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Les patients des Premières Nations plus susceptibles de quitter les hôpitaux sans soins

L'entrée de l'urgence à l'hôpital de l'Université de l'Alberta.

D’après l’étude, les données provinciales de 2012 à 2017 montrent que 6,8 % des membres des Premières Nations s'étant rendus dans les services d'urgences sont parties avant d'être vus ou contre l'avis d'un médecin, comparativement à 3,7 % des patients non membres des Premières Nations. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

RCI

Des chercheurs albertains soulignent dans une nouvelle étude que les personnes issues des Premières Nations sont plus susceptibles de quitter les services d'urgence de l'Alberta avant de recevoir des soins que celles qui ne sont pas membres de ces communautés. Le racisme, la discrimination et les stéréotypes ont été cités parmi les causes.

D’après l’étude (nouvelle fenêtre) (en anglais) publiée lundi dans le Journal de l'Association médicale canadienne, les données provinciales de 2012 à 2017 montrent que 6,8 % des membres des Premières Nations ont quitté les services d'urgence avant d'être vus ou contre l'avis d'un médecin. Ce chiffre se compare à seulement 3,7 % des personnes qui ne sont pas membres des Premières Nations.

D’après Patrick McLane, professeur agrégé adjoint au département de médecine d'urgence de l'Université de l'Alberta et coauteur de l’étude, après avoir analysé des variables telles que les données démographiques des patients, la géographie ou le type de diagnostic, le statut d'appartenance à une Première Nation est la seule explication apparente que l’on puisse donner.

Lorsque nous contrôlons tous ces facteurs, les membres des Premières Nations sont plus susceptibles de prendre congé de l’hôpital sans avoir terminé les soins.
Une citation de Patrick McLane, coauteur de l’étude
Un homme assis dans un bureau.

Bien que la recherche ait été menée en Alberta, Patrick McLane, coauteur de l'étude, soutient que les résultats s'appliquent probablement aux visites dans les urgences partout au Canada.

Photo : Radio-Canada / Peter Evans/CBC

Des témoignages concordants

Cette conclusion a été étayée par des entretiens menés de 2019 à 2022 avec des membres des Premières Nations qui ont déclaré qu'on leur avait posé des questions stéréotypées sur la consommation de substances, qu'ils avaient entendu des commentaires racistes et qu'ils avaient le sentiment d'avoir été obligés d'attendre plus longtemps que les autres pour obtenir des soins.

Les participants ont également mentionné d'autres obstacles à l'obtention de soins, tels que les longs temps d'attente, la disponibilité des transports et l'utilisation par les professionnels de la santé d'un jargon médical que les patients ne comprennent pas.

Selon Samuel Crowfoot, conseiller de la nation Siksika, l'étude reflète ce que les membres de sa communauté, située au sud-est de Calgary, vivent depuis longtemps, à savoir des diagnostics erronés ou encore le fait d'être pris pour cible par la sécurité d’un hôpital.

La nation Siksika encourage ainsi ses membres à raconter les situations liées au racisme et à la discrimination qu'ils sont vécues dans les soins de santé. En septembre dernier, elle a signé un accord avec les médecins de l'Alberta (nouvelle fenêtre) pour résoudre ces problèmes.

Samuel Crowfoot, conseiller de la nation Siksika, en Alberta, assis dans un bureau.

Selon Samuel Crowfoot, conseiller de la nation Siksika, l'étude reflète ce que les membres de sa communauté vivent depuis longtemps, à savoir des diagnostics erronés ou encore le fait d'être pris pour cible par la sécurité d’un hôpital.

Photo : Radio-Canada / Justin Pennell/CBC

Benedict Crow Chief, membre de cette communauté, a déposé, l'année dernière, une plainte pour violation des droits de la personne contre Services de santé Alberta (AHS) et un hôpital, qu’il a accusés de discrimination ayant entraîné la mort de sa femme (nouvelle fenêtre), Myra Crow Chief.

À l'époque, l’autorité provinciale de santé publique avait déclaré que le racisme et la discrimination n'avaient pas leur place au sein de l'organisation.

Vendredi, Kerry Williamson, porte-parole d'Services de santé Alberta, a déclaré que l'agence reconnaît que certaines personnes des Premières Nations se heurtent à des obstacles dans l'accès aux soins parce qu'elles ne se sentent pas en sécurité ou bienvenues dans le système de santé.

Il a ajouté qu'Services de santé Alberta travaille à remédier à cette situation en mettant notamment en œuvre une nouvelle feuille de route à cet effet.

Même situation ailleurs au pays?

Bien que la recherche ait été menée en Alberta, Patrick McLane soutient que les résultats s'appliquent probablement aux visites dans les urgences partout au Canada.

Benedict Crow Chief croit également que le problème ne se limite pas à l'Alberta. Il espère que d'autres Premières Nations déposeront des plaintes au nom de leurs membres victimes de discrimination.

C'est très frustrant parce que ces histoires sont courantes. Nous les présenterons autant de fois qu'il le faudra jusqu'à ce que nous constations des changements significatifs.
Une citation de Benedict Crow Chief, membre de la nation Siksika
Un homme portant un pendentif est assis sur un passage en escalier.

« Tant que nous ne serons pas prêts à aborder ces questions d'une manière réelle, fondamentale, sincère et transformatrice, nous continuerons à voir des résultats de ce type », dit James Makokis, médecin de famille de la Nation crie de Saddle Lake.

Photo : Fournie par James Makokis

Des recommandations

Les auteurs de l'étude suggèrent que les fournisseurs de soins et les services d'urgence travaillent avec les Premières Nations sur des stratégies visant à retenir les patients membres de leurs communautés.

James Makokis, médecin de famille de la Nation crie de Saddle Lake, recommande pour sa part aux prestataires de soins d'urgence de respecter les principes de base du triage, de prendre les signes vitaux des membres des Premières Nations et de prendre des mesures supplémentaires pour mieux communiquer avec eux et s'assurer qu'ils sont bien pris en charge.

La disponibilité de services de transport 24 heures sur 24 pourrait aider les membres de ces communautés vivant dans des zones éloignées d'un hôpital.

L'amélioration de l'accès aux soins primaires pourrait également réduire la pression exercée sur le personnel des salles d'urgence.

Tant que nous ne serons pas prêts à aborder ces questions d'une manière réelle, fondamentale, sincère et transformatrice, nous continuerons à voir des résultats de ce type , conclut le Dr Makokis.

Avec les informations de Madeleine Cummings et de La Presse canadienne

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