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L’autobus gratuit pour remplacer « la deuxième ou la troisième voiture »

Des municipalités tentent de convaincre leurs résidents d'utiliser les transports en commun non seulement par la gratuité mais aussi par un service plus flexible, comme c’est le cas à Belœil et à McMasterville.

Nadine Viau devant un autobus d'exo.

La mairesse de Belœil, Nadine Viau, prend le service «exo à la demande» offert gratuitement dans sa ville et à McMasterville.

Photo : Radio-Canada / Karine Mateu

À Belœil, en Montérégie, pas besoin de sortir de carte, de billet ou de monnaie pour monter à bord d'un autobus : le transport y est gratuit depuis septembre 2022, tout comme dans la municipalité voisine de McMasterville.

Pour la mairesse de Belœil, Nadine Viau, il était nécessaire que les jeunes découvrent le transport en commun. L'urgence s’est d'ailleurs fait sentir dans son propre foyer.

Le constat a été fait quand je me suis rendu compte que ma fille de 15 ans voulait aller magasiner et que ni son père ni moi on ne pouvait y aller. Je lui ai dit qu'elle pouvait prendre l’autobus, et là, j’ai vu son angoisse. Elle ne savait pas comment utiliser l’autobus, raconte Mme Viau.

Les habitudes de banlieue qu’on a eues avec notre fille ne lui ont pas donné envie de découvrir autre chose que la voiture. Il y a le taxi maman ou le taxi papa, et ensuite, quand ils grandissent, ils ont le réflexe du scooter à 16 ans et de la première voiture à 18 ans.

Une citation de Nadine Viau, mairesse de Belœil

C’est donc pour créer ce premier contact avec le transport en commun qu’est venue l’idée de la gratuité pour circuler localement dans les villes de Belœil et de McMasterville ainsi que d'une municipalité à l'autre.

Nadine Viau dans un autobus de sa municipalité.

La mairesse de Belœil, Nadine Viau, raconte qu'elle a vu l'angoisse de sa propre fille lorsqu'elle lui a dit de prendre l'autobus.

Photo : Radio-Canada / Karine Mateu

Un service à la demande

La gratuité s'ajoute à une offre de transport plus flexible : le service « exo à la demande ». L’organisme exo, qui gère l’autobus et le train dans ce secteur et sur le reste du territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal, offre un service au moyen duquel les résidents peuvent demander au chauffeur d'autobus de s'arrêter à l'heure et à l'endroit qui leur convient.

Après un projet pilote, le service est officiel. C’est une application sur le téléphone, mais on peut aussi appeler pour réserver l'autobus et planifier le déplacement. Ça peut avoir l’air d’un taxi autobus collectif, explique la mairesse.

Depuis la mise en place de la gratuité et du service à la demande, l’achalandage du service d'autobus a augmenté de 78 % en un an seulement, explique Nadine Viau. Selon les données de son bureau, depuis janvier 2023, de 3000 à 4700 personnes par mois prennent l’autobus dans les deux villes. La vaste majorité le fait à Belœil (87 %).

En deuxième couronne de Montréal, comme à McMasterville, il y a beaucoup de gens qui n'ont jamais eu l'occasion d'essayer le transport en commun. Le fait de le rendre si accessible, on fait le pari que l'on va créer, peut-être, une habitude chez les gens, croit le maire de McMasterville, Martin Dulac.

Un autobus exo sur une rue à Belœil, en Montérégie.

Un autobus exo circulant à Belœil et à McMasterville, en Montérégie.

Photo : Radio-Canada / Karine Mateu

Efficace, la gratuité?

On a plus d’études qui démontrent que ça ne fonctionne pas que d’études qui démontrent que ça fonctionne, dit d'emblée, au sujet de la gratuité du transport en commun, Jean-Philippe Meloche, professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal.

Les études, dit-il, démontrent que la gratuité n'incite pas les résidents à délaisser leur automobile, même si l’achalandage connaît une hausse dans les municipalités qui y adhèrent.

Si vous rendez le transport en commun gratuit, il va y avoir plus de gens qui vont le prendre. Le problème, c'est que si l'objectif est de réduire la part modale de l'automobile, ça risque d'être un échec, parce que les personnes qui sont les plus sensibles aux prix du transport, ce sont les piétons et les cyclistes.

Une citation de Jean-Philippe Meloche, professeur à l'École d'urbanisme et d'architecture de paysage de l'UdeM

Au moment où vous les mettez [les piétons et les cyclistes] dans des autobus, vous allez dire : "Voilà! J'ai augmenté mon achalandage et j'ai atteint un objectif de développement durable." Eh bien, je vais vous répondre : non! Vous avez motorisé des gens qui n'étaient pas motorisés dans leurs déplacements, affirme le professeur.

La réalité est un peu différente à McMasterville, précise le maire Martin Dulac, et l'objectif n'est pas nécessairement l'abandon total de l'automobile.

Ce service-là ne permettra pas de remplacer la première automobile dans un ménage, mais peut-être la deuxième ou la troisième voiture, parce qu'elles sont souvent sous-utilisées.

Une citation de Martin Dulac, maire de McMasterville

L'objectif de la gratuité peut aussi être social. Une femme rencontrée par Radio-Canada dans l'autobus nous confie prendre ce moyen de transport tous les jours, matin et soir, pour se rendre au travail. Elle ajoute que la gratuité et le service à la demande lui ont permis d'accepter un nouvel emploi plus loin de chez elle.

Je n'ai pas de permis de conduire et avec le coût de la vie d'aujourd'hui, ça paraît, dit-elle.

Quelques arrêts plus loin, une autre femme, âgée et munie d'une canne, monte à bord de l'autobus après s'être rendue au centre commercial. L'autobus la dépose ensuite directement devant chez elle, gratuitement.

Quand je vois que le service permet à cette femme de se déplacer ainsi, je trouve que ça en vaut la peine, explique la mairesse de Belœil, témoin de la scène.

Offrir la gratuité aux utilisateurs n’est pas un choix très coûteux pour les deux villes. Belœil y injecte environ 70 000 $ par année, alors que pour McMasterville, le montant est de 6000 $. Un montant proportionnel à la population de chacune des villes.

Repenser le lotissement

Un panneau annonçant la municipalité de McMasterville en bordure d'une route où l'on voit des voitures.

Le maire de McMasterville affirme qu'il reste peu de terrains libres pour la construction résidentielle dans la municipalité.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Pour réduire l’usage de la voiture, le professeur Jean-Philippe Meloche croit que ces petites municipalités doivent revoir leur lotissement.

Ce sont des villes en développement et elles sont capables de créer des quartiers plus fonctionnels que ce qui a été construit par le passé. Parce que travailler à l’extérieur, c’est une chose, mais est-ce qu’il faut aller s’acheter une pinte de lait en voiture? Est-ce qu'il faut aller chercher son ordonnance à la pharmacie en automobile?, se questionne le professeur.

Le facteur Northvolt

Le développement sera d'ailleurs au rendez-vous dans ce coin de la Montérégie. Le secteur attend l’arrivée de la méga-usine de batteries de Northvolt, qui devrait créer 3000 emplois et dont le site est à la jonction de McMasterville et de Saint-Basile-le-Grand, donc tout près de Belœil.

La mairesse Nadine Viau croit d'ailleurs que plusieurs de ces travailleurs pourraient être séduits par le nouveau complexe d'habitations sur lequel planche sa Ville et qui se veut plus favorable aux transports collectifs et actifs.

On développe un futur quartier et on a travaillé vraiment fort sur des principes de marchabilité et de développement actif, explique-t-elle. Par ailleurs, il faut aussi repenser nos pistes cyclables. Elles ont été développées pour du loisir et non pas pour se rendre au travail ou faciliter les déplacements.

Le maire de McMasterville affirme, pour sa part, qu’il reste peu de terrains libres pour la construction résidentielle, mais il assure qu’il y aura des infrastructures de mobilité active pour lier les résidences au futur site de Northvolt. La Ville s’est aussi dotée d’un plan pour le déploiement d’un réseau cyclable, ajoute-t-il.

Pour le moment, les deux maires demeurent persuadés que leurs initiatives de gratuité et de flexibilité auront un effet à long terme.

La gratuité, ce n'est pas une fin en soi! Si on est capables de créer de nouvelles habitudes à la base, ne serait-ce que d'enlever la peur d'entrer dans un autobus à nos jeunes qui ne l'ont jamais fait, c'est déjà un bon début, croit Nadine Viau.

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