Le « logement abordable » n’est pas abordable, tranchent des citoyens de l’Î.-P.-É.
Les citoyens de l'Île-du-Prince-Édouard sont particulièrement touchés par la pénurie de logements abordables. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Vicky Boutin
Un logement est considéré comme étant abordable s'il coûte moins de 30 % du salaire brut d'un locataire, selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). Alors que les autorités gouvernementales et les promoteurs se fient habituellement aussi à cette formule, des associations de défense des locataires l'estiment incorrecte.
C’est le cas de Cory Pater, membre de PEI Fight for Affordable Housing, un groupe qui lutte pour du logement abordable. Selon lui, 25 % du salaire brut serait plus raisonnable pour calculer le loyer d’un logement abordable.
Selon la logique des 30 %, si le revenu annuel des membres de votre foyer est évalué à 60 000 $, un loyer de 1500 $ par mois est envisageable.
Plusieurs citoyens de Charlottetown interrogés par CBC croient pour leur part que le loyer mensuel d'un logement abordable de deux chambres devrait se situer entre 1000 $ et 1200 $.
Cela est en ce moment presque impossible dans leur province, en partie parce que le taux d’inoccupation s'y chiffrait à 1,1 % en octobre 2023, selon les données de la SCHL, le plus bas au pays, ex æquo avec la Nouvelle-Écosse. Ainsi, à l’Île-du-Prince-Édouard, il est difficile de trouver un logement, et encore plus un logement abordable.
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Selon le recensement de 2021, le revenu moyen des foyers dans la province est de 60 000 $, bien que les dettes et le nombre d’enfants des ménages varient.
La retraitée Katie McInnis, par exemple, reçoit un revenu fixe qui n’augmente pas avec l’inflation, et les imprévus budgétaires sont difficiles à gérer.
On peut payer ses factures, mais il n’y a pas de marge de manœuvre en cas d’urgence. Alors, on se dit : ''Oh, mon Dieu, j’espère que le chat ne tombera pas malade'' ou bien ''Oh, mon Dieu, j’espère que la voiture ne tombera pas en panne''
, confie-t-elle.
La province consciente du problème
Au début de la pandémie de la COVID-19, le gouvernement provincial a temporairement gelé les augmentations de loyer afin d'aider la population à faire face à la crise du logement. Depuis, une loi les limitant à 3 % par année a été adoptée.
Néanmoins, la Commission de réglementation et d'appels de l’Île peut à ce jour approuver des hausses allant jusqu’à 6 % si un propriétaire en fait la demande.
Le ministre du Logement, Rob Lantz, (au centre) a indiqué en février que la province s'engageait à construire 2000 logements annuellement dans les cinq prochaines années. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Gabrielle Drumond
Au total, 1700 logements sociaux appartenant à la province sont accessibles aux citoyens à faibles revenus.
Beaucoup de gens de classe moyenne souffrent également de la crise du logement, notamment en raison de l’inflation. Le directeur des activités en matière de logement pour la province, Jason Doyle, se dit conscient de ce problème.
Nous investissons des sommes auprès des organismes à but non lucratif pour essayer de fournir des logements dont les loyers sont inférieurs à ceux du marché. On espère que cela permettra de répondre aux besoins de la classe moyenne, qui pourrait avoir été oubliée dans nos programmes d’aide existants
, affirme-t-il.
Le logement, un droit fondamental
Selon Cory Pater, une partie du problème réside dans le fait que la majorité des logements sur l’Île sont en ce moment considérés comme un investissement, au détriment d’un droit fondamental.
Cela crée un problème, dans le sens où les propriétaires souhaitent tirer le plus grand profit possible de leurs propriétés
, avance-t-il.
Cory Pater, membre de PEI Fight for Affordable Housing.
Photo : (Nicola MacLeod/CBC)
Cory Pater croit que la province devrait investir dans un plus grand nombre de logements coopératifs, où les locataires seraient propriétaires ensemble, selon le modèle de coopérative.
La situation est également difficile pour les jeunes adultes dans la vingtaine, qui entreprennent une carrière professionnelle.
Le marché est réellement hostile pour les acheteurs, si vous n’avez pas la chance d’avoir une richesse familiale
, soutient Cory Pater.
D’après les reportages de Shane Ross et de Nicola MacLeod, de CBC