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Première étape vers la création d’un syndicat dans un entrepôt d’Amazon au Canada

Un employé d'Amazon manipule un colis.

La requête en accréditation a été déposée au Tribunal administratif du travail. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Evan Mitsui

David Savoie

Des employés d’un entrepôt d’Amazon dans la région de Montréal tentent de devenir les premiers au Canada à former un syndicat au sein de cette entreprise. Il ont déposé une demande en ce sens, vendredi dernier, la seule requête active au pays à l'heure actuelle.

Je suis fier de mes collègues qui se tiennent debout. J’ai hâte de voir ce qu’on va pouvoir négocier au cours des prochains mois. C’est excitant, dit un travailleur de l’entrepôt DXT4, à Laval. Cet homme s'est impliqué dans la campagne de syndicalisation, mais il préfère qu’on taise son identité pour éviter des sanctions de son employeur.

Ce travailleur se dit convaincu qu’un syndicat permettra d’améliorer les salaires, de réduire la précarité et de bonifier la santé et la sécurité au travail.

Tant ici qu’ailleurs, les conditions de travail des employés dans les entrepôts d’Amazon sont dénoncées (nouvelle fenêtre).

C’est une discussion quotidienne qu’on a avec des collègues : "Comment va ton dos?" Tout ça, ce sont des problèmes qui motivent les gens à changer les choses. On se rend bien compte que la seule façon de changer ça, c’est de se syndiquer, de s’organiser, d’avoir notre mot à dire, explique ce travailleur.

Première étape

La requête en accréditation a été déposée au Tribunal administratif du travail (TAT) vendredi. C’est l’étape qui mène à la création d’un syndicat. Il faut maintenant que le Tribunal administratif du travail valide les signatures des employés. Amazon pourrait toutefois contester la liste d’employés.

Si le Tribunal administratif du travail autorise la requête, un syndicat sera formé. Dans le cas contraire, une bataille de chiffres s’ensuivra. Mais l’employé d’Amazon qui nous a parlé est convaincu qu’une majorité de travailleurs de l’entrepôt sont en faveur.

Notre équipe juridique est prête, affirme de son côté la présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Caroline Senneville.

La centrale syndicale a appuyé les démarches des travailleurs.

On veut que ça marche, ajoute-t-elle.

Les employés d’Amazon méritent d’être protégés par un syndicat et par une bonne convention collective.
Une citation de Caroline Senneville, présidente de la CSN

La présidente de la Confédération des syndicats nationaux espère que cette demande en accréditation fera tache d’huile dans d'autres installations d'Amazon au pays.

On aimerait ça, créer l’histoire pour être le premier d’une longue lignée et non le seul et unique [syndicat chez Amazon] au Canada, soutient Caroline Senneville. Chaque fois que tu syndiques un autre groupe, ça te rend plus fort face à la multinationale.

La position d'Amazon

De son côté, Amazon a dit qu'elle n'était ni ouverte ni fermée à la démarche.

Il revient à nos employés de décider s'ils souhaitent ou non adhérer à un syndicat, il en a toujours été ainsi, selon Barbara Agrait, porte-parole d'Amazon.

Nous travaillons avec nos employés afin de mettre en œuvre des moyens permettant à chaque personne d’être respectée et valorisée et de se faire entendre en tant qu’individu à part entière. Le fait est qu’Amazon offre déjà ce que de nombreux syndicats réclament : des lieux de travail sûrs et inclusifs, un salaire concurrentiel, des avantages sociaux dès le premier jour et des possibilités d’évolution de carrière, ajoute la porte-parole dans une déclaration écrite.

Dans les faits, cette multinationale a la réputation de s’opposer farouchement à la présence de syndicats dans ses entrepôts.

D’ailleurs, dans un autre dossier, la Confédération des syndicats nationaux a affirmé devant le Tribunal administratif du travail qu’Amazon a entravé sa campagne de syndicalisation (nouvelle fenêtre), lancée en 2022 dans un autre entrepôt de la région de Montréal. Les plaidoiries dans ce dossier ne sont d’ailleurs pas terminées.

Barry Eidlin, sociologue à l’Université McGill, s’intéresse aux mouvements syndicaux et suit de près ce qui se passe chez Amazon.

C’est un premier pas, il y a encore du chemin à faire, dit-il à propos de la requête des employés de Laval.

Avec un tel employeur qui s’acharne à combattre les syndicats, ce n’est pas une tâche facile. Même avec les lois qui sont plus progressistes au Québec, ce n’est pas du tout évident.
Une citation de Barry Eidlin, sociologue à l’Université McGill

Il faut dire qu'au cours des dernières années, plusieurs autres organisations ont tenté, sans succès, d'implanter des syndicats chez Amazon, tant au Canada qu’aux États-Unis.

La semaine dernière, le syndicat Unifor a retiré temporairement ses demandes de représentation des travailleurs de deux installations d'Amazon dans la région de Vancouver (nouvelle fenêtre). Il a accusé la multinationale de déclarer un nombre d'employés étrangement élevé, ce qui influence l’issue de sa campagne de syndicalisation.

À l’heure actuelle, il n’y a qu’un seul syndicat reconnu dans un entrepôt d’Amazon en Amérique du Nord (nouvelle fenêtre), celui de Staten Island. Cependant, depuis sa création, en 2022, il n’y a toujours pas eu de négociations pour une convention collective.

Des travailleurs d’entrepôt en Europe sont syndiqués, mais les règles de syndicalisation y sont très différentes, ce qui faciliterait la présence syndicale là-bas.

Pour Barry Eidlin, syndiquer Amazon, c’est le défi pour le mouvement syndical au Canada, aux États-Unis, partout, parce que c’est vraiment le géant du commerce, c’est le modèle d’emploi, note ce professeur de McGill.

En fin de journée, le ministre québécois du Travail, Jean Boulet, s'est contenté de confirmer, dans une déclaration écrite, avoir pris connaissance de la demande d’accréditation déposée vendredi au Tribunal administratif du travail.

Je vais laisser le Tribunal administratif du travail effectuer son travail et s’assurer de la validité de la demande d’accréditation. Le choix des travailleurs, quel qu’il soit, doit être respecté. Je n’émettrai pas d’autres commentaires d’ici la décision du tribunal.

David Savoie

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