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Impuissants, ils voient leurs maisons se rapprocher du gouffre à chaque tempête

Renald Guinard et Bernard Savoie sont debout près de la falaise.  Derrière eux, il y a la maison de M. Guignard.  Devant, la plage et la mer.

Renald L. Guignard discute avec le maire de l'Île-de-Lamèque, Bernard Savoie.

Photo : Radio-Canada / Michèle Brideau

Michèle Brideau

Des résidents de la Péninsule acadienne, au Nouveau-Brunswick, lancent un cri d'alarme. Ils supplient le gouvernement provincial de les aider devant l'érosion côtière qui grignote petit à petit leurs terrains et qui menace leurs maisons.

Renald L. Guignard vit dans la maison la plus menacée par la mer sur la rue Paulin à Sainte-Marie-Saint-Raphaël, une communauté de l'Île-de-Lamèque au Nouveau-Brunswick.

Ce printemps, il a mesuré ce qui lui reste de terrain : seulement 25 pieds, soit 7,5 mètres. C'est bien peu lorsque la mer se déchaîne si près de chez lui.

Les toits de deux maisons apparaissent en haut du cap.

Des maisons de la rue Paulin vues de la plage à Sainte-Marie-Saint-Raphaël.

Photo : Radio-Canada / Michèle Brideau

On est tout le temps inquiet mais qu'est-ce qu'on peut faire quand on n'a pas le contrôle dessus?
Une citation de Renald L. Guignard, résident de Sainte-Marie-Saint-Raphaël

Du haut de ses 80 ans, il pointe vers la mer pour indiquer où se trouvait le champ de patates familial que les vagues ont avalé ainsi que plus de 100 mètres de terrain aussi engloutis par la mer au cours des dernières décennies.

Les Guignard ne veulent pas partir sans leur maison

À chaque tempête, Renald L. Guignard se demande combien de terrain il va perdre. Le 10 janvier, lorsque le mauvais temps s'est abattu avec force (nouvelle fenêtre) sur le nord de la province, les vagues ont arraché deux mètres de sa cour, affirme-t-il.

Il ventait assez, ça faisait comme si ça garrochait contre la maison. T'aurais pas pu sortir, raconte-t-il.

Ils sont assis dans des chaises berçantes dans la cuisine.

Mabel et Renald L. Guignard dans leur maison construite vers 1850 selon leurs estimations.

Photo : Radio-Canada / Michèle Brideau

Son épouse, Mabel Guignard, 77 ans, craint les humeurs de la mer mais, comme son mari, elle refuse de déménager sans la maison. Six générations de Guignard ont grandi dans cette demeure.

La seule chose que je demande au gouvernement, c'est qu'il nous aide à déménager la maison. S'ils veulent rien que la raller au chemin, eh bien qu'ils mettent de la roche à la côte.
Une citation de Mabel Guignard, résidente de Sainte-Marie-Saint-Raphaël

De la plage, on voit clairement les ravages : des gros morceaux de pelouse tombent, des bouts de tuyaux de puisard sont dénudés et pendent dans le vide, des garages ne sont plus qu'à quelques mètres du cap.

L'absence de glace

Hervé Paulin vit à quelques maisons de la famille Guignard. Il dit avoir perdu jusqu'à trois mètres de terrain pendant la tempête de janvier.

Il est debout entre la falaise et son garage.

Jacques Mercier craint que la prochaine grosse tempête n'emporte son garage.

Photo : Radio-Canada / Michèle Brideau

Un autre voisin, Jacques Mercier, se demande dans combien de temps son garage va tomber à l'eau.

Il me reste à peu près 10 pieds de terrain derrière mon garage. Une autre tempête, je perds le garage. Je vais le déménager plus en haut où est ma maison, explique Jacques Mercier, bien conscient que ce déménagement ne réglera pas le problème, puisque le terrain continue à disparaître.

Les résidents réclament un enrochement massif

Jacques Mercier et Hervé Paulin s'entendent sur une solution : il faut enrocher le littoral sur plusieurs kilomètres de part et d'autre pour freiner l'érosion. Une solution qui réglerait le problème pour 15 ans, selon Hervé Paulin.

Il est debout près du cap.

Hervé Paulin estime qu'il faut enrocher le littoral sur une grande distance.

Photo : Radio-Canada / Michèle Brideau

Renald L. Guignard demande de l'aide au gouvernement provincial depuis 16 ans, sans succès. Il se demande s'il en verra de son vivant. Il estime que la mer aura englouti le peu de terrain qui reste derrière sa maison d'ici deux ou trois ans.

Moi, j'ai pas d'argent. Où est-ce que tu veux que je prenne l'argent? Moi et ma femme, on n'a rien que la petite pension pour vivre.
Une citation de Renald L. Guignard, résident de Sainte-Marie-Saint-Raphaël
Bernard Savoie est debout devant la mer. Il porte une casquette. Il sourit.

Le maire de l'Île-de-Lamèque, Bernard Savoie, demande au gouvernement du Nouveau-Brunswick d'aider les résidents touchés par l'érosion.

Photo : Radio-Canada / Michèle Brideau

Le maire de l'Île-de-Lamèque, Bernard Savoie, s'inquiète pour le couple Guignard. Il juge la situation urgente.

Malheureusement, avec la grosseur de notre municipalité, on n'a pas les fonds nécessaires pour venir en aide aux citoyens ou faire de la relocalisation ou de l'enrochement. Il n'y a aucun programme avec le gouvernement. On aimerait que, prochainement, quelque chose soit fait pour venir en aide à ces gens-là, explique-t-il.

Il dit avoir envoyé des courriels à la province. Il a l'intention d'en envoyer d'autres.

Les gouvernements se renvoient la balle

En visite à Caraquet jeudi, Justin Trudeau a dit que le gouvernement fédéral était prêt à aider les résidents, comme il a pu le faire aux Îles-de-la-Madeleine. Mais Ottawa met une condition à cette aide : le gouvernement provincial doit lui aussi mettre la main à la pâte.

Justin Trudeau.

De passage au Nouveau-Brunswick jeudi, le premier ministre Justin Trudeau a dit qu'il aiderait les victimes de l'érosion, si la province colabore.

Photo : La Presse canadienne / Ron Ward

Le ministre de l'Environnement et du Changement climatique, Glen Savoie, dit de son côté vouloir travailler avec tous les paliers de gouvernement dans ce dossier sans donner d'indications précises sur ses actions.

Au moins on a notre rapport de 2022 où on a mis en place les étapes et procédures nécessaires. On doit continuer à travailler avec le fédéral et les municipalités, a-t-il expliqué jeudi à Fredericton.

Glen Savoie ne se prononce pas non plus à savoir si Ottawa en fait assez dans ce dossier. Il dit ne pas connaître suffisamment le dossier de l'érosion.

Dans un courriel, le ministère réitère que le gouvernement a un Fond pour aider les communautés à comprendre les risques liés au changement climatique, tels que l'érosion, les ondes de tempête et l'élévation du niveau de la mer sur leur territoire, et à élaborer un plan pour y faire face.

Michèle Brideau

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