Alors que la saison de l’autocueillette bat son plein dans les vergers du Québec, elle est marquée par des pommes aux allures inhabituelles, avec des taches brunâtres et de légères malformations. Ce sont les conséquences du gel printanier. Mais n’ayez crainte! Ces défauts esthétiques ne changent en rien le goût des fruits et n’affectent pas leur qualité.
Au pied du mont Saint-Grégoire, le gel printanier a eu raison d’une partie de la production des Vergers & Cidrerie Denis Charbonneau, avec une perte de 40 %, même si les pommiers ont bénéficié de la protection naturelle de la montagne contre le froid.
L’impact se voit un peu moins que dans d’autres vergers puisque nous détenons une vingtaine de variétés.
, explique la copropriétaire Mélanie Charbonneau. Rappelons que le mercure est descendu à plusieurs reprises en dessous de zéro au mois de mai alors que certains arbres étaient en pleine floraison.
Selon Jean-Marc Rochon, vice-président des Producteurs de pommes des Laurentides, les régions de l’Outaouais, de la Montérégie et de Hemmingford font partie de celles qui ont été les plus affectées par les baisses de température au printemps. Les variétés aux floraisons plus hâtives comme la Cortland, la Paulared et la McIntosh accusent le plus de dommages et de pertes. D’autres, comme la Gala et la Honeycrisp, ont évité ces dégâts grâce à leur floraison plus tardive.
« La moyenne de perte pour l’ensemble de la province est d’environ 20 %, mais certaines régions observent une diminution allant de 40 à 60 %. »
Ne pas juger une pomme d’après son apparence
Connaissez-vous les anneaux de gel?
C’est la question que posent les Vergers & Cidrerie Denis Charbonneau à leur clientèle sur des panneaux informatifs installés à travers les pommiers. De nombreuses pommes ne sont pas drapées de leur rouge éclatant habituel cette saison. Des taches brunâtres, les anneaux de gel en question, sont apparues sur bon nombre d’entre elles en raison des températures froides du printemps.
Ces rugosités de surface n’affectent en rien le goût sucré des pommes. Il s’agit bel et bien d”imperfections esthétiques.
Cette saison d’autocueillette est marquée par ce changement dans l’apparence des fruits. Jean-Marc Rochon observe que de nombreux vergers québécois peinent à convaincre leur clientèle d’ajouter ces pommes à leur panier.
« C’est difficile de faire comprendre aux gens que ce n’est qu’esthétique. La clientèle touche les pommes et se rend compte qu’elles n’ont pas la peau aussi lisse, alors elle les laisse tomber au sol et en choisissent d’autres à l’apparence plus appétissante. »
L’agrotourisme donne le pouls à l’industrie, selon le pommetier. Quand les pommes sont envoyées aux entreprises d’emballage, c’est encore plus cruel, estime M. Rochon. Ce n’est pas une personne qui évalue les fruits, mais une machine. C’est pourquoi de nombreux vergers ont travaillé fort pendant l’été pour éliminer les fruits affectés par le gel pour éviter de supporter des frais de récolte, d’entreposage et de manipulation alors que la machine ne va pas les accepter pour la vente.
La prévention avant tout
La règle d’or pour éviter les conséquences du gel est de toujours planter des pommiers à flanc de colline, d’après l’agronome David Wees. L’air froid est plus dense que l’air chaud, rappelle-t-il. L’air froid va donc descendre lentement la montagne jusqu’à la vallée où la pomiculture ne serait pas optimale. C’est pour ça qu’autant de vergers se trouvent au mont Saint-Hilaire ou à Oka, au Québec.
Il conseille aussi de choisir des variétés plus résistantes au froid en raison de leur période de floraison. La Gala, la Empire ou encore la Spartan fleurissent en moyenne deux jours plus tard que la McIntosh, ce qui diminue légèrement les risques associés au gel.
Le gel dévastateur
David Wees note que les arbres fruitiers comme les pommiers tolèrent des températures hivernales sans problème lorsqu’ils sont en dormance. C’est au moment de la floraison qu’un léger gel menace leur rendement.
Le moment critique est lorsque les fleurs sont complètement ouvertes, note M. Wees, professeur en horticulture à l'Université McGill. Une température de - 2 °C peut les tuer. Si c’est le cas, il n’y aura pas de fruits. Parfois, les fleurs sont endommagées par le froid, ce qui provoque le développement de fruits difformes et de défauts esthétiques.
À la suite d’un gel printanier, le nombre de graines responsables de la croissance des fruits diminue. Ainsi, lors de la fructification, le développement de la pomme s’en voit affecté. Certaines parties du fruit ne croissent pas normalement.