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Première observation d’utilisation d’un pansement par un grand singe à l’état sauvage

Un orang-outan de Sumatra avec une plaie au visage.

Rakus, un mâle adulte à collerette, présente une plaie faciale. La photo a été prise deux jours avant l'application du treillis végétal sur la plaie.

Photo : Suaq Project/Armas

Agence France-Presse

Blessé au visage, un orang-outan de Sumatra s'est soigné avec un pansement fabriqué à partir d'une plante médicinale, dans la première observation d'un tel comportement chez un grand singe à l'état sauvage, rapportée jeudi dans la revue Scientific Reports (Nouvelle fenêtre) (en anglais).

Rakus, qui a une trentaine d'années, a été observé en juin 2022 avec une vilaine blessure au visage, exposant sa chair sous l'œil droit le long de ses narines. Une blessure reçue probablement lors d'un combat avec un mâle du voisinage, selon Isabelle Laumer, primatologue à l'Institut Max Planck en Allemagne et première autrice de l'étude.

L'animal est suivi avec 130 congénères, tous à l'état sauvage, dans une zone du parc national indonésien de Gunung Leuser.

Un orang se nourrissant de feuilles de Fibraurea tinctoria

Rakus se nourrissant de feuilles de Fibraurea tinctoria (photo prise le jour suivant l'application sur la plaie).

Photo : Saidi Agam /Suaq Project

Trois jours après sa blessure, Rakus a commencé à mâcher des feuilles d'une liane, appelée localement Akar Kuning (Fibraurea tinctoria). Mais au lieu de l'ingérer, il a porté ses doigts enduits du jus de la plante sur sa plaie à vif, avant de la recouvrir entièrement de pulpe de liane.

Cinq jours plus tard, la plaie était refermée. Deux semaines après, elle laissait une cicatrice à peine visible.

L'orang-outan Rakus.

Rakus, deux mois après avoir été observé en train d'appliquer une plante sur une plaie ouverte sur sa joue. La plaie est cicatrisée et la cicatrice est à peine visible.

Photo : SUAQ PROJECT/ARMAS/Safruddin

Le remède utilisé n'a rien de miraculeux, il fait partie de la pharmacopée traditionnelle dans la région, de la Chine à l'Asie du Sud-Est. Cette liane et d'autres similaires sont utilisées comme remèdes traditionnels pour différentes affections, comme la malaria, selon la biologiste cognitive, citée par le Max Planck. Grâce à des propriétés antibactériennes et anti-inflammatoires, entre autres.

Selon l'étude, il s'agit du premier cas documenté de traitement d'une blessure avec une espèce de plante contenant des substances biologiques actives par un animal sauvage.

Si elle était confirmée par d'autres observations, elle compléterait une liste croissante de comportements d'automédication par des animaux, notamment chez des primates.

Dans les années 1960, la célèbre primatologue Jane Goodall a observé pour la première fois que des chimpanzés absorbaient des feuilles dont le rôle antiparasitaire a été révélé plus tard.

Un comportement observé depuis chez des bonobos et des gorilles, avec une sélection par l'animal des plantes ingérées, dont la connaissance serait transmise par des femelles.

Plus récemment, des chercheurs ont observé des orangs-outans de Bornéo, également en liberté, mâchant les feuilles d'une plante médicinale avant de s'en frotter les membres uniquement. Coïncidence? Dracenea cantleyi est typiquement utilisée par les populations indigènes pour traiter muscles endoloris et douleurs articulaires.

L'étude estime que le comportement de Rakus, comme celui de ses congénères de Bornéo, était bien intentionnel. Avec un traitement répété et méticuleux d'un endroit bien précis, qui a pris un temps considérable, selon Isabelle Laumer.

Co-autrice de l'étude, la Dre Caroline Schuppli n'exclut pas une innovation individuelle, d'origine accidentelle.

Rakus aurait pu sans le vouloir appliquer le jus de la plante sur sa plaie, juste après avoir porté ses doigts dans la bouche. Comme la plante a un effet analgésique, les singes peuvent éprouver un soulagement immédiat, les poussant à répéter l'opération plusieurs fois, selon cette responsable du Groupe développement et évolution cognitive au Max Planck.

Ce comportement n'ayant pas été observé localement jusqu'ici, la chercheuse n'exclut pas qu'il soit présent dans la zone d'origine de Rakus, les jeunes orangs-outans mâles quittant leur région natale après la puberté.

Le fait que, comme les humains, des primates puissent traiter activement une blessure de cette façon laisse imaginer que notre dernier ancêtre commun utilisait déjà des formes semblables de traitement à l'aide de pommades, selon la Dr Schuppli.

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