Rainettes faux-grillons : la science avance, leurs terres reculent

Dans son laboratoire de l’Université d’Ottawa, le professeur Vance Trudeau est ravi : la phase 2 de ses recherches vient d’être financée.

Mon collègue Marc Mazerolle [professeur à l’université Laval, à Québec] va diriger cette deuxième partie de la recherche et on aura deux étudiants en master, annonce-t-il. Le philtre d’amour spécial grenouilles est prêt, on va pouvoir se concentrer sur la dynamique des populations en nature.

Voilà quatre ans maintenant que le biologiste travaille intensivement sur la fertilité de la rainette faux-grillon, la plus petite grenouille du Québec, aujourd’hui menacée de disparition. Ses recherches sont réalisées en collaboration notamment avec l’Université Laval et le Biodôme de Montréal.

On a constaté une variabilité énorme entre couples : certains vont être très fertiles, d’autres peu, explique-t-il. On pense qu'il y a des facteurs qui manquent dans le laboratoire. Des facteurs comme le chant.

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L’interaction acoustique joue un rôle important dans l’accouplement du batracien.

Il y a à peu près 5 à 10 mâles pour une femelle, la compétition est très intense, souligne le scientifique.

Le lancement de cette nouvelle phase de recherche est un espoir de plus pour la sauvegarde de l’espèce menacée. Encore faut-il qu’il reste suffisamment d’habitats viables pour la rainette faux-grillon.

Espèce dite parapluie, la rainette faux-grillon assure la protection d’autres espèces du milieu, elle sert de source de nourriture à certains et se nourrit d’insectes, tels que les moustiques.

À l’aide de son téléphone cellulaire, Cénédra Poulin appelle la petite grenouille.

Je fais jouer un chant de rainette faux-grillon et attends de voir si l’une d’entre elles me répond, explique la chargée de projet en gestion durable des milieux naturels au Conseil régional de l'environnement et du développement durable de l'Outaouais (CREDDO).

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Tout le mois d’avril, une équipe de l’organisme régional environnemental est partie dans le Pontiac à la recherche de nouveaux habitats potentiels pour le batracien. Cet inventaire est réalisé depuis deux ans, pour le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), en Outaouais et en Montérégie, les deux dernières régions québécoises où l’on recense encore des rainettes faux-grillons de l’Ouest.

Moins d’un quart des populations [de rainettes faux-grillons] du Québec survivront dans les prochaines années, si la tendance de destruction des habitats est maintenue.

Les populations continuent de décliner. Même si la rainette est inscrite comme menacée au provincial et au fédéral, il y a encore des projets d’urbanisation qui se font, et qui détruisent les habitats, constate la scientifique. Ici, dans le Pontiac, avec l’intensification des pratiques agricoles, l’utilisation des pesticides, les rainettes faux-grillons ne sont pas plus en sécurité que dans une ville telle que Gatineau.

Au cœur de Gatineau, la Commission de la capitale nationale (CCN) a récemment inauguré un parcours découverte sur la rainette faux-grillon au parc du lac Leamy.

On a voulu sensibiliser les gens [au] fait que le parc abrite une espèce en péril, malgré son hyperurbanisation, explique la biologiste pour le parc de la Gatineau et les terrains urbains du Québec à la CCN, Marina Torreblanca. C'est en effet très rare de la voir, mais on l'entend… même si cette année, c’est un peu difficile. Cela fait quelques années déjà qu'on n’a malheureusement plus de cote 3.

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Des habitats potentiels temporaires

L’une des difficultés de conservation des habitats de la rainette faux-grillon vient de son caractère temporaire : la grenouille s’abrite dans des marais, des fossés de drainage ou des petits milieux humides, souvent non cartographiés et qui s’assèchent aux premières chaleurs de l’été.

Selon les années, l’hydrologie va favoriser un certain endroit dans lequel la rainette va aller se reproduire, raconte la biologiste. Les années suivantes, elle peut préférer d’autres sites, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne reviendra plus au premier endroit.

L'important est de garder des habitats disponibles pour l'espèce. Si on continue à empiéter sans arrêt sur les habitats, on va finir par perdre nos populations.

Autre difficulté : conserver une connectivité entre les sites potentiels.

Si on a un étang entouré de bâtiments, puis qu'on met de la rainette là, ça ne sert à rien : la population risquera de disparaître parce qu'elle ne pourra pas aller coloniser d'autres lieux aux alentours, indique Cénédra Poulin.

Au point où on en est, chaque habitat est important à protéger, chaque population mérite d'être gardée.

Si on veut permettre à l’espèce de survivre et de recoloniser, il faut trouver de nouveaux habitats, les protéger et planifier la connectivité entre les habitats dans le futur, ajoute-t-elle.

Le spécialiste de l’Université d’Ottawa reste tout de même positif, bien qu’il pense que tous les habitats ne pourront être sauvés.

Il faut augmenter la superficie disponible pour cette espèce, rappelle Vance Trudeau. C’est une chute [de populations] terrible, mais ce n’est pas trop tard. Il en reste encore, on a les outils pour augmenter la fertilité et pour faire les suivis. Il faut juste le faire maintenant! Dans un an, deux ans, mais pas dix. Dans dix ans, là, ce sera fini.