Lignes de fuite : sous les jupons de l’amitié
Diffusé le 10 mai à 20 h, le film de Catherine Chabot et Miryam Bouchard n’épargne rien ni personne.
Un texte de Helen Faradji
On peut-tu boire des bulles sans parler de la banquise qui fond?
Après avoir été découverte sur grand écran dans Menteur, et avant qu’elle n’explose dans La candidate, la décidément multitalentueuse Catherine Chabot adaptait au cinéma, dans une coréalisation avec Miryam Bouchard, sa pièce de théâtre Lignes de fuite. Le résultat?
Un film acide et drôle qui ne se gêne pas pour rentrer dans le lard de nos travers à tous et toutes.
Une observation lucide et virulente de notre monde
Le prétexte est simple : trois trentenaires qui sont amies depuis le secondaire se retrouvent pour un souper de couples. Partant de là, le texte de Catherine Chabot ne prend pas de gants : la petite bourgeoisie, les intellos snobs, les gens de région, la sexualité, le monde des médias, l’engagement, l’amitié, la célébrité, la liberté d’expression… Tout et tout le monde en prend pour son grade au rythme pétardant de répliques qui tuent.
Une lointaine héritière de Denys Arcand? Peut-être, à la différence que Chabot opte pour la comédie pop et sucrée, où elle décoche ses flèches dans une confrontation tonitruante entre classes sociales.
Un texte réécrit pendant la pandémie
Bien sûr, le nombre de projets cinématographiques à avoir dû prendre une pause forcée durant la pandémie est énorme. Toutefois, ce gel a permis à Catherine Chabot de prendre le pouls nouveau de la société. Divisions, solidarité qui a fondu comme neige au soleil, angoisses intimes et collectives qui ont grimpé en flèche :
Lignes de fuite est de ces films qui radiographient l’ici et maintenant avec un sens de l’observation rare, sans pourtant devenir démodés au bout de quelques mois.
Et si le film a ouvert le huis clos du théâtre pour se permettre quelques pas de côté dans l’intimité des personnages, la charge n’en reste pas moins acide à souhait.
Enfin, des filles à l’avant-plan
Au texte, derrière la caméra et à l’écran, ce sont les filles qui mènent le bal. Mieux, entre Catherine Chabot, Léane Labrèche-Dor, Victoria Diamond et Mariana Mazza (nouvelle venue par rapport à la distribution théâtrale), ce sont les filles qui portent la charge humoristique – et réussissent un karaoké d’enfer –, un fait assez rare, en particulier dans notre cinéma, pour être souligné.
Et si la ligne de fuite la plus excitante était bel et bien celle de cette prise de pouvoir des femmes?
Compléments:
Lignes de fuite, sur ICI Télé, le 10 mai, à 20 h.
La bande-annonce (source : YouTube)
