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L’incinérateur de Québec est-il vraiment « un complexe de valorisation énergétique »?

L'incinérateur de Québec, le soir.

L'incinérateur de Québec (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / David Remillard

La Ville de Québec ne reculera pas et continuera de désigner son incinérateur comme un « complexe de valorisation énergétique », et ce, même si les termes ont été proscrits dans le plus récent plan de gestion des matières résiduelles de la région métropolitaine.

L'administration municipale a recours à cette appellation depuis le 1er novembre 2022 lorsqu'elle fait référence aux installations d'incinération situées sur le boulevard Montmorency. Sans faire de bruit, la Ville a en effet décidé de rebaptiser l'incinérateur pour en faire un complexe de valorisation énergétique.

Le libellé est utilisé dans les documents officiels et les communications de la Ville, dont les sommaires décisionnels et les résolutions du conseil municipal.

Un bâtiment municipal.

La Ville de Québec estime que l'incinérateur se qualifie comme complexe de valorisation des déchets, malgré que sa fonction première soit l'élimination des matières résiduelles. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Philippe Kirouac

Cette désignation découle des procédés optimisés de valorisation de l’énergie et des matières incinérées et de la mise en service du Centre de récupération des matières organiques [lié au centre de biométhanisation], plaide l'administration municipale par la voix de son porte-parole, Jean-Pascal Lavoie.

Dans ce contexte, la désignation complexe de valorisation énergétique en remplacement de la désignation incinérateur s’imposait afin de refléter cette réalité.

Une citation de Jean-Pascal Lavoie

Légal ou pas?

Or la Ville de Québec semble plutôt isolée sur sa position.

En décembre dernier, Recyc-Québec envoyait un avis de non-conformité à la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ) au sujet de l'incinérateur. Le passage problématique se trouvait dans une précédente version du Plan métropolitain de gestion des matières résiduelles 2024-2031.

L'utilisation du terme  valorisation énergétique  dans le libellé d'une piste d'action laissait croire que l’incinérateur de Québec peut être considéré comme une installation de valorisation énergétique selon la LQE, sermonnait la société d'État, dont le mandat est notamment d'assurer la conformité des plans de gestion municipaux.

Autrement dit, Recyc-Québec a jugé qu'il était trompeur de mettre en avant la valorisation énergétique pour ce type d'installations.

Un camion de collecte des ordures de la Ville de Québec est stationné devant l’incinérateur.

Les installations d'incinération de Québec ont le pouvoir de brûler 312 000 tonnes de matières résiduelles chaque année. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Flavie Villeneuve

À la suite de cet avis de non-conformité, la CMQ a modifié son libellé et ne fait plus référence à la valorisation énergétique. Le plan rendu public, et désormais en vigueur, évoque plutôt une bonification des installations de traitement des matières résiduelles pour favoriser leur efficacité énergétique et atteindre de meilleures performances environnementales.

Pourquoi la Ville de Québec persiste-t-elle à désigner l'incinérateur comme un complexe de valorisation énergétique? La CMQ se dissocie de la question et renvoie la balle à la Ville.

Mais à l’heure actuelle, les installations qui incinèrent des ordures ménagères ou des boues sont considérées comme des solutions d’élimination selon la législation en vigueur, précise une porte-parole de la CMQ.

Explications de la Ville

Concrètement, la Ville de Québec se targue d'utiliser l'énergie générée par l'incinération des déchets pour produire de la vapeur, laquelle est valorisée pour chauffer certains bâtiments municipaux à proximité. Il est aussi question de vendre cette vapeur au mégahôpital de l'Enfant-Jésus, mais le projet est sur la glace pour le moment pour des raisons financières.

La Ville dit aussi valoriser les cendres de grille obtenues par la combustion des matières résiduelles. Elle ne récupère cependant que 5000 des 60 000 tonnes de cendres produites annuellement, alors que le reste est destiné au site d'enfouissement de Saint-Joachim. Elle espère améliorer ce bilan grâce à un projet de récupération des métaux précieux en collaboration avec Polytechnique.

Par définition, l'incinérateur a pour fonction de trier et de préparer les résidus alimentaires des sacs mauves qui seront acheminés vers l’usine de biométhanisation et de traiter les ordures dans quatre fours d'incinération.

Nous n’avons pas l’intention de changer le nom du Complexe de valorisation énergétique de la Ville de Québec puisqu’il se qualifie en regard de la Loi sur la qualité de l’environnement.

Une citation de Jean-Pascal Lavoie

Vide juridique?

Tant le ministère de l'Environnement du Québec que Recyc-Québec n'ont osé se prononcer sur le nom donné aux installations d'élimination des déchets de la Ville. Aucun n'a déterminé si l'appellation était légale ou non, ou encore susceptible d'induire le public en erreur.

Notre rôle d’analyse de conformité se limite aux plans de gestion des matières résiduelles, souligne Recyc-Québec. Le nom de l’incinérateur ne faisait pas partie du contenu du projet de Plan métropolitain de gestion des matières résiduelles de la CMQ que nous avons analysé, ajoute-t-on.

Le gouvernement a aussi refusé de se prononcer spécifiquement sur le cas de l'incinérateur de Québec. D’emblée, il ne revient pas au ministère de se prononcer sur le choix du nom d’une installation municipale, dit par écrit le ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les Changements climatiques, de la Faune et des Parcs.

Ce dernier laisse tout de même entendre, indirectement, que la Ville est dans l'erreur.

Des bacs à ordures et à recyclage le long d'un trottoir.

De nombreuses villes québécoises souhaitent réduire la quantité de déchets envoyés dans les centres d'enfouissement. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Dominic Martel

À titre informatif, indique-t-il, les installations d’incinération demeurent des installations d’élimination et non des complexes de valorisation énergétique. Québec rappelle que le principe de priorisation des actions doit être respecté.

Cette hiérarchie classe les pratiques en fonction de leur impact environnemental. Elle priorise d'abord la réduction des déchets à la source, le réemploi et le recyclage. En bout de piste se trouve tout autre moyen de valorisation et d'élimination.

Les installations d’élimination (enfouissement et incinération) se situent donc en toute fin de cette hiérarchie, et ce, même s’il y a une forme de valorisation d’énergie dans certaines de ces installations.

Une citation de Josée Guimond, porte-parole, ministère de l'Environnement

La loi québécoise, dans l'état actuel, ne donnerait donc pas raison à la Ville. Elle prévoit toutefois la possibilité pour le ministère de développer par règlement des critères pour définir ce qui constitue de la valorisation énergétique des matières résiduelles, précise-t-on, en ajoutant que certains de ces critères restent à définir.

Encore là, la Ville aurait du mal à justifier la désignation des installations d'incinération à titre de complexe de valorisation énergétique, du moins selon le ministère. Ces critères devront assurer le respect de la hiérarchie. Ainsi, l’incinération de matières résiduelles pêle-mêle ne serait pas considérée comme une activité de valorisation énergétique.

Marketing vert

Le Mouvement pour une ville zéro déchet est lui aussi critique de la Ville dans ce dossier.

Ce que la Ville nous précise actuellement est qu'elle a ajouté à l'incinérateur d'autres éléments industriels. Cela n'a pas modifié la réalité de l'incinérateur, qui n'est qu'une des composantes de ce qu'elle nomme ''Complexe de valorisation énergétique", affirme Marcel Paré, membre du mouvement.

Selon lui, la Ville agit ainsi sous prétexte que l'on ajoute en complément d'autres équipements industriels prétendant produire de l'énergie. La nature des infrastructures n'a pas changé, à son avis, et légalement, l'incinérateur demeure un outil d'élimination des déchets d'abord et avant tout.

Le terme étant devenu toxique, le mot incinérateur n'étant pas assez vendeur, on l'a par la suite nommé Centre de valorisation énergétique.

Une citation de Marcel Paré, membre, Mouvement pour une ville zéro déchet

Le mouvement accuse la Ville de Québec de tomber dans le marketing vert et l'écoblanchiment. Le greenwashing existe aussi dans le petit monde des industriels de la gestion des déchets, où il permet de vendre aux collectivités les mêmes technologies polluantes qu’il y a 40 ans.

Marcel Paré estime que le rendement énergétique réel de l'incinérateur est à évaluer avant de conclure à l'existence d'un complexe de valorisation énergétique.

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