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Tous les postes d’interprète du gouvernement du Manitoba sont vacants

Le Palais législatif au printemps.

Le Palais législatif du Manitoba, à Winnipeg.

Photo : Radio-Canada / Gavin Boutroy

Les trois postes d’interprète du Secrétariat aux affaires francophones du gouvernement du Manitoba sont vacants. Les difficultés d’embauche de la province seraient liées à des conditions de travail inacceptables.

Radio-Canada a obtenu le cahier de transition du ministre des Affaires francophones du Manitoba, Glen Simard, grâce à une demande d’accès à l’information. Il s’agit d’un résumé du fonctionnement et des problèmes principaux du Ministère.

Un organigramme y montre que le poste de directeur de la section d’interprétation est vacant, ainsi que les deux postes d’interprète. Il s’agit d’interprètes qui seraient responsables de la traduction orale à l’Assemblée législative du Manitoba, devant les tribunaux ou encore lors de conférences. Selon la Loi sur le Manitoba de 1870, la province doit fournir des services législatifs et juridiques dans les deux langues.

Les trois postes vacants ont la classification TS3, la désignation la plus élevée pour les fonctionnaires de ce domaine. Les employés éventuels seraient payés entre 81 700 $ et 110 000 $, selon la plage salariale pour 2024 établie dans la convention collective du Syndicat des employés gouvernementaux et généraux du Manitoba (MGEU).

Le Manitoba dépend actuellement d’interprètes indépendants pour s’assurer un service continu, parce que de récents concours de recrutement n’ont pas trouvé de candidats qualifiés, indique le document. Radio-Canada a confirmé que ces postes sont toujours vacants au début du mois de mai.

Pour le ministre responsable des Affaires francophones, Glen Simard, il s’agit d’une conséquence des actions du précédent gouvernement. Quand on coupe quelque chose, c’est difficile de le faire revenir, dit-il.

Il assure que le gouvernement néo-démocrate cherchera à embaucher des employés pour pourvoir ces postes.

Exiger la polyvalence

L’Association internationale des interprètes de conférence représente, entre autres, des membres au Manitoba. Les trois [postes] sont effectivement vacants présentement, et cela tient, à ce qu'on nous explique, aux conditions de travail proposées, affirme la porte-parole de l’association, Nicole Gagnon.

Nicole Gagnon en entrevue par visioconférence.

Nicole Gagnon, interprète indépendante et membre de l’Association internationale des interprètes de conférence. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Interprète-conseil dans la région d'Ottawa, elle explique que le Manitoba demande à ses interprètes de s’improviser interprètes à l’Assemblée [législative] et interprètes judiciaires auprès des tribunaux et interprètes de conférence auprès de conférences.

Il est plus difficile de trouver une personne qui est aussi polyvalente, qui est prête à faire les trois modes différents d'interprétation.

Une citation de Nicole Gagnon, porte-parole de l’Association internationale des interprètes de conférence

Elle indique que la profession n’est pas réglementée au Manitoba.

Au fédéral, ou au Québec, par exemple, il existe des accréditations pour les divers types d’interprétation. Dans ces circonstances, un interprète judiciaire ne s’improvise pas interprète de conférence ou même parlementaire, résume Nicole Gagnon.

Le fait d’exiger la polyvalence des interprètes pourrait aussi nuire à la qualité des traductions, relève-t-elle.

Il faudrait, je crois personnellement, repenser [au Manitoba] les fonctions qui sont confiées à ses interprètes. [La province] aurait plus de facilité à trouver des interprètes de conférence et des interprètes judiciaires par exemple, qu’un interprète qui peut cumuler les deux tâches, indique Nicole Gagnon.

Le ministre affirme que c’est une très bonne idée, de réduire les exigences en matière de polyvalence.

M. Simard, dans son bureau.

Glen Simard, le ministre des Affaires francophones du Manitoba.

Photo : Radio-Canada / Gavin Boutroy

C’est la même chose avec tous les postes spécialisés dans le gouvernement. Les gens qui travaillent très fort, qui font un très bon travail, sont appelés à faire beaucoup de choses. Ils ont enduré ça dans les derniers sept ans, quand leurs collègues de travail ont disparu pour des raisons de coupures ou des raisons budgétaires, explique Glen Simard.

La Société de la francophonie manitobaine (SFM) ne savait pas que ces postes étaient vacants. Nous trouvons la situation inquiétante et nous valorisons les carrières en interprétation et traduction, indique la gestionnaire des communications, Marianne Champagne, dans un courriel.

Elle ajoute que la SFM est impatiente d’en apprendre davantage et de suivre le dossier de plus près. Glen Simard indique qu’il aura des discussions avec la SFM pour s’assurer que cette dernière est au courant de cette question.

Le ministre exclut la privatisation

L’utilisation d’interprètes indépendants est extrêmement coûteuse, alors que le Service de traduction doit examiner la manière dont il fournit l’interprétation (y compris s’il devrait continuer de chercher à embaucher des interprètes internes ou externaliser tout ce travail) afin d’être aussi efficace que possible , mentionne le cahier de transition.

Le document ajoute que la province avait temporairement créé un poste de coordinateur de l’interprétation pour gérer les demandes. Entre octobre 2023 et mars 2024, la province avait conclu des contrats avec 31 interprètes indépendants, selon le cahier de transition.

Le site web de divulgation proactive de la province montre qu’en 2023 la province a octroyé plusieurs contrats de 200 000 $ à des personnes ou à des entreprises qui offrent des services d’interprétation.

La province a récemment publié une demande d’offre à commandes, où la province sélectionne des fournisseurs auxquels elle passera des commandes de services d’interprétation.

Les conditions de travail décrites dans le document disent que les interprètes indépendants pourraient être appelés à fournir leurs services à l’Assemblée législative, aux tribunaux ainsi que pour des conférences, des réunions, des journées portes ouvertes et des consultations.

La province cherche des candidats pour des offres à commande de trois ans, avec la possibilité de les prolonger. Elle ne garantit aucune quantité de travail aux candidats retenus.

Les candidats doivent avoir un an d’expérience et répondre à l’une des exigences suivantes : être agréé auprès d’une association professionnelle affiliée au Conseil des traducteurs, terminologues et interprètes du Canada, avoir un diplôme en interprétation ou avoir une expérience d’interprétation pour des entités du secteur public.

Le MGEU croit que la province devrait maintenir les postes d’interprètes. Lorsqu’un service est sous-traité, normalement, la qualité du service baisse, et le coût augmente, indique le président du syndicat, Kyle Ross.

Kyle Ross, le 29 août 2023.

Kyle Ross est le président du Syndicat des employés généraux et des fonctionnaires du Manitoba (MGEU). (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Il note que le précédent gouvernement progressiste-conservateur avait tendance à ne pas pourvoir des postes vacants. Il y a probablement près de 3000 postes vacants laissés par le gouvernement précédent, sans rime ni raison. Lorsque quelqu’un partait, il décidait de ne pas le remplacer, dit-il.

Le gouvernement néo-démocrate semble plus enclin à pourvoir des postes, note-t-il.

Glen Simard veut donner raison au syndicat. Il exclut la privatisation de ces postes. On va rebâtir notre service public, dit-il. Nous allons regagner la confiance des personnes qui travaillent dans notre système.

Conséquence des compressions

Avant, le Manitoba formait ses interprètes à partir d’un bassin de traducteurs employés par le Service de traduction. Or, en 2018, la province a aboli la quasi-totalité de ses postes de traducteurs, soit 11.

Le service s'est défait de tous ses traducteurs et, du coup, ne pouvait plus prévoir une relève en interprètes à partir de ces traducteurs, explique Nicole Gagnon.

Dépourvue de relève interne, la province fait face à la pénurie nationale d’interprètes. C’est un problème canadien, reconnaît le ministre Glen Simard.

Il faut comprendre, d'une part, qu'il y a une pénurie pancanadienne, deuxièmement, qu'il y a une absence de formation au Manitoba, dit Nicole Gagnon.

Une interprète parlementaire lors d'une conférence de presse.

Une interprète parlementaire lors d'une conférence de presse d'une ministre fédérale. (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Justin Tang

Nicole Gagnon estime qu’on peut compter le nombre d’interprètes accrédités au Manitoba sur les doigts d'une main. Selon le site web de l’Association des traducteurs, terminologues et interprètes du Manitoba, il y a six interprètes de conférence agréés au Manitoba en français et en anglais, et un seul interprète judiciaire agréé. Le conseil d'administration de l’organisation ne compte d’ailleurs qu’une seule personne.

Il n’y a que l'Université de Saint-Boniface qui offre un cours facultatif aux étudiants en 4e année de traduction. Il n’y a que deux universités qui forment des interprètes au Canada, indique Nicole Gagnon.

Au Canada, les programmes de maîtrise en interprétation de conférence (MIC) sont uniquement offerts à l’École de traduction et d’interprétation de l’Université d’Ottawa et au Collège Glendon, de l’Université York.

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