer les foudres du juge, M. Costello s'était notamment exclamé, à voix basse, mais suffisamment fort pour être entendu, mon Dieu! après une objection des procureurs, et à un autre moment, il a lancé : ridicule!

Dessin du témoin fait par l'artiste de la cour.

La tension a monté lors de la comparution de Robert Costello, témoin de la défense au procès criminel de Donald Trump.

Photo : Reuters / Jane Rosenberg

La convocation de M. Costello par la défense s'inscrit au cœur de sa stratégie : discréditer le témoignage de Michael Cohen, l'ancien avocat de Donald Trump, témoin vedette – mais vulnérable – des procureurs.

Avant l'interruption de l'audience, Robert Costello a contredit M. Cohen, qui a soutenu en cour avoir payé Stormy Daniels sur les ordres de M. Trump (nouvelle fenêtre). L'ancienne actrice de cinéma pornographique a reçu 130 000 $ US pour garder le silence sur une relation sexuelle qu'elle dit avoir eue avec Donald Trump et dont elle a parlé en cour (nouvelle fenêtre).

Michael Cohen a répété à de nombreuses reprises que le président Trump ne savait rien au sujet de ces paiements. Qu'il l'avait fait de son propre chef. Il l'a répété à de nombreuses reprises.
Une citation de Robert Costello, témoin de la défense

La semaine dernière, M. Cohen avait expliqué au cours de son témoignage (nouvelle fenêtre) avoir parlé avec M. Costello, qui s'était, selon lui, targué d'entretenir des liens avec Rudy Giuliani. Ce dernier était lui-même dans le cercle rapproché de Donald Trump et était l'un de ses avocats.

Lors de leur rencontre, Robert Costello lui aurait déclaré que retenir ses services serait un excellent moyen de communiquer avec le président [Trump] pour s'assurer de rester en sécurité. Selon les preuves présentées en cour, il lui a écrit par la suite de bien dormir, car il avait des amis haut placés.

M. Cohen, qui n'a pas retenu les services de l'avocat, avait dit ressentir des pressions pour ne pas collaborer avec la justice.

M. Costello a souvent critiqué Michael Cohen sur la place publique.

Les procureurs ont amorcé le contre-interrogatoire de M. Costello, qui se poursuivra mardi.

À New York, le procès de Donald Trump a repris. Il est accusé d'avoir falsifié des documents financiers pour cacher un paiement dans l'affaire Stormy Daniels. Le contre-interrogatoire du témoin vedette Michael Cohen s'est terminé en début d'après-midi. Les avocats de l'ancien président en ont de nouveau profité pour attaquer sa crédibilité. Geneviève Garon s’est entretenue avec Frédéric Arnould.

Selon toute vraisemblance, Trump ne témoignera pas

Emile Bove, l'un des avocats de Donald Trump, a en outre indiqué que la défense ne s'attendait pas à convoquer d'autres témoins, ce qui signifie que le célèbre accusé ne devrait pas lui-même témoigner.

Le juge a cependant rapidement ajouté que la défense pourrait réexaminer la question mardi.

Donald Trump avait affirmé vouloir comparaître. Depuis le début, cette hypothèse semblait toutefois très peu probable, les experts étant unanimes pour dire que ce scénario lui serait préjudiciable.

Les avocats de Donald Trump ont par ailleurs demandé au juge de rejeter la cause. Il s'agit toutefois d'un geste habituel lors des procès criminels au terme de la comparution du dernier témoin des procureurs.

À l'issue de l'audience, le candidat républicain a vanté la performance de M. Costello, qu'il a décrit comme un avocat extrêmement respecté, et a de nouveau dénoncé une chasse aux sorcières.

Michael Cohen reconnaît avoir volé la Trump Organization

Michael Cohen regarde vers la gauche.

Michael Cohen quitte son domicile pour aller témoigner au tribunal où se tient le procès criminel de Donald Trump, le 20 mai 2024.

Photo : Reuters / Eduardo Munoz

La comparution de Michael Cohen, l'ancien avocat de Donald Trump, s'est par ailleurs terminée, au terme de quatre jours de témoignage, mettant un point final à l'étape des témoignages sollicités par les procureurs.

Contre-interrogeant Michael Cohen pour une troisième et dernière journée, la défense a continué d'attaquer sa crédibilité : après l'avoir dépeint comme un menteur chronique (nouvelle fenêtre), la semaine dernière, les avocats de Donald Trump ont réussi à lui faire admettre qu'il avait escroqué l'entreprise de l'ex-président américain.

Questionné par l'avocat principal du politicien de 77 ans, Todd Blanche, Michael Cohen a reconnu avoir surfacturé la Trump Organization pour un service offert par la société informatique RedFinch, qu'il avait initialement payé de sa poche.

Cette firme avait été recrutée pour truquer, au bénéfice de Donald Trump, un sondage en ligne sur des entrepreneurs célèbres.

Michael Cohen a admis avoir demandé 50 000 $ US pour le remboursement, mais n'avoir versé que 20 000 $ US à l'entreprise.

Donc, vous avez volé l'organisation Trump, n'est-ce pas? a demandé Me Blanche. Oui, monsieur, a admis M. Cohen.

Étonnamment, les avocats de Donald Trump n'ont pas soulevé cet élément crucial plus tôt, mais, surtout, les procureurs n'ont pas abordé cette question lors de leur interrogatoire initial. Les procureurs ont pourtant tenté de désamorcer plusieurs attaques (nouvelle fenêtre) qu'ils anticipaient de la part de la défense.

Tentant de réparer les dégâts, ils ont cependant à leur tour parlé de cette somme de 50 000 $ US lors de leur réinterrogatoire, lundi.

J'étais en colère parce que ma prime [annuelle] avait été réduite, a soutenu M. Cohen, qui a dit y avoir vu à l'époque une façon de réparer une injustice. Le fait que ma prime ait été réduite de deux tiers a été très perturbant, c'est le moins que l'on puisse dire, a-t-il affirmé.

M. Cohen a purgé une peine fédérale de prison (nouvelle fenêtre) après avoir reconnu sa culpabilité à divers chefs d'accusation, soit avoir violé la loi sur le financement électoral par son rôle dans des paiements faits à deux ex-présumées maîtresses de Donald Trump, avoir menti au Congrès et avoir commis des fraudes fiscales et bancaires.

Fait à noter, il n'a cependant jamais fait l'objet d'accusations liées à ce vol.

Une somme incluse dans un paiement de 420 000 $ US

Illustration montrant l'avocat Todd Blanche contre-interrogeant Michael Cohen, sous le regard de Donald Trump et du juge Juan Merchan.

Michael Cohen a été contre-interrogé pour une troisième et dernière journée lors du procès criminel de l'ex-président Donald Trump à New York, le 20 mai 2024.

Photo : Reuters / Jane Rosenberg

La somme de 50 000 $ US mentionnée par la défense fait partie du montant total de 420 000 $ US payé à Michael Cohen en 11 versements, entre février et décembre 2017, élément crucial dans ce procès.

Ces 420 000 $ US incluent également ce que les procureurs présentent comme le remboursement pour le paiement de 130 000 $ US fait à Stormy Daniels.

Lors de son témoignage (nouvelle fenêtre), un ancien cadre du service de la comptabilité de la Trump Organization a expliqué il y a deux semaines que les deux paiements – 50 000 $ et 130 000 $ – avaient été doublés afin de tenir compte des impôts qui seraient payés par Michael Cohen.

Une prime annuelle de 60 000 $ US a ensuite été ajoutée à cette somme de 180 000 $ US, portant à 420 000 $ US la somme à verser à Michael Cohen, avait expliqué le témoin.

Dans ce procès, l'ancien président américain est accusé d'avoir falsifié une série de documents financiers, liés, selon les procureurs, à un remboursement fait à Michael Cohen en lien avec le paiement à Stormy Daniels pour une raison précise : dissimuler une conspiration criminelle visant à remporter l'élection par des moyens illégaux (nouvelle fenêtre).

Un appel datant du 24 octobre au centre des débats

Lors d'un deuxième interrogatoire, lundi, les procureurs sont notamment revenus sur un élément important qui a émergé lors du contre-interrogatoire de vendredi.

Les avocats de Donald Trump avaient semblé marquer des points en contestant la raison d'un appel téléphonique de 96 secondes fait au garde du corps de Donald Trump, Keith Schiller, le 24 octobre 2016.

En interrogatoire, M. Cohen avait affirmé que, lors de cette conversation, il avait parlé à Donald Trump du paiement à Stormy Daniels. La défense a toutefois présenté des relevés téléphoniques et des textos suggérant que Michael Cohen aurait plutôt parlé à M. Schiller du harcèlement téléphonique dont il avait été victime le jour même.

C'est possible que d'autres sujets aient été abordés [...], mais vous êtes sûr qu'il a été question de la situation avec Stormy Daniels?, a demandé lundi la procureure Susan Hoffinger. Oui, a affirmé M. Cohen.

Ce dernier a soutenu que, même s'il était à l'époque occupé par d'autres affaires, il était certain de s'être entretenu avec Donald Trump du paiement de Stormy Daniels.

Après l'opposition initiale de la défense, les procureurs ont en outre obtenu gain de cause pour faire accepter en preuve des images montrant Donald Trump avec son garde du corps vers l'heure de l'appel en question après un rassemblement politique en Floride.

Leur objectif était de convaincre les jurés qu'il était vraisemblable que Donald Trump ait parlé à Michael Cohen.

Le juge avait accepté que les procureurs rappellent à la barre un responsable des archives du réseau télévisé public C-SPAN, qui diffuse entre autres des événements politiques dans leur intégralité, pour déposer le document en preuve.

Après un débat, qui a retardé le retour des jurés d'une demi-heure, la défense a cependant fait marche arrière et accepté qu'une impression d'écran de la vidéo montrant Donald Trump et son garde du corps soit montrée au jury.

Michael Cohen a par ailleurs estimé avoir eu plus de 20 discussions avec M. Trump au sujet de la situation de Stormy Daniels au cours du mois d'octobre 2016.

Il a répété ses propos de la semaine dernière : il a soutenu n'avoir aucun doute que Donald Trump lui ait donné son feu vert pour payer Stormy Daniels et dit de régler les détails du remboursement avec l'ex-directeur financier de la Trump Organization Allen Weisselberg.

Il a également dit qu'il n'aurait pas payé Stormy Daniels sans l'accord de Donald Trump parce qu'il voulait être sûr de récupérer [ses] fonds.

Michael Cohen était le 20e témoin appelé à la barre. Selon CNN, sa comparution, étalée sur quatre jours, a duré plus de 17 heures.

Après avoir évoqué la possibilité que les procureurs et les avocats de la défense fassent leurs plaidoiries finales mardi, le juge Merchan, en matinée, a par ailleurs dit s'attendre à ce qu'elles se déroulent la semaine prochaine en raison du long congé du jour du Souvenir américain (Memorial Day).

Il est devenu évident que nous ne serons pas capables de terminer demain, a-t-il déclaré.

Avec les informations de New York Times, Washington Post, The Guardian, CNN et Associated Press.
Sophie-Hélène Lebeuf

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