•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Délais judiciaires trop longs : une juge exhorte Québec à agir

Une juge tient un marteau de justice.

Au moins trois autres causes criminelles ont été abandonnées à la fin de l’année 2023 en Abitibi-Témiscamingue. (Photo d'archives)

Photo : iStock / nathaphat

Une juge de l’Abitibi-Témiscamingue s’impatiente et réclame des ressources supplémentaires après avoir prononcé un autre arrêt des procédures en vertu de l’arrêt Jordan dans la région.

Dans un jugement rendu le 26 mars dernier à Val-d’Or, la juge de la Cour du Québec Nathalie Samson interpelle directement l’État québécois, l’invitant à s’assurer que la région de l’Abitibi-Témiscamingue bénéficie de ressources suffisantes pour que la situation s’améliore. Elle estime que les délais dans cette région sont trop longs et que la confiance des citoyens envers le système de justice est minée.

Radio-Canada révélait il y a quelques semaines qu’au moins trois autres causes criminelles ont été abandonnées à la fin de l’année 2023 en Abitibi-Témiscamingue.

Un procès qui n’aura jamais lieu

La juge Nathalie Samson a ordonné un arrêt des procédures dans le dossier d'un homme qui faisait face à huit chefs d’accusation de voies de fait, de voies de fait armées et d’agression sexuelle depuis le 10 juin 2020. 

Le jugement mentionne qu’il s’agit d’un dossier de violence conjugale et intrafamiliale. Les infractions alléguées se seraient déroulées sur une période de 10 ans, entre 1992 et 2002.

Dès le départ, ce dossier a pris beaucoup de retard en raison du manque de dates disponibles à la cour pour procéder.

Le palais de justice de Val-d'Or, en Abitibi.

Le jugement a été rendu en mars dernier au palais de justice de Val-d’Or par la juge de la Cour du Québec Nathalie Samson. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Angie Landry

Le 15 mars 2021, les parties souhaitent fixer l’enquête préliminaire, mais ne disposent pas de date au calendrier judiciaire. C’est finalement le 9 juillet 2021, soit quatre mois plus tard, que les parties fixent l’enquête préliminaire aux 17 et 18 mars 2022, mais lorsque l’avocate de la défense téléphone au greffe pour réserver les dates, le tribunal n’est plus disponible.

L’enquête préliminaire est donc à nouveau reportée aux 2 et 3 juin 2022, plus d’un an après que les deux parties eurent mentionné être prêtes à la fixer.

Pour éviter un arrêt des procédures, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) doit démontrer que le retard est causé par la défense, mais l’indisponibilité du tribunal ne peut pas être attribuée à la défense. Ces journées d’attente doivent donc être considérées afin de déterminer si l'accusé a été jugé dans un délai déraisonnable.

En fait, la jurisprudence va plus loin, elle prévoit que les périodes durant lesquelles le tribunal n'est pas disponible ne constituent pas un délai imputable à la défense, et ce, même si cette dernière est indisponible.

Les délais se poursuivent

Le juge présidant l’enquête préliminaire demande ensuite aux parties de remplir le formulaire de fixation à procès avant le 7 septembre 2022 et de communiquer avec le juge coordonnateur.

Les parties évaluent la durée du procès à environ huit jours. La juge Nathalie Samson précise qu’il ne s’agit pas d’un dossier particulièrement complexe.

Le 11 avril 2023, le juge coordonnateur confirme aux parties que le dossier figure toujours sur une liste d’attente et qu’il sera fort probablement fixé dans le prochain calendrier judiciaire, qui débutera en septembre 2023. Il indique : on a des difficultés ici, il nous manque 4 juges sur 13, fait que vous comprendrez qu’on… On arrive à peine à traiter les urgences, mais on s’attend à des nominations cet été.

Le 24 mars dernier, soit le moment de l’arrêt des procédures dans ce dossier, aucune date n’était encore disponible pour le procès.

On peut lire dans le jugement de Nathalie Samson qu’au 6 septembre 2023, la liste d’attente comptait environ 35 dossiers nécessitant environ 182 jours d’audience. Le présent dossier se trouve au neuvième rang de cette liste.

Des ressources demandées

La juge Nathalie Samson, dans son jugement, parle de problèmes de délais systémiques de la région et des délais institutionnels chroniques dans le district d’Abitibi.

Elle précise aussi que toutes les régions doivent avoir les ressources nécessaires, que l’arrêt Jordan ne distingue pas les régions et le droit à un procès dans un délai raisonnable est un droit pour l’ensemble des citoyens. Que ce soit une région marginale, éloignée ou moins populeuse, le droit des citoyens reste le même.

Le DPCP plaidait que des délais étaient imputables à la défense et aux retards causés par la pandémie, mais la juge a finalement tranché en faveur de l’accusé.

Elle a déterminé que le délai net est de 1062 jours, soit environ 35 mois. Ce délai dépasse le plafond de 30 mois fixé par l’arrêt Jordan et le procès n’est toujours pas fixé. Elle a donc ordonné un arrêt dans des procédures déclarant que le droit de l’accusé d’être jugé dans un délai raisonnable, a été violé.

La juge Nathalie Samson précise que la confiance des citoyens envers le système de justice est minée par le prolongement des délais. Cette confiance est essentielle à la survie du système. Sans le soutien de la collectivité, le système perd son équilibre et que les délais déraisonnables amplifient la souffrance des victimes et les empêchent de passer à autre chose.

Tout est mis en œuvre pour limiter les arrêts des procédures, assure le ministre

Le cabinet du ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette nous a fait savoir par courriel, le 8 avril, que la situation quant aux délais judiciaires n’est pas acceptable et que de nombreux efforts ont été déployés au cours des dernières années pour améliorer la situation.

Il cite en exemple l'entente conclue avec la Cour du Québec qui prévoit l’atteinte de cibles de performance, d’ici décembre 2025, l'augmentation du nombre de jours d’audience et l'ajout de 14 nouveaux juges en Chambre criminelle et pénale.

Soulignons par ailleurs que, depuis 2018, les ressources au Directeur des poursuites criminelles et pénales ont augmenté de plus de 25 %, fait-on valoir par courriel. Le cabinet du ministre précise que les travaux de la Table Justice-Québec apporteront d'autres améliorations.

 Un plan d’action a été présenté en février dernier, lequel pourra rapidement être mis en œuvre grâce au projet de loi 54, adopté la semaine dernière. L’ajout de pouvoirs aux juges de paix magistrats et la possibilité de tenir des comparutions à distance, 7 jours sur 7, nous permettra de libérer l’équivalent de 15 à 20 juges de la Cour du Québec afin qu’ils entendent davantage de procès criminels. Nous sommes tous d’accord, chaque arrêt des procédures en est un de trop. Nous mettons tout en œuvre pour qu’il y en ait le moins possible, précise le courriel.

La section Commentaires est fermée

Compte tenu de la nature délicate ou juridique de cet article, nous nous réservons le droit de fermer la section Commentaires. Nous vous invitons à consulter nos conditions d’utilisation. (Nouvelle fenêtre)

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Infolettre ICI Abitibi

Une fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité régionale.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre d’ICI Abitibi.